Menaces à long terme sur la situation financière des bailleurs sociaux

Philippe Pottiée-Sperry
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Menaces à long terme sur la situation financière des bailleurs sociaux

Jugeant favorable, en 2020, la situation financière du secteur du logement social, une étude prospective de la Banque des Territoires prévoit d’ici 40 ans une forte dégradation de leur dette. La raison ?  Les objectifs de rénovations thermiques massives et de constructions nouvelles.

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Fin 2020, le parc social compte 5,5 millions de logements, gérés surtout par des offices publics de l'habitat (OPH) et des entreprises sociales pour l'habitat (ESH). La construction de logements sociaux représente un peu moins d’un quart du total des mises en chantier de logements. Avec 18,4 Md€ d’investissements en 2019, ce secteur représente 7,5% des investissements totaux du secteur de la construction. Ils concernent surtout l’acquisition de logements (32% du total) et la construction en tant que maître d’œuvre direct (27%).

Programmes importants d’investissements 
S’étant montré solide pendant la crise sanitaire et économique de 2020, le secteur du logement social doit aujourd’hui fournir des efforts importants pour s’adapter au changement climatique. Outre la construction de logements neufs, dans un contexte de rareté du foncier et dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), il devrait pouvoir lancer d’importants programmes d’investissements concernant la rénovation et les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment. Une nécessité pour le secteur du logement social mais qui va fragiliser sa situation financière.
Tel est le principal constat de la dernière édition de l’étude « Perspectives », publiée par la Banque des Territoires (Caisse des Dépôts), qui présente le patrimoine des bailleurs sociaux en 2020, analyse leurs comptes consolidés de 2015 à 2020, et propose aussi une projection à 40 ans de leur situation financière.
 
Autofinancement de 18,4%
Les mesures de la loi de finances pour 2018 (RLS, gel de loyers et augmentation de TVA) ont entraîné une baisse des revenus des bailleurs sociaux. Depuis 2019, leur autofinancement global est néanmoins de nouveau en hausse, atteignant 18,4%, soit le niveau le plus élevé de ces six dernières années. Cela s’explique par la baisse des annuités financières sous l’impact du soutien apporté notamment par la Banque des Territoires via ses mesures d’urgence et de relance, et du fait d’un volume de cessions toujours important.
« La situation financière des bailleurs reste donc favorable en 2020 », juge l’étude « Perspectives ».

Eradiquer les passoires thermiques 
Suivant le scénario retenu, basé sur les informations disponibles en mi-mars 2022, les bailleurs sociaux seraient en mesure de faire face à court et moyen terme aux obligations de rénovations thermiques massives, imposées par la loi « Climat » d’août 2021. Le rythme augmenterait progressivement jusqu’à atteindre le niveau important de 125 000 réhabilitations en 2026 et 2027. Un effort facilité par les subventions du Plan de relance. 
La politique d’investissement des bailleurs sociaux permettrait ainsi d’éradiquer à courte échéance les passoires thermiques et de positionner le parc HLM sur la trajectoire de la SNBC d’ici 2050. 

100 000 constructions par an à partir de 2028
En revanche, à court terme, la construction de logements sociaux ne devrait pas atteindre les volumes définis dans le protocole d’engagement signé entre l’État et les acteurs du secteur (250 000 logements sur deux ans) et resterait même sous le seuil des 100 000 logements annuels. Explication : « les freins multifactoriels » identifiés dans le rapport Rebsamen sur la relance durable de la construction de logement.
Mais à partir de 2028, selon un scénario de retour à l’équilibre, les bailleurs auraient la capacité suffisante pour atteindre ce cap de 100 000 logements sociaux produits par an. Ces investissements, financés en grande partie par emprunt, augmenteraient les annuités de la dette et mobiliseraient d’importants fonds propres, avec pour conséquence une dégradation du potentiel financier. À la fin de la période de prévision, la Banque des Territoires prévoit donc que le secteur conserverait « une situation financière positive mais beaucoup moins favorable » qu’actuellement. 

Fortes incertitudes de la période actuelle
A l’horizon 2060, l’autofinancement global du secteur et le potentiel financier par logement baisseraient de moitié. « Le secteur devrait néanmoins être en mesure de lancer d’importants programmes d’investissements en termes de rénovation et de contribuer aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à long terme, même si leur situation financière s’en trouvera affectée », estime la Banque des Territoires. Mais en reconnaissant les difficultés de projection compte tenu des fortes incertitudes de la période actuelle du fait de l’évolution incertaine de la situation sanitaire (Covid-19), des tensions géopolitiques et de ses répercussions économiques, notamment avec la forte hausse de l’inflation. 
« Bien que les bailleurs sociaux soient des investisseurs de long terme, les tensions inflationnistes en cours pourraient à court terme influer sur leur politique d’investissement », conclut ainsi l’étude.

Philippe Pottiée-Sperry
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