La smart city à la française devient réalité

Philippe Pottiée-Sperry
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Se définissant comme un think tank digital, Hub Institute a organisé, le 3 décembre dernier, à Paris, la première édition du Hub Cities Forum, consacrée à la smart city à la française. Pendant toute une journée se sont succédés les témoignages d’une quarantaine d'acteurs publics, d’industriels ou d’innovateurs autour de partages d’expériences et d’expertises sur la ville de demain.

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Vincent Ducrey, cofondateur de Hub Institute, a rappelé que les mutations en cours de la ville s’appuient sur trois piliers : smart, inclusive, green. « Au-delà même des élections municipales, 2020 sera une année pivot pour les villes, estime-t-il. D’un côté il y a une pression des citoyens pour que les choses bougent et de l’autre les enjeux technologiques. Avec également la question de la limite des finances publiques, d’où l’importance des partenariats ».

Importance de la mobilité durable

Parmi les premières préoccupations, la mobilité durable a occupé une bonne partie des échanges de la matinée, en évoquant la nouvelle loi d’orientation des mobilités (LOM) et les nouvelles opportunités qu’elle ouvre. Le Maas (Mobility as a Service) notamment, désormais perçu comme la clé de la mobilité moderne, promet de combiner les mobilités, publiques ou personnelles, dans une seule application, allant parfois même jusqu’à la transaction, voire le forfait illimité, dans une formule à l’abonnement, comme à Helsinki.Intérêt de la journée, elle ne s’est pas limitée aux seules métropoles. Ainsi, par exemple, la démarche précurseur de l’agglomération d’Annemasse a été citée avec son système MaaS transfrontalier, entre la France et la Suisse. L'application TAC mobilités, déployée par Ratpdev, offre une porte d’entrée unique sur les mobilités du territoire, combinant plusieurs modes de transport complémentaires, et regroupe aussi l’e-ticket pour le réseau TAC, déjà disponible depuis 2017 via une autre appli.

10 challenges et 100 projets prioritaires

Selon lui, la démarche, qui consiste à adapter et moderniser la ville existante, s’articule autour de trois enjeux (les citoyens, les infrastructures, la gouvernance) et de dix challenges qui sont : mobilités & transport ; habitat & vie de quartier ; quartiers d'affaires & zones industrielles ; commerce ville & périphérie ; éducation, sport, santé & inclusion ; infrastructures & maintenance ; énergies & environnement ; tourisme, loisirs, culture & patrimoine ; safe city & résilience ; gouvernance locale. Autour de ces dix challenges, Hub Institute a établi une liste de 100 projets prioritaires pour les élus sur le mandat municipal 2020-2026. Au-delà, il propose un référentiel, se voulant une base de connaissance mondiale, avec 300 solutions planifiées dans le temps politique (à court terme, moyen terme et long terme). Ces cas d’usage français et internationaux, de Baltimore à Cascais, en passant par Marseille ou New York, permettent aux acteurs publics de s’en inspirer. « Mais avec des limites car il n’y a pas de copié-collé possible sachant que chaque ville est différente, a son histoire et son avenir ! insiste Vincent Ducrey. Il lui faut donc créer son propre modèle ».
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Toulouse Métropole : 16 grands chantiers

« En passe de devenir la 3ème métropole française, Toulouse Métropole a voulu réfléchir la smart city un peu différemment en voulant mettre l’humain à son service », explique Bertrand Serp, son vice-président en charge du numérique. Son plan stratégique 2015-2020 sur la smart city a consacré 500 M€ avec également une co-construction public-privé. Il repose sur 16 grands chantiers dont le principal concerne les mobilités (transports en commun et mobilités du futur), en partie basé sur la smart data (la donnée intelligente). On peut notamment citer la capsule futuriste Hyperloop TT qui pourrait permettre de relier Toulouse à Montpellier en vingt minutes. La métropole de Toulouse expérimente les véhicules autonomes sur le site de l'IUCT Oncopole. S’y ajoutent d’autres expérimentations menées dans le cadre du projet "Open métropole". Pour tous les projets programmés, pas moins de 4,2 Md€ d'investissements sont prévus sur 2020-2025 par Tisseo Collectivités, syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération. Y figurent notamment un téléphérique et le projet phare de la ligne 3 du métro « innovante », prévue pour 2025, qui ira de l’aéroport au Sivocal. « Ce chantier est essentiel car il constitue le chainon manquant pour l’offre de transport sur la métropole », indique Bertrand Serp.

Lutter contre les ilots de chaleur à Paris

Toujours au sujet des mobilités, Jean-Louis Missika, maire adjoint de Paris en charge de l’urbanisme, du développement économique et de l’attractivité, plaide pour « réparer écologiquement la ville ». Il insiste sur la volonté de la municipalité de « mettre fin à l'asservissement de Paris par l'automobile ». Et de souligner que « l’espace public parisien est occupé à 50% par les voitures alors qu’elles ne représentent que 13% des déplacements : le partage de l’espace doit donc être véritablement plus équitable ». En matière d’urbanisme, l’élu parisien veut en finir avec « l’urbanisme de dalle » en citant le cas du quartier Montparnasse et l’importance de la future piétonnisation dans un lieu privilégiant trop la voiture. Sur ce quartier, il détaille le projet de lutte contre le réchauffement climatique qui passera notamment par l’implantation d’une « forêt urbaine » ou la lutte contre les ilots de chaleur. Cette dernière se concentre aussi sur les cours les d'écoles en les « débitumant » (10 chantiers engagés en 2018). « Cela a donné de très bons résultats en faisant baisser la température de plusieurs degrés en cas de canicule, se réjouit Jean-Louis Missika. Du coup nous avons décidé de prévoir des travaux dans toutes les cours d’école ».

Les données énergétiques sont personnelles

Eric Legale, directeur général Issy Media, a détaillé l’expérimentation Issy Grid qui est un projet de gestion intelligente des bâtiments connectant sites institutionnels, écoles et habitations. Parmi les enseignements de ce projet, il met en avant la capacité à lisser les consommations à l’échelle d’un quartier ou d’un bâtiment, mais aussi les travaux avec la CNIL sur le bon usage des données usagers. Car les données énergétiques sont à caractère personnel. En guise de conclusion, c’est peut-être Bruno Hervet, vice-président Exécutif de Suez chargé des Villes durables, qui en a donné une bonne piste en estimant que la question fondamentale de la smart city, c'est "À quoi ça sert ?" Et c'est beaucoup plus intéressant que la question "Comment ça marche ?" Il ne reste plus qu’aux nouveaux élus de mars 2020 de s’en convaincre. Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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