Un projet de loi pour booster les énergies renouvelables
Voulant aller deux fois plus vite sur les projets d’énergies renouvelables, le projet de loi présenté le 26 septembre vise à réduire les délais de mise en service ou à améliorer la planification et la concertation au niveau local. Critique sur le texte, l’AMF pointe des atteintes graves aux pouvoirs d’urbanisme des maires.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a présenté au conseil des ministres du 26 septembre, le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Au menu : un panel de « mesures d’urgence temporaires pour accélérer les projets d’énergies renouvelables et les projets industriels nécessaires à la transition énergétique ».
Le périmètre est très large : photovoltaïque, éolien, gaz renouvelable mais aussi « fabrication ou l’assemblage des équipements nécessaires » à ces énergies, « travaux sur les ouvrages publics de distribution ou de transport » d’énergie et même « activités économiques considérées comme durables », au sens de l’Union européenne.
Objectif de production de plus de 20 GW
En procédure d’urgence (une seule lecture dans chaque chambre), le projet de loi commencera à être examiné au Sénat, fin octobre, puis à l’Assemblée nationale, fin novembre.
Le gouvernement affiche la volonté de favoriser l'essor des énergies renouvelables (EnR) en produisant plus de 20 GW de projets renouvelables à court terme. Cela permettrait de doubler la puissance renouvelable localisée en France sachant qu’elle accuse un certain retard en la matière par rapport à ses objectifs et ses partenaires européens. En 2021, les EnR n’ont représenté que 19,3% de la consommation totale d’énergie française.
Pour améliorer l’acceptabilité des projets, le gouvernement souhaite réduire la facture d’électricité pour les personnes « vivant à proximité immédiate des grands sites de production d’énergie renouvelable ». Certains sénateurs prévoient aussi d’ajouter au projet de loi une meilleure compensation pour les collectivités. Par ailleurs, un décret devrait être publié très prochainement pour réduire les délais de contentieux en fixant une limite de dix mois par instance.
Concertation très en amont
Avant même la présentation du projet de loi au conseil des ministres, Emmanuel Macron en avait déjà donné les grandes lignes, lors de l’inauguration du premier parc éolien offshore (500 MW de production), installé à Saint-Nazaire, le 22 septembre. Voulant aller « au moins deux fois plus vite pour les projets d’énergies renouvelables », le chef de l’Etat estime que « la concertation et l’accélération ne sont pas incompatibles ».
« Il faut engager les élus et les acteurs de terrain très en amont dans la déclinaison de notre stratégie et qu’ils soient coproducteurs de ces déclinaisons, a-t-il également insisté. Une chose est sûre, on va devoir atteindre nos objectifs, mais les modalités doivent être concertées très tôt dans les processus de mise en œuvre ».
Simplifier les procédures
Le projet de loi veut simplifier les procédures, libérer de l’espace pour l’installation de nouveaux projets et mieux partager la valeur générée par ces sources d’énergie. Il faut en moyenne cinq ans de procédures pour construire un parc solaire nécessitant quelques mois de travaux, sept ans pour un parc éolien et dix ans pour un parc éolien en mer, soit deux fois plus de temps que dans les autres pays européens. L’objectif du texte est donc de simplifier les procédures administratives, notamment en simplifiant les procédures de révision des documents d'urbanisme locaux.
Faciliter l’installation du photovoltaïque
Autre axe : faciliter l’installation de panneaux photovoltaïques en bord de routes et d’autoroutes, sur les friches, les grands parkings ou les terrains agricoles. Un peu sous les radars, l’éolien terrestre est revenu dans le discours d’Emmanuel Macron affirmant qu’« on a ralenti son évolution mais [qu’]on devra en faire ». Il existe aujourd’hui 9000 éoliennes terrestres concentrées sur peu de territoires.
Dans le détail, le projet de loi prévoit notamment de déployer progressivement des ombrières photovoltaïques sur les parkings existants de plus de 2500 m² ou de faciliter les projets sur les bords des routes et autoroutes (notamment les aires de repos ou les bretelles d’autoroutes), pour lesquels l’impact environnemental et paysager est moindre. Autres mesures : accélérer le raccordement au réseau électrique des projets, permettre aux entreprises et aux collectivités de signer directement des contrats de long terme d’EnR…
Une circulaire aux préfets
Par ailleurs, une circulaire aux préfets signée par quatre ministres (Intérieur, Transition écologique et Cohésion des territoires, Transition énergétique, Industrie), et datée du 16 septembre, les enjoint « de faciliter et d’accélérer le traitement des dossiers » d’EnR, « d’identifier les freins éventuels » ou encore de sensibiliser « face à un discours anti-renouvelables parfois virulent ».
Il est aussi demandé aux préfets de s’assurer qu'aucune instruction de projet renouvelable ne dépasse le délai de 24 mois. De plus, ils devront adresser au ministère de la Transition énergétique la liste de tous les projets éoliens, solaires ou de méthaniseurs qui dépassent les 5 MW en attente d'instruction pour accélérer leur déploiement. La circulaire leur demande en outre « de créer et de présider personnellement une revue de projets destinée à débloquer les dossiers ».
Les critiques de l’AMF
Avant même la présentation du projet de loi au conseil des ministres, l’AMF a regretté une nouvelle fois, le 22 septembre, l’absence de concertation préalable sur le texte avec les maires et président d’EPCI « qui sont les premiers concernés par l’implantation de dispositifs de production d’énergies renouvelables ». Elle s’agace aussi d’un texte qui « fait apparaître les maires comme les principaux obstacles au développement des énergies renouvelables, ce qui ne correspond pas à la réalité, comme en attestent les nombreux projets locaux ».
L’AMF pointe « des dispositions qui portent une atteinte grave aux pouvoirs d’urbanisme des maires ». L’article 5 permet en effet à l’Etat d’imposer que le PADD soit rendu compatible avec des projets qu’il aurait autorisés, alors que ces projets porteraient atteinte à son économie générale. L’AMF parle ici d’ici d’une disposition « inacceptable » : « aucune dérogation au projet du territoire ne doit être autorisée sans l’accord des collectivités concernées ».
Absence d’articulation avec le ZAN
Autre critique formulée : l’absence d’articulation avec le dispositif du ZAN (zéro artificialisation nette). « Des conflits d’usage importants des terrains sont à craindre », prévient-elle. L’AMF estime que « les maires doivent pouvoir décider des énergies renouvelables qu’il convient de développer sur leur commune et de leur emplacement ».
Par ailleurs, elle souligne que « l’acceptation locale des projets est essentielle à leur succès ». Et de juger ainsi qu’il « serait contre-productif de limiter la concertation avec les élus et avec les habitants pour accélérer les projets. L’urgence ne saurait donc servir de prétexte à un recul en matière de participation du public ».