Rencontre avec Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de l'association Centre-ville en mouvement

Danièle Licata
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Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de l'association Centre-ville en mouvement

Zepros Territorial vous emmène chaque semaine avec France Climat à la rencontre d’un élu de France. Un format direct, rapide et percutant pour découvrir les défis, réussites et visions d’hommes et de femmes engagés. Invité cette semaine, Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de l'association Centre-ville en mouvement pour qui " les politiques successives du logement se sont concentrées essentiellement sur des objectifs quantitatifs en ignorant souvent où et comment les Français veulent vivre ". 

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Êtes-vous un maire bâtisseur ?
Philippe Laurent : Pas vraiment, et ce n’est pas faute d’en avoir l’ambition. Sceaux ne dispose ni de friches, ni de terrains libres. La population est stable depuis dix ans, mais sa composition change. Par exemple, nous avons aujourd’hui 10 % d’élèves en moins dans les classes, tandis que la proportion de personnes âgées augmente. Par ailleurs, la taille des foyers diminue : en 1968, trois personnes occupaient un logement, contre 2,04 aujourd’hui. Cela crée une pression pour construire davantage de logements pour une population équivalente.

Pensez-vous que la France a bien bâti ces dernières décennies ?
Philippe Laurent : L’état des lieux est contrasté. Après l’appel de l’abbé Pierre en 1954, la France s’est lancée dans une politique de construction massive, souvent dictée par l’urgence sociale. Cela a conduit à l’émergence des ZUP (zones à urbaniser en priorité), qui ont produit des grands ensembles en périphérie des villes. Malheureusement, ces quartiers étaient souvent mal pensés : éloignés des centres-villes, sans infrastructures de transport appropriées, et avec des équipements publics insuffisants. Cette approche utilitariste a généré des zones d’habitation déconnectées du tissu urbain. Parallèlement, les années 1960 à 1980 ont vu l’essor des zones pavillonnaires, souvent sur des terres agricoles. Si ces constructions répondaient au rêve d’accession à la propriété, elles ont contribué à l’étalement urbain, augmentant les coûts de fonctionnement des communes et posant des problèmes environnementaux, notamment l’imperméabilisation des sols.
Aujourd’hui, nous faisons face aux conséquences de ces choix. Les grands ensembles sont devenus des lieux de relégation sociale, souvent marqués par des difficultés économiques et un manque de mixité. Quant aux zones pavillonnaires, elles sont peu adaptées aux enjeux actuels de densification et de mobilité. En revanche, certains modèles européens, comme en Allemagne ou en Scandinavie, ont préservé un équilibre entre centre et périphérie, grâce à une meilleure coordination entre urbanisme, logement et transports.
Pour l’avenir, nous devons repenser nos politiques : réhabiliter les grands ensembles pour les intégrer dans le tissu urbain, densifier intelligemment sans sacrifier la qualité de vie, et favoriser les villes moyennes comme alternatives attractives aux grandes métropoles. Construire ne doit plus se limiter à répondre à une demande quantitative, mais doit intégrer des enjeux de durabilité et d’ancrage territorial.

Les politiques du logement sont-elles trop utilitaristes ?
Philippe Laurent : Oui, elles le sont historiquement. Elles se concentrent sur des objectifs quantitatifs : loger toujours plus de personnes dans un espace restreint, souvent en métropole. Ce modèle est issu de la révolution industrielle et actualisé par les enjeux environnementaux de densification. Mais ces politiques ignorent souvent la question essentielle, où et comment les Français veulent-ils vivre ? De nombreux citoyens aspirent à des villes à taille humaine, proches de la nature, avec des services de proximité. L’urbanisme doit évoluer pour répondre à ces attentes, avec un équilibre entre métropoles comme hubs économiques et villes moyennes comme lieux de vie.

Comment revitaliser les centres-villes ?
Philippe Laurent : Nous avons déjà accompli des progrès avec des programmes comme Action cœur de ville ou Petites Villes de demain. Ces initiatives mobilisent les acteurs locaux et intègrent des managers de centre-ville pour coordonner les efforts. Mais beaucoup reste à faire, notamment en matière fiscale. La taxe foncière, par exemple, pousse à construire davantage sans prendre en compte les enjeux d’imperméabilisation des sols.
Pour que nos centres-villes redeviennent attractifs, il faut aussi diversifier l’offre commerciale, améliorer la mobilité et encourager des politiques de propriété foncière pour préserver la diversité.

Quel regard portez-vous sur l’urbanisme commercial en France ?
Philippe Laurent : La France a sacrifié ses centres-villes en privilégiant les zones commerciales périphériques. Contrairement à l’Allemagne, qui a su maintenir un équilibre entre centre et périphérie, nous avons laissé les cœurs de ville dépérir. Mais je reste optimiste : nous observons une mobilisation croissante des élus pour renverser cette tendance. Il faudra toutefois une volonté politique forte pour y parvenir.


 

Danièle Licata
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