Raccordements à la fibre optique : menace de la coercition sur les opérateurs

Philippe Pottiée-Sperry
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Fibre optique : mettre la pression sur les opérateurs pour améliorer les raccordements

Pour obtenir un changement rapide des conditions de mise en œuvre des raccordements à la fibre optique (FttH) par les opérateurs télécoms, l’Avicca va déposer une proposition de loi à visée coercitive. Etape suivante, si nécessaire, la demande d’ouverture d’une enquête parlementaire.

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A l’issue de son conseil d’administration du 7 juillet, l’Avicca (1) a annoncé sa volonté de garantir « une bonne fois pour toutes » la qualité des réseaux fibre optique construits par la puissance publique et par ce biais, « défendre les intérêts des collectivités et des usagers ». Association de 220 collectivités œuvrant pour la transition numérique du territoire, l’Avicca est présidée par Patrick Chaize, sénateur de l’Ain, qui va déposer dans ce sens une proposition de loi à visée coercitive.
« Avec l’Etat, le régulateur Arcep et les collectivités, nous faisons le triste constat, déplore-t-il, que la situation des réseaux publics fibre optique ne s’améliore pas, malgré nos alertes et demandes réitérées. Pire encore, elle s’est dégradée dans certains territoires ». « Il est intolérable que les investissements réalisés avec de l’argent public se dégradent au fil du temps, juge Patrick Chaize. C’est pourquoi j’ai décidé, au nom de l’Avicca et des collectivités représentées, de passer à l’offensive afin de mettre les opérateurs face à leurs responsabilités. »
 
Plusieurs types de sanctions

La proposition de loi vise à obliger la filière à changer radicalement ses pratiques. Elle prévoit ainsi de contraindre les opérateurs et leurs sous-traitants à réaliser des raccordements de qualité et à entretenir les équipements nécessaires (armoires techniques, câbles, poteaux…) pour que les abonnés ne subissent plus de pannes ni de connexions intempestives. En cas de manquement à leurs obligations, des sanctions seront prises à leur encontre. 
Le texte prévoit aussi des sanctions sur le paiement des travaux de raccordement des foyers : les opérateurs qui les réalisent ou les sous-traitent ne pourront pas percevoir de fonds publics en cas de défauts, malfaçons ou dégradations constatés. Ils devront aussi fournir obligatoirement les plannings d’intervention pour le suivi des raccordements, le respect des délais…

Ouverture d’une enquête parlementaire
Par ailleurs, la proposition de loi veut que les opérateurs sous-traitant les travaux de raccordement remboursent les dépenses publiques que les collectivités auront dû engager pour pallier les défaillances. Des sanctions sont aussi au programme contre les opérateurs faisant appel à des sous-traitants qui emploient du personnel sous-qualifié, mal rémunéré, non déclaré ou ne respectant pas les règles de sécurité. 
L’Avicca n’exclut pas la perspective d’ouvrir une enquête parlementaire pour « faire toute la lumière sur les fonds publics engagés sur les raccordements à la fibre optique des réseaux d’initiative publique », affirme Patrick Chaize. Il s’agirait de connaître les procédures mises en œuvre par les opérateurs et les circuits financiers avec un focus sur l’emploi de l’argent public pour réaliser des raccordements à la fibre qui portent atteinte à un réseau.

Contexte paradoxal
Fin mars, l’Arcep dénombrait 34 millions d’abonnements au haut et très haut débit et 30,8 millions de Français éligibles à la fibre. Fin 2022, 82% des locaux seront raccordables à la fibre et 98% à horizon 2025. De bons chiffres, faisant de la France une championne en Europe avec 60% des foyers raccordables à la fibre. Mais une situation paradoxale avec jusqu’à 75% des branchements (boîtier situé dans le domicile du client final) de certains réseaux pas conformes, des dégradations fréquentes des équipements publics des réseaux de fibre optique ou plus de 80% des points de branchements endommagés.

Des consommateurs mécontents 
Tout cela génère « des consommateurs mécontents », reconnaît Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca. Nombreux sont ceux payant un abonnement à la fibre mais en panne de connexion. A cela s’ajoutent des déconnexions intempestives régulières. Tous les types de territoires sont concernés et les signalements se multiplient. 
Explications ? « Des réseaux parfois sous-dimensionnés, des équipements vandalisés, des armoires techniques dégradées, des câbles sectionnés, emmêlés, débranchés », répond Ariel Turpin. Parmi les conséquences, les collectivités reçoivent des appels d’administrés très mécontents. Certaines communes ont dû recruter du personnel pour traiter ces demandes.

Une situation dans l’impasse
Les opérateurs, leurs sous-traitants et les sous-traitants des sous-traitants (on peut compter jusqu’à six ou sept intermédiaires entre l’opérateur d’infrastructure et l’abonné) ne parviennent pas à réaliser correctement les raccordements, ni à rétablir les connexions rapidement et durablement (manque de moyens mis en œuvre, perte de contrôle sur les sous-traitants…). 
Des propositions ont été faites mais ne sont pas suivies d’améliorations satisfaisantes, déplore l’Avicca. Un contrat national appelé contrat STOC V2 avait été signé début 2020 entre les opérateurs mais sans réels résultats mesurables. Un collectif de 28 collectivités a lancé un appel le 4 avril dernier pour faire bouger les lignes, mais n’a pas été entendu par les opérateurs.

(1) Avicca : Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel

 

Philippe Pottiée-Sperry
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