L’agence de la cohésion des territoires enfin adoptée !

Philippe Pottiée-Sperry
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Enfin ! Après plus de huit longs mois de navettes parlementaires, 235 amendements adoptés et malgré une procédure accélérée engagée par le gouvernement (une seule lecture dans chaque chambre), la proposition de loi créant l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été adoptée par le Parlement, en dernière lecture à l’Assemblée nationale, le 9 juillet.

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Son principe avait été annoncé par Emmanuel Macron dès juillet 2017, notamment suite aux demandes de l’Association des maires de France (AMF) et de son président François Baroin.

Le gouvernement promet qu’elle sera totalement opérationnelle début janvier 2020. Le décret sur la création juridique de l’ANCT devrait être publié début novembre. Ensuite les opérations de basculement technique, budgétaire et financier des entités fusionnées se dérouleront jusqu’au 1er janvier prochain, date à laquelle l’agence sera véritablement constituée et en ordre de marche.

Faire germer et aboutir les projets

En quoi consiste cette agence qui sera un établissement public de l’Etat ? Constituer une structure nouvelle, incarnant une démarche différente de l’État, ayant pour mission de « conseiller » et « soutenir » les collectivités territoriales et leurs groupements dans leurs projets. Ces projets ne manquent pas, mais trop peu arrivent à terme, malgré les efforts des collectivités locales, comme des services et des opérateurs de l’État. Selon le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires), « ce n’est pas à l’Etat de dire – voire d’imposer – aux élus ce qu’ils doivent faire pour transformer leurs territoires. Dans cette optique, l’Agence ne va pas imposer des politiques et dispositifs publics venus d’en haut : elle va les adapter aux situations et aux projets que portent les habitants et leurs représentants ». Une précision importante aux yeux des collectivités ! En pratique, l’ANCT, avec les délégués territoriaux qui seront des préfets, devra faciliter les opérations d’aménagement, de cohésion territoriale et sociale des collectivités, à partir de son.

CGET, Epareca et Agence du numérique regroupés

L’ANCT regroupe l’essentiel du CGET, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca) et l’Agence du numérique (pour ses volets déploiement du très haut débit via le plan France Très Haut Débit, couverture mobile et usages du numérique via la Société numérique). Si tous les opérateurs et organismes publics ayant des compétences d’aménagement et de soutien aux collectivités (Cerema, Ademe, Anah, Anru) ne sont pas fusionnés, ce que regrettent certains, c’est pour éviter « une agence lourde, peu agile, avec des risques de conflits entre les différentes compétences absorbées », répond le CGET. Ces différents acteurs, mais aussi la Banque des Territoires, signeront des conventions pluriannuelles avec l’Agence et seront également associés à sa gouvernance.

Des champs d’action nombreux

L’intégration de l’Epareca et de l’Agence du numérique donnera deux actions supplémentaires et importantes à l’Agence : la couverture numérique du territoire (et des usages) et le développement de l’activité commerciale et artisanale pour revitaliser les territoires les plus fragiles. La mise en commun des moyens, outils et savoir-faire des trois entités au sein de l’ANCT interviendra sut tout le territoire national.S’adressant en priorité aux territoires les plus fragiles, ruraux comme urbains, l’ANCT aura pour vocation de conseiller et soutenir les collectivités et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets, en tenant compte des particularités, des atouts et des besoins de chaque territoire. Ses champs d’action sont très larges : accès aux services publics, accès aux soins, logement, mobilités, politique de la ville, revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, notamment commerciale et artisanale, transition écologique, développement économique, etc.

Une large offre de services

L’ANCT facilitera l’accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d’ingénierie juridique, financière et technique. Elle apportera ainsi un concours humain et financier aux collectivités. De plus, elle favorisera la coopération entre les territoires et la mise à disposition de compétences de collectivités au bénéfice d’autres collectivités. L’agence centralisera et partagera les informations relatives aux projets d’aménagement et de cohésion des territoires, dont elle aura connaissance. En outre, elle soutiendra les réseaux associatifs et assurera une mission de veille et d’alerte auprès des administrations ainsi que des opérateurs sur les impacts territoriaux de leurs décisions.

Pilotage des programmes nationaux

Par ailleurs, l’ANCT pilotera les programmes nationaux territorialisés comme par exemple le programme Action cœur de ville. Elle devra assurer la mise en œuvre de la politique de l’État et organiser la mise en œuvre déconcentrée des programmes. Concernant les contrats de cohésion territoriale, elle pourra les signer avec les collectivités intéressées avec à la clef un accompagnement. Dans un réel souci de simplification, ces contrats pourront inclure tous les autres types de contractualisations (contrats de ville, pactes de développement territorial…).Pour les fonds européens structurels et d’investissement (Fesi), l’Agence devra informer et orienter les porteurs de projets dans leur demande de subvention mais aussi coordonner l’utilisation de ces fonds. Sur le numérique, elle sera chargée d’assurer la mise en œuvre des programmes nationaux territorialisés pour assurer la couverture de l’ensemble du territoire par des réseaux mobiles et fixes à très haut débit.

Gouvernance dominée par l’Etat

Sur le sujet sensible de la gouvernance, principale pierre d’achoppement avec les sénateurs et cause du retard de l’adoption du texte, le conseil d’administration de l’ANCT comprendra des représentants de l’État et de la Caisse des dépôts (au moins la moitié des membres), deux députés, deux sénateurs ainsi que des représentants des collectivités et du personnel de l’Agence. Leur voix sera délibérative et les délibérations seront prises à la majorité des membres présents. Les représentants de l’Anru, l’Anah, l’Ademe et du Cerema ainsi que des personnalités qualifiées assisteront au conseil d’administration, mais avec une voix consultative. Contrairement au souhait des élus locaux, ce n’est pas eux mais les représentants de l’Etat qui seront majoritaires au sein du conseil d’administration de l’ANCT. Lot de consolation, le président du conseil d’administration sera élu parmi les membres représentant les collectivités. Mais le « comité national de coordination » de l’Agence, réunissant les financeurs, ne comprendra aucun élu local. De plus, l’Agence sera dirigée par un directeur général nommé par décret en conseil des ministres, ce qui signifiera à coup sûr d’avoir un haut fonctionnaire de l’Etat. Ce qui n’a pas été du goût des associations d’élus locaux.

Rôle clef du délégué territorial de l’ANCT

Au niveau local, le délégué territorial de l’ANCT sera le représentant de l’État dans le département, c’est-à-dire le préfet. Son rôle sera d’assurer la cohérence et la complémentarité des actions de l’Agence avec les soutiens apportés aux projets locaux par les acteurs locaux en matière d’ingénierie. Le délégué territorial réunira le comité local de cohésion territoriale, au moins deux fois par an. Ce comité sera constitué de représentants des collectivités et de leurs groupements, de la région, des députés et sénateurs élus du département, du délégué départemental de l’Agence régionale de santé, de représentants d’acteurs locaux publics ou privés intéressés et de personnalités qualifiées de l’enseignement supérieur ou de la recherche.Le comité local de cohésion territoriale sera présidé, conjointement, par le représentant de l’État dans le département et un élu.

Pas de financements supplémentaires

Le 9 juillet, Jacqueline Gourault a promis devant les députés qu’un vaste travail de communication sera mené afin d’informer tous les élus sur l’existence de l’ANCT et sur ses missions. Grâce notamment à un courrier envoyé aux maires, « nous nous assurerons que tous les élus, notamment ceux des plus petites collectivités, disposent des informations nécessaires pour faire appel à cette agence s’ils en ont besoin », a-t-elle affirmé. Enfin, beaucoup de parlementaires ont reproché le manque de précision sur les financements de l’Agence, disposant des « contributions et subventions de l’Etat et d’autres personnes publiques », de financements privés ou de la rémunération de ses prestations de services. Le 9 juillet, le député du Nord Guy Bricout (UDI) a ainsi regretté, à l’instar de nombre de ses collègues, l’absence de financements supplémentaires pour l’ANCT : « c’est donc à moyens constants qu’elle devra faire plus et répondre aux attentes des élus locaux. Du fait de leur faiblesse, les dispositions des deux textes déçoivent un peu au regard de leur ambition initiale, d’autant que le caractère opérationnel de la future agence n’est pas des plus avérés ». Saluant néanmoins « un bon début », il estime qu’« il faudra aller plus loin dans les années à venir, pour aboutir à un véritable guichet unique et simplifier les normes applicables aux collectivités, par l’expérimentation de dérogations ». Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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