Covid-19 : impact financier très variable selon les collectivités
En 2019, les collectivités territoriales ont engagé 250 Md€ de dépenses (186 Md€ de fonctionnement et 64 Md€ d’investissement). Leur épargne brute a fortement progressé à + 8,8 % après + 5,9 % en 2018 (+ 3,2 % par an en moyenne depuis 2013).
Explications : le dynamisme de leurs recettes fiscales mais aussi une certaine maîtrise de leurs dépenses. La nouvelle croissance de leur épargne a permis d’augmenter l’investissement public local (+ 7,1 Md€ en 2019 et + 13,5 Md€ depuis 2016). En dressant ce constat, le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales, publié le 6 juillet dernier, conclut à une situation financière globale des collectivités qui s’est de nouveau améliorée en 2019. Elles ont ainsi pu aborder 2020 et la crise du Covid-19 dans de meilleures conditions que l’Etat.
Départements très exposés
Mais ce tableau positif connaît un bémol important : l’accroissement des disparités entre les collectivités. La crise sanitaire devrait ainsi les affecter de façon très différente, selon la nature de leurs dépenses et de leurs recettes. Ce sont les départements qui apparaissent les plus exposés. « Leurs finances devraient être fortement affectées par la crise dès 2020, tant en dépenses (risque d’augmentation des dépenses sociales) qu’en recettes (baisse des produits de DMTO notamment) », analyse la Cour des comptes. Pour leur part, les régions, dont les recettes sont très dépendantes du contexte économique, risquent de voir leur épargne se contracter dès 2020 (TICPE, TVA) et plus encore en 2021 (CVAE) avec pour conséquence une reprise de leur endettement, sauf à réduire leur niveau d’investissement. Ce qui n’est pas vraiment prévu compte tenu de leur volonté de jouer un rôle de premier plan dans la relance économique.
Les petites villes plus menacées
Malgré une « situation financière globale plus favorable », c’est le bloc communal qui connaît la plus forte diversité de situations. Ainsi, de nombreuses communes, en particulier les plus petites, abordent la crise dans des conditions déjà difficiles et pourraient voir leur situation se dégrader dès cette année, prédisent les magistrats financiers. Et de préciser que « certains profils de collectivités sont plus exposés du fait de l’importance de leurs produits et charges sensibles à l’activité économique (communes touristiques, collectivités d’outremer), à plus forte raison si leurs finances étaient déjà dégradées en 2019 ». La Cour des comptes rappelle ici la série de mesures de soutien aux collectivités prises par le gouvernement dans le cadre du PLFR 3, en cours de discussion au Parlement, qui devraient en partie les aider. Mais à savoir si cela suffira. L’exécutif a déjà indiqué que le projet de loi de finances pour 2021 contiendra une nouvelle série de mesures en leur faveur.
Selon les magistrats financiers, la crise aura sans aucun doute des conséquences importantes sur les finances des collectivités, même si cet impact est encore difficile à évaluer et certains effets pourront être différés dans le temps. En tout cas, certaines catégories de collectivités seront beaucoup plus touchées que d’autres, et cela dès cette année. A l’impact direct pourraient s’ajouter les coûts induits par la dégradation des équilibres financiers des organismes locaux qui participent à la mise en œuvre des compétences des collectivités, notamment au sein du secteur associatif. La Cour des comptes indique qu’elle fournira une analyse plus poussée de l’incidence de la crise sanitaire sur les finances locales dans un rapport publié au second semestre 2020.
Baisse des DMTO, de la CFE et de la CVAE
Dans le détail, les DMTO diminueront dès 2020 sous l’effet de la baisse très importante du nombre de transactions immobilières pendant plusieurs mois. De même, les produits de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui financent les régions, les départements et le bloc communal diminueront dès 2020 pour la CFE et à compter de 2021 pour la CVAE. Les recettes d’octroi de mer qui financent les collectivités d’outre-mer baisseront dès 2020. Les montants perçus par les départements et les régions au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) devraient également diminuer dès 2020. Seule certitude, s’agissant de ressources attribuées en compensation de transferts de compétences, les montants perçus par les collectivités ne pourront être inférieurs à l’évaluation du coût de ces compétences.
Départements et régions : des dépenses supplémentaires
De même, la fraction de TVA attribuée aux régions depuis 2018, dont le montant baissera dès 2020, pourra faire l’objet d’un mécanisme de garantie comparable si son produit est inférieur au montant de 2017 des dotations qu’elle a remplacées. Enfin, d’autres recettes pourraient être affectées par la crise dans des proportions encore difficiles à évaluer, reconnait la Cour des comptes. Et de citer la taxe sur les cartes grises pour les régions ou du versement mobilité (VM) pour les intercommunalités. Concernant le VM, la commission des finances du Sénat a évalué, dans une note publiée mi-avril, la perte de produit entre 860 M€ et 1,9 Md€. Le Gart et plusieurs associations d’élus (AdCF, France urbaine, Régions de France…) alertent régulièrement le gouvernement sur cette situation.
Le produit de la taxe de séjour qui finance la compétence tourisme des communes et des EPCI diminuera dès 2020. La fermeture de nombreux équipements publics (crèches, équipements culturels et sportifs) entraînera également une baisse des redevances. Concernant les dépenses supplémentaires, elles seront importantes pour les régions en matière économique et pour les départements sur le volet social. Pour le bloc communal, certaines dépenses diminueront en raison du confinement (cantines scolaires par exemple) mais d’autres augmenteront, particulièrement en matière sociale.
Philippe Pottiée-Sperry