Risque pénal des élus : une judiciarisation croissante de la vie publique locale

, mis à jour le 24/06/2025 à 16h51
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2 500 élus locaux susceptibles d’être poursuivis d’ici 2026 : un record

Avec près de 2 500 élus locaux susceptibles d’être poursuivis d’ici 2026, le rapport annuel 2025 de l’Observatoire SMACL confirme une pression judiciaire croissante sur les décideurs publics. Derrière les chiffres, une inquiétude : celle d’un effet paralysant sur l’action locale, faute d’un cadre juridique adapté.

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Depuis 30 ans, l’Observatoire SMACL (compagnie d'assurance des collectivités territoriales) scrute le risque pénal qui pèse sur les élus et agents territoriaux. Son rapport 2025, qui vient d'être publié, tire la sonnette d’alarme : la mandature actuelle pourrait battre tous les records. « Près de 2 500 élus locaux devraient être poursuivis, soit une hausse de 17 % par rapport à la période 2014-2020 », note Luc Brunet, responsable de l’Observatoire. Les fonctionnaires territoriaux ne sont pas épargnés, avec une augmentation prévue de 19 % des poursuites.
Premier motif d’accusation : les atteintes à la probité, et notamment la prise illégale d’intérêts, au cœur de l’article 432-12 du Code pénal. « Il n’est pas rare que des élus, mus par la seule volonté de servir l’intérêt général, se retrouvent poursuivis, voire condamnés », souligne le rapport. D’où la nécessité, selon l’Observatoire, d’une réforme ciblée pour « sanctionner les véritables manquements sans pénaliser l’engagement sincère ».

Jérôme Baloge, président de SMACL Assurances, insiste : « Le poids du risque pénal conduit parfois à freiner l’esprit d’initiative et à créer des complications kafkaïennes très éloignées des objectifs de la lutte contre les atteintes à la probité ».

Prévenir plutôt que subir
Face à cette judiciarisation croissante, l’Observatoire SMACL plaide pour une prévention renforcée. « Le risque pénal n’est pas une fatalité », martèle Luc Brunet. « De nombreux outils existent pour s’en prémunir : guides pratiques, cartographies des risques, formations, procédures de contrôle interne… ». L’Agence française anti-corruption (AFA) et l’Association des maires de France ont ainsi diffusé un guide pratique à destination des élus communaux, mis à jour en novembre 2024. Il propose des scénarios de risques concrets, des fiches pratiques sur l’urbanisme, les subventions ou les marchés publics, et des conseils pour réduire les écarts de responsabilité entre hommes et femmes dans l’exercice de leurs fonctions.
La présidente du SNDGCT, Hélène Guillet, appelle à une évolution du régime de responsabilité : « La crainte de poursuites dissuade les dirigeants publics de prendre des décisions qu’ils estiment pourtant opportunes. Il est temps de redonner du souffle à l’action locale ».

Un appel à la vigilance, mais aussi à la réforme, pour permettre à l’action publique locale de s’exercer avec discernement, sérénité et sécurité juridique.

 

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