Covid-19 : les collectivités s’invitent dans la campagne de vaccination

Philippe Pottiée-Sperry
Image

Le Premier ministre et le ministre de la Santé ont indiqué, le 7 janvier, leur volonté d’accélérer la campagne de vaccination. Après un démarrage très lent, qu’ils ont tenu à justifier, l’objectif est d’atteindre un million de personnes vaccinées d’ici fin janvier, puis un objectif entre 12 et 14 millions « à la mi-avril », pour tenter de rattraper le retard de la France sur les autres pays européens.

Partager sur

En pratique, les personnes de plus de 75 ans pourront se faire vacciner à compter du 18 janvier. De plus, la vaccination sera ouverte aux personnes handicapées hébergées dans des établissements spécialisés. Les centres de vaccination sont passés de 100 à 300 à partir du 11 janvier, avec un objectif de 600 d’ici la fin du mois.

L’AMF défend la gestion de proximité

Pour accompagner cette forte montée en puissance, les collectivités continuent de proposer leurs services. Depuis plusieurs semaines, les différentes associations d’élus locaux ont fait part au gouvernement de leur volonté d’accompagner la mise en œuvre de la stratégie nationale de vaccination. Face à l’accélération, l’AdCF (Assemblée des communautés de France) lui demande de réunir rapidement les représentants des collectivités pour leur présenter en détail la nouvelle stratégie vaccinale et étudier les modalités d’implication des élus locaux dans son déploiement.

Pour sa part, François Baroin, le président de l’AMF, a une nouvelle fois « instamment demandé » au Premier ministre d’associer les maires. Il souligne « l’incompréhension de nombreux maires face à l’absence d’informations et de concertation sur la méthode et l’organisation concrète de la vaccination ». L’AMF défend la gestion de proximité « pour assurer le caractère massif de la vaccination et la confiance de la population ». Elle demande donc à l’Etat de s’appuyer sur les collectivités « qui disposent des moyens logistiques appropriés et qui ne cessent de dire leur disponibilité pour agir ». Les propos du gouvernement ne suffisent pas à convaincre les élus. « Cette campagne de vaccination, nous la réussirons avec les élus », s’est voulu rassurant Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, le 6 janvier, après le conseil des ministres. Et d’ajouter : « Les élus peuvent tout à fait proposer des lieux qui permettent d’accueillir des vaccinations, qui pourront démarrer dès le mois de janvier ».

S’appuyer sur le couple maire/préfet

Autre association de maires, Villes de France (villes moyennes) affirme elle aussi que « les maires, dans un état d’esprit partenarial, souhaitent participer à la campagne de vaccination comme relai de confiance auprès de la population mais également comme appui logistique ». L’association formule trois propositions : réviser la stratégie vaccinale en s’appuyant sur le couple maire/préfet (pour faciliter l’identification des personnes à risques et la préparation logistique) ; s’appuyer sur les collectivités pour identifier les lieux pouvant devenir des centres de vaccination de masse ; définir un pilotage opérationnel au niveau intercommunal, en lien avec la CPAM et les ARS.

De la même façon, France urbaine appelle à « l’accélération massive de la vaccination, qui passe nécessairement par un acte de confiance renouvelé de l’Etat envers les territoires ». Face aux grandes villes et aux agglomérations « qui restent pleinement mobilisées et volontaires », elle demande à l’Etat de leur faire confiance en les « associant plus étroitement, notamment via les cellules départementales de la vaccination, au déploiement d’une stratégie vaccinale qui, si elle relève de sa responsabilité, ne saurait se concrétiser sans leur appui et leur mobilisation ». Et d’ajouter : « cela exige que l’ensemble des leviers disponibles sur nos territoires, notamment pour la mise à disposition de lieux permettant d’accueillir des centres de vaccination, puissent trouver leur place dans le déploiement de la stratégie vaccinale de l’Etat ». Pour sa part, l’Association des maires d’Ile-de-France (AMIF) a demandé d’élargir les publics prioritaires aux agents de la FPT en contact avec le public (aides à domicile, services sociaux, Atsem…).

Initiatives de Nice ou Strasbourg

Parallèlement à ces prises de position allant toutes dans le même sens, de nombreux maires ont déjà fait acte de candidature auprès des services de l’Etat en se disant dès aujourd’hui prêts pour leur mettre à disposition des moyens logistiques comme des congélateurs à -80° (exemple de Cannes en ayant acquis deux en novembre dernier) ou des lieux pouvant faire office de ''vaccinodromes''. Par exemple, Nice a permis aux professionnels de santé de se faire vacciner dans son centre de vaccination. La ville a aussi ouvert trois autres centres de vaccination et devait mettre en place un bus mobile pour aller vacciner les personnes prioritaires dans les 49 communes de la métropole. « Notre objectif est de vacciner 50 000 personnes par semaine », a affirmé Christian Estrosi, maire de Nice et président de la métropole.

Des actions communes entre collectivités

Autre initiative : la ville de Strasbourg et les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg unissent leurs forces pour vacciner, depuis le 5 janvier, les personnels hospitaliers et les professionnels libéraux de plus de 50 ans ou ayant des comorbidités. En pratique, des professionnels de santé salariés de la ville viennent en soutien pour permettre la vaccination des professionnels libéraux en ouvrant des plages horaires élargies compatibles avec leur activité, notamment le samedi matin, entre midi et deux et en fin d’après-midi.

Par ailleurs, il y a beaucoup d’actions communes entre collectivités. Par exemple, la région Occitanie, le département de l’Hérault, la métropole et la ville de Montpellier ont déclaré, le 7 janvier, vouloir s’impliquer ensemble dans cette campagne. « Nous avons des moyens matériels et logistiques à mettre à disposition : il ne faut pas que les Français qui souhaitent être vaccinés en soient empêchés pour des questions d’organisation. Les collectivités sont prêtes ! », a ainsi déclaré le président de l’Hérault, Kléber Mesquida.

Poissy ouvre « Chez Mauricette »

Pour sa part, Karl Olive, le maire de Poissy (Yvelines), a inauguré le 7 janvier, avec le préfet et le directeur de l’ARS, un centre de vaccination Covid-19, dénommé “Chez Mauricette“ du nom de la première vaccinée en France. Installé au Centre de diffusion artistique (CDA), il accueille dans un premier temps, sur rendez-vous via une plateforme numérique, les personnels soignants et les médecins ainsi que les pompiers et les aides-soignants de plus de 50 ans, puis, dans la foulée sous quinzaine, les personnes âgées de plus de 75 ans. Ce centre, ouvert du lundi au vendredi de 14h à 17h, « va permettre de répondre à la montée en puissance de la stratégie vaccinale parallèlement aux vaccinations en Ehpad », estime la ville de Poissy. Le CDA, qui avait déjà été transformé en centre de consultation lors du premier confinement et qui est depuis novembre un centre de dépistage et de test Covid-19, a été aménagé en deux jours pour pouvoir accueillir également les personnes à vacciner. « C’est en travaillant ensemble, avec l’ARS, le centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye (Chips), les médecins de ville, et en confiance permanente avec le préfet, que nous avons pu relever ce défi », explique Karl Olive.

Refus de récupération politicienne

Le maire de Poissy a aussi été à l’origine tout début janvier d’un manifeste pour encourager les maires à se faire vacciner pour montrer l’exemple et ainsi rassurer la population. Plus de 300 maires et élus de tous horizons politiques s’étaient déjà engagés le 7 janvier dans ce manifeste. En pratique, le Chips et les médecins de ville pilotent la partie médicale et administrative du centre. La ville de Poissy, outre la mise à disposition du CDA et la mobilisation de sa réserve citoyenne, prend en charge l’acheminement des doses de vaccin depuis les centres pivots du département des Yvelines. « Et nous mettrons aussi en place des navettes gratuites pour nos aînés afin qu’ils puissent se faire vacciner facilement et rapidement dès que ce sera possible, a précisé Karl Olive. Nous-autres maires sommes des partenaires, pas des adversaires de l’Etat. Notre seule boussole, c’est de vaincre cette étape cruciale pour notre pays. Toute récupération politicienne quelle qu’elle soit est aussi stérile que contreproductive pour les Français. »

Un centre de vaccination ambulatoire à Alfortville

Parmi les nombreuses initiatives communales, on peut également citer Alfortville (Val-de-Marne) qui a ouvert le 8 janvier un centre de vaccination ambulatoire, réservé aux personnels soignants, aux pompiers et aux aides à domicile de plus de 50 ans ou de moins de 50 ans ayant des facteurs de risque. Une initiative prise par le maire Luc Carvounas, également président de l’Uncass (Union nationale des CCAS). Installé dans le centre de santé municipal, ce centre n’est pas ouvert simplement aux personnels d'Alfortville mais aussi du Val-de-Marne et d'Ile-de-France. Dans une déclaration commune, le président du département du Val-de-Marne, Christian Favier, et Luc Carnouvas, également président de l’Association des maires du Val-de-Marne, affirment que, sous réserve de la fourniture de vaccins, ils « se tiennent prêts pour agir et mettre à disposition les moyens nécessaires à une vaccination du plus grand nombre dans des délais acceptables ». Et d’ajouter : « par la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux et d’équipements, les collectivités doivent être associées alors que nos concitoyens et les élus locaux ne comprennent pas l’actuelle stratégie vaccinale ».

Les départements veulent jouer « un rôle majeur »

Autre niveau de collectivité, les départements veulent également jouer « un rôle majeur dans la campagne vaccinale ». Selon leur association, l’ADF (Assemblée des départements de France), « pour que cette opération soit rapide et efficace, il faut conjuguer rigueur et organisation ». Et d’estimer que « les départements ont plus que jamais un rôle important à jouer dans cette opération vaccinale, grâce à leur proximité et à leur connaissance fine des publics les plus fragiles ». Parallèlement au renforcement de la coordination avec les préfets et les ARS, jugé positif, ils proposent « leur assistance et leurs moyens pour faciliter et accélérer la vaccination sur l’ensemble du territoire ». Cela passerait par l’intervention de leurs médecins territoriaux et de leurs personnels médico-sociaux dans le processus vaccinal ; le soutien logistique avec l’implication des services départementaux de secours et d’incendie et des équipes des routes ; l’appui logistique au transport du vaccin, sous le contrôle sanitaire des laboratoires hospitaliers avec l'aide technique des laboratoires départementaux d’analyse ; le soutien à la mise en place de centres de vaccination dans les communes, dans les Ehpad privés et dans les établissements prenant en charge les personnes handicapées, la mise à disposition d’espaces publics pour la réalisation des opérations de vaccination grand public.

Demande des régions d’une gestion décentralisée

Le tableau ne serait pas complet sans les régions qui ont soumis au gouvernement, le 6 janvier, une série de propositions, allant de l’achat des doses de vaccins à l’installation d’une instance de coordination à l’échelle régionale. Objectif affiché : « basculer clairement d’une gestion centralisée de la crise et de la campagne de vaccination à une gestion décentralisée ». Renaud Muselier, président de Régions de France, rappelle que les régions « se sont associées naturellement aux départements et aux communes dans le cadre de Territoires Unis en proposant par courrier le 25 novembre de se mettre à la disposition du gouvernement pour accompagner cette campagne ». Un deuxième courrier de Renaud Muselier a été adressé à Olivier Véran le 19 décembre réitérant ces propositions. De plus, l’association a désigné Jean Rottner, président du Grand Est mais aussi médecin, comme interlocuteur politique et opérationnel du ministre de la santé. « Malheureusement, aucune des réunions mises en place dans ce cadre n’ont permis de coconstruire quoi que ce soit. Elles n’ont été que des boîtes d’enregistrement. Le ministère de la santé a souhaité organiser et décider seul de la stratégie et des actions à mener », a dénoncé Régions de France. Renaud Muselier a malgré affirmé faire « confiance au pragmatisme de Jean Castex pour accélérer et réussir la campagne de vaccination ».

9 propositions de Régions de France

Régions de France a formulé neuf propositions, jugées « simples concrètes et pragmatiques » :

-Installer une instance de coordination à l’échelle régionale qui réunirait chaque semaine le DG de l’ARS, le préfet et le président de région, les présidents de départements et les représentants des communes, pour sélectionner les lieux de vaccination, coordonner les questions de logistique, définir les stratégies d'identification des personnes cibles… La stratégie nationale serait coordonnée à l’échelon régional et mise en œuvre sur le terrain avec l’appui opérationnel des régions, des départements et des communes.

-Territorialiser et différencier la stratégie de vaccination en priorisant les départements ayant dépassé la côte d’alerte maximale et les personnes à risque afin de pouvoir vacciner de façon massive ces cibles prioritaires.

-S’appuyer sur tous les réseaux existants capables de vacciner : médecins libéraux, pharmaciens, infirmières libérales, kinés, sages-femmes, etc.

-Ne pas empêcher les régions qui le souhaitent d’acheter des vaccins et de les mettre à disposition de ces réseaux afin de compléter les dispositifs nationaux.

-Autoriser les employeurs, publics et privés, au-dessus de 100 salariés, à acquérir des vaccins pour leur propre personnel.

-Soutenir massivement, notamment au travers des contrats de relance et des contrats de plan Etat-régions (CPER), les efforts de recherche des entreprises pouvant produire des vaccins.

-Mettre en place un « conseil des territoires » constituant au niveau national une instance de co-construction et d’évaluation avec les collectivités et associer des représentants des collectivités au conseil de défense.

-Coconstruire une campagne de communication grand public sur les enjeux de la vaccination, et la diffuser largement.

-Montrer l’exemple en organisant rapidement et en médiatisant la vaccination des principaux responsables politiques à commencer par les présidents de région eux-mêmes.

Philippe Pottiée-Sperry

👉 Découvrez le dernier numéro de ZePros Territorial

👉 Abonnez-vous gratuitement au journal numérique et à sa newsletter

Philippe Pottiée-Sperry
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire