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Finances locales : un petit rebond en 2021 et 2022
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L’étude des chiffres définitifs des budgets 2020 des collectivités confirme que l’impact de la crise sanitaire sur les finances locales est resté « modéré » en s’élevant à 4 Md€, au regard des estimations plus pessimistes de juin et septembre 2020.
Tel est le constat de Jean-René Cazeneuve, député (LREM) du Gers et président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée nationale, dans son 4ème baromètre qui intègre les mesures d’accompagnement de l’Etat et les recettes réelles de fonctionnement sur l’ensemble des collectivités (-0,4% par rapport à 2019). Dans le détail, les recettes tarifaires ont baissé de 19,3% soit -1,9 Md€ en 2020 (même résultat que celui de l’étude AMF-Banque des Territoires). Les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités ont augmenté de 1,8% par rapport à 2019. De plus, les dépenses d’intervention supplémentaires liées au Covid-19 ont été contrebalancées par la baisse des charges et achats externes (-3,3%) liées à l’arrêt de certaines activités. « Cette tendance rassurante est aussi le fruit d’efforts de gestion importants des collectivités », salue Jean-René Cazeneuve. Tout en soulignant le rôle joué aussi par les dispositifs d’aides de l’Etat.
Impact des fortes baisses de recettes tarifaires
L’un des exemples les plus significatifs de cette résilience est la solidité des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), indique le baromètre. Les premiers chiffres indiquaient une perte de l’ordre de -40% alors que le rapport Cazeneuve l’estimait à -20% puis à -10% dans son baromètre n°2. La perte est finalement de -1,5% pour les départements et de -3,8% pour les communes. Par ailleurs, la crise se traduit par un recul de l’épargne brute des collectivités de 11,4% (30,6 Md€) qui efface deux années de croissance de capacité d’autofinancement. « L’impact limité en 2020 pourrait toutefois cacher l’effet différé de certains budgets annexes susceptibles de dégrader la situation financière des collectivités en 2021 et 2022 », reconnaît Jean-René Cazeneuve. Explication : les effets à plus long terme des fortes baisses de recettes tarifaires des régies, des sociétés publiques locales et des délégations de service public.
Rebond sur 2021 et 2022
Se voulant optimiste, le député estime que les finances des collectivités devraient s’améliorer en 2021. Malgré certaines incertitudes (sortie du confinement, rebond de l’activité économique, dynamique de certaines dépenses sociales, etc.), il mise sur une augmentation de la capacité d'autofinancement des collectivités en 2021 et encore plus en 2022. Autre atout mis en avant : un faible niveau d’endettement. Le solde de trésorerie positif s’élève à 49,5 Md€ au 31 mars dernier (contre 43,9 Md€ au 31 mars 2020). Fin 2020, le niveau d’endettement à taux fixe représente 71,7% de l’encours des collectivités. Selon Jean-René Cazeneuve, les conditions de recours à l’emprunt demeurent donc favorables pour le secteur public local, considéré́ comme présentant peu de risques par les banques. Néanmoins, il reconnaît que l’augmentation des recettes tarifaires sera moins bonne que prévu compte tenu de la fermeture prolongée des équipements publics et d’une nouvelle fermeture des établissements scolaires en avril. Les recettes tarifaires des transports seront aussi impactées cette année du fait d’une baisse de fréquentation. Compte tenu de tous ces paramètres, le baromètre prévoit un rebond de l’activité moins important et réparti sur deux ans. « En tenant compte du 3ème confinement, le risque qui persiste sur les finances locales demeure mesuré en 2021 et en 2022 », affirme Jean-René Cazeneuve.
Fortes différences entre niveaux de collectivités
Le député reconnait les différences de prévision selon les niveaux de collectivités pour 2021 et 2022. Les recettes réelles de fonctionnement du bloc communal devraient augmenter de 1,5 à 2% en 2021, selon le baromètre. « Les communes sont peu dépendantes des trois recettes fiscales susceptibles de baisser cette année et la majorité de leurs recettes fiscales devrait augmenter, tirées par des assiettes locatives qui ont à nouveau démontré leur solidité », indique-t-il. Les recettes de DMTO devraient aussi croître en 2021, alors que leur niveau de 2020, bien qu’en baisse, était plus élevé qu’en 2018. Enfin, la réouverture des services publics devrait dégager des ressources, tandis que le ralentissement des dépenses d’intervention permettra d’amorcer une reconstitution de l’épargne brute des communes. L’augmentation des taux de la taxe foncière qui pourrait, selon l’AMF, toucher 36% des communes, lui semble surtout s’expliquer par la période de début de mandat que par la baisse de la capacité d’autofinancement. Pour les intercommunalités, le risque principal se concentre sur la baisse de la CVAE. Si elle est moins importante que prévu (-2,2%) en 2021, elle pourrait fléchir en 2022, sous l’effet de la crise économique.
Effet ciseau sur certains départements
Concernant les départements, il demeure toujours une incertitude sur leurs recettes et leurs dépenses avec le risque, pour certains d’entre eux, d’un effet ciseau. Si les DMTO restent une recette fiscale volatile, la chute de recettes annoncée ne s’est pas produite en raison d’un marché de l’immobilier très dynamique. « En revanche, les inquiétudes se cristallisent autour de la CVAE qui pourrait poursuivre sa décrue en 2022 », reconnaît le baromètre. De plus, l’augmentation des aides individuelles de solidarité, en particulier du RSA, se poursuit en 2021. Pour leur part, les régions bénéficieront vraisemblablement du rebond de l’activité économique grâce à la composante TVA. Cependant, ce rebond devrait être amoindri par le phénomène de garantie de l’Etat sur la TVA et la TICPE qui avait joué en leur faveur en 2020. Le baromètre souligne aussi les pertes importantes des AOM régionaux, dont les effets devraient se prolonger en 2021. Il estime l’augmentation des recettes réelles de fonctionnement des régions de l’ordre de 2 à 3% en 2021 et d’environ 4% en 2022.
Les critiques de l’AMF
Compte tenu de la reconnaissance de l’impact financier très fort de la crise sur les métropoles et les grandes villes, l’association France urbaine demande à l’Etat une compensation de leurs pertes financières dès le prochain projet de loi de finances rectificative, qui doit être présenté au conseil des ministres du 2 juin et discutée en séance publique le 11 juin. Pour sa part, suite à la publication du baromètre, l’AMF a tenu à rappeler son chiffrage de 6 Md€ pour les pertes brutes du bloc communal pour les trois années 2020-2021-2022 (étude AMF-Banque des Territoires). Par ailleurs, elle se satisfait qu’il reconnaisse que les dépenses induites par la crise sanitaire ne sont pas ponctuelles et que les collectivités continuent d’engager des dépenses sanitaires en 2021. Mais le satisfecit s’arrête là. « Si l’analyse intègre enfin les budgets annexes, le baromètre s’affranchit de l’examen des dépenses d’intervention des CCAS, acteurs incontournables du soutien aux habitants », pointe l’AMF.
« Outil de contrainte de la gestion locale »
Autre critique formulée : l’absence de prise en compte de la réduction de la compensation TH pour plus de 6000 communes ayant augmenté leurs taux en 2018 et en 2019, et des pertes de marge de manœuvre induites par la suppression de 3,4 Md€ de recettes fiscales en 2021. De plus, l’AMF pointe à nouveau à nouveau les conditions de mise en œuvre du plan de relance en soulignant les « difficultés d’accès aux dispositifs et la nécessité d’une ingénierie pour la mise en œuvre des projets sélectionnés par l’Etat ». Rappelant la volonté des élus d’investir et de soutenir la relance, montrée dans l’étude AMF-Banque des Territoires, elle plaide pour une révision de la gouvernance des finances publiques : « un pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités locales doit être négocié, et envisagé comme un facteur d’accompagnement de la croissance, et en aucun cas comme outil de contrainte de la gestion locale ».
Philippe Pottiée-Sperry
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