
Réindustrialisation : les territoires à un tournant

Malgré des discours volontaristes sur la relocalisation et la souveraineté industrielle, les chiffres du Baromètre de l’attractivité des territoires 2025, publié par SCET et Ancoris, montrent un essoufflement préoccupant. En un an, les projets d’implantation d’entreprises ont chuté de 5 %, et les projets industriels affichent une baisse vertigineuse de 17 %. Alors que la France peine à maintenir son attractivité face à une concurrence internationale accrue, les territoires se retrouvent en première ligne, contraints d’innover pour inverser la tendance.
Loin du sursaut attendu après les plans de relance successifs, la réalité est plus contrastée. Entre 2023 et 2024, le nombre total de projets d’implantation a reculé, passant de 1 694 à 1 595, confirmant une tendance baissière amorcée après le pic exceptionnel de 2021 (1 871 projets). Cette érosion s’explique par plusieurs facteurs : instabilité politique, ralentissement économique global, tensions sur le foncier et difficultés de recrutement.
Les projets industriels, pourtant prioritaires pour la réindustrialisation, sont les plus durement touchés. Avec seulement 325 projets recensés en 2024, contre 392 l’année précédente, la chute est brutale. Ce recul illustre les freins structurels auxquels se heurte l’industrie française : coût de l’énergie, complexité administrative, accès difficile au foncier et tensions sur les compétences. La loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), bien qu’indispensable pour préserver l’environnement, complique également l’implantation de nouvelles usines.
Les territoires face à un choix stratégique
Malgré ce contexte morose, les collectivités ne baissent pas les bras. Selon l’enquête menée par SCET et Ancoris, 85 % des décideurs territoriaux restent optimistes quant au développement économique de leur territoire. Leur enjeu est désormais de mobiliser les bons leviers pour inverser la tendance.
Parmi les principaux obstacles identifiés figurent la disponibilité du foncier économique (cité par 64 % des répondants), la concurrence accrue entre territoires (52 %) et les difficultés de recrutement (45 %). Pourtant, certaines filières tirent leur épingle du jeu. Le secteur de la logistique, après une chute en 2023, a enregistré une reprise modérée de +4,4 % en 2024, portée par l’essor du e-commerce et la nécessité de relocaliser certaines chaînes d’approvisionnement.
Un modèle d’attractivité à repenser
Si l’industrie 4.0 et la transition écologique sont des moteurs potentiels de réindustrialisation, encore faut-il que les conditions soient réunies. Le baromètre 2025 souligne la nécessité d’une politique industrielle plus lisible et stable, avec des décisions cohérentes entre l’État, l’Europe et les territoires. L’une des pistes avancées est la réhabilitation du foncier existant plutôt que la création de nouvelles zones industrielles. Plusieurs collectivités expérimentent des solutions innovantes, à l’image des “sites clés en main”, qui réduisent les délais d’implantation en simplifiant les procédures administratives. De même, l’accélération des formations adaptées aux besoins industriels devient une priorité pour éviter un déficit de compétences qui freinerait toute dynamique de réindustrialisation.
Un enjeu de souveraineté économique
Au-delà de l’attractivité des territoires, c’est un véritable enjeu de souveraineté nationale qui se joue. Comme le souligne Guillaume Gady, co-fondateur d’Ancoris, la France ne peut plus se permettre d’être un “marché passif” dans la compétition mondiale. L’industrie représente un pilier clé de notre transition écologique et du financement de notre modèle social.
Car si la tendance actuelle n’est pas inversée rapidement, le pays risque de voir s’accentuer son décrochage économique et industriel, avec des répercussions sur l’emploi et l’équilibre des territoires.
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