Le projet de loi « Economie circulaire » au Sénat à la rentrée

Philippe Pottiée-Sperry
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François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Brune Poirson, secrétaire d'État, ont présenté, au conseil des ministre du 10 juillet, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

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Parmi ses objectifs : mieux gérer et traiter les déchets. Le ministère rappelle que sur 150 000 contributions du grand débat portant sur la transition écologique, 70 000 mentionnaient la question des déchets, pas assez triés, collectés, réutilisés, recyclés ou valorisés. Le projet de loi veut notamment obliger de nouveaux secteurs à traiter eux-mêmes leurs déchets. Selon Brune Poirson, « des pans entiers de notre économie ne prennent pas en charge le traitement de leurs déchets, qui est donc supporté par les collectivités, donc par les impôts locaux : les articles de bricolage, de jardinage, les jouets, les mégots… Les entreprises devront s’organiser entre elles pour créer un éco-organisme qui gérera financièrement leurs déchets et les incitera à mieux concevoir leurs produits. »

Affiché comme l’une des priorités de la rentrée parlementaire, le texte, en procédure accélérée (une seule lecture dans chaque chambre), a été déposé au Sénat et devrait être discuté rapidement.

Quatre grandes orientations

Fruit d’une concertation de près d’un an et demi, engagée dans le cadre du plan climat, le projet de loi contient 13 articles qui s’articulent autour de quatre grandes orientations consistant à mettre fin au gaspillage pour préserver nos ressources naturelles, à mobiliser les industriels pour transformer nos modes de production, à renforcer l’information du consommateur ainsi qu’à améliorer la collecte des déchets et lutter contre les dépôts sauvages.Le projet de loi prévoit l’interdiction de l’élimination des invendus non alimentaires. Le gouvernement veut lutter contre la surproduction en mettant fin à l’élimination des produits invendus, donc neufs. Cette pratique sera désormais interdite pour tous les produits non alimentaires et notamment les textiles, les produits électroniques ou encore les produits d’hygiène quotidienne. Les invendus devront être donnés ou recyclés. « Cette mesure est une première mondiale et vient compléter les dispositifs déjà existants en ce qui concerne les produits alimentaires », affirme le ministère de la Transition écologique.
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Objectif 100 % de plastique recyclé d’ici 2025

Cela ne lui empêche pas de reconnaître que la France compte parmi les plus mauvais élèves d’Europe en matière de collecte et de tri des emballages. C’est pourquoi le projet de loi rend possible le déploiement d’un système de consigne afin de lutter contre la pollution plastique et de tendre vers l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025. Un comité de pilotage a été lancé par Brune Poirson pour définir les conditions et modalités de la mise en œuvre d’un dispositif de consigne (emballages concernés, type de consigne choisi – pour réemploi ou recyclage, montant de la caution ou encore financement des dispositifs de déconsignation).

Renforcer le principe pollueur-payeur

Le projet de loi vise également à renforcer le principe du pollueur-payeur, qui rend responsable celui qui fabrique ou distribue un produit du financement de sa fin de vie. Il s’agit de la responsabilité élargie du producteur. Plusieurs grandes familles de produits sont concernées aujourd’hui par cette réglementation : les emballages, équipements électriques et électroniques, les piles, les médicaments, les pneus, les papiers graphiques ménagers, les textiles et chaussures, les meubles, les bouteilles de gaz, etc. La loi permettra d’ajouter à cette liste les jouets, les lingettes, les cigarettes, les articles de sport et de loisir, de bricolage et de jardinage.

Mieux gérer les déchets du BTP

Le projet de loi doit enfin permettre de gérer plus efficacement les déchets issus de la construction. Alors que le secteur du bâtiment produit aujourd’hui l’équivalent de plus de 700 kilos par an et par Français de déchets, les performances de recyclage de la filière ne sont pas jugées satisfaisantes. Pour les améliorer et lutter contre les dépôts sauvages, le projet de loi prévoit la possibilité d’imposer une reprise gratuite de certains déchets dès lors qu’ils auront été triés auparavant.
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Création d’un bonus/malus

Le texte présenté par Brune Poirson entend aussi favoriser les produits meilleurs pour l’environnement. Les fabricants concevant leurs produits de manière écologique bénéficieront d’un bonus sur la contribution qu’ils versent pour la gestion et le traitement de la fin de vie de leurs produits. A contrario, les fabricants n’intégrant pas l’éco-conception dans leur manière de produire verront cette contribution augmenter avec un malus. Cela permettra de réduire le prix des produits vertueux. De plus, le projet de loi prévoit l’obligation pour les vendeurs d’afficher sur certains produits (notamment les machines à laver, les aspirateurs ou les tondeuses) un indice de réparabilité. 53 % des Français interrogés disent souhaiter consommer mieux et autrement.

Critiques et demandes des élus locaux

Parmi les premières associations de collectivités à réagir, l’Association des petites villes de France (APVF) déplore le retour de la consigne qui, selon elle, « pénalise une fois de plus les collectivités », même si elle salue « certaines avancées notables et attendues notamment sur l’information du consommateur et l’extension des filières REP ». Selon l’APVF, le retour de la consigne irait à l’encontre du système actuel de collecte et rendrait obsolètes les investissements des collectivités pour le mettre en place. Et de rappeler que les collectivités ont déjà investi plus de 700 M€ sur les 15 Md€ prévus pour moderniser leurs centres de tri à l’horizon 2022. Dénonçant « un retour un arrière au détriment des collectivités qui perdront une grande partie de leur ressource, mais aussi des citoyens qui verront à termes la fiscalité augmenter », l’APVF demande au gouvernement d’abandonner la mise en place de la consigne et d’attendre la fin de la modernisation des centres de tri pour tirer un bilan de son efficacité.Autre réaction de la part de l’AdCF et France urbaine qui se présentent dans un communiqué commun comme les associations représentatives des intercommunalités en charge de la gestion des déchets ménagers. Moins critiques sur le retour de la consigne, elles demandent que « les éventuels scénarios de consignes fassent l'objet d'études d'impact globales ». Et de plaider pour « étudier et expérimenter avant toute généralisation ».Au-delà, l’AdCF et France urbaine saluent « les ambitions du texte et les réelles avancées qu'il propose », mais regrette un « texte très orienté ‘déchets’ qui traite à la marge l'enjeu de prévention et les opportunités de développement ». Elles estiment que « le projet de loi traite de manière encore trop inégale les sept piliers de l'économie circulaire en abordant surtout celui du recyclage ». De plus, le volet « prévention » devrait être renforcé avec des objectifs chiffrés de réduction des déchets, selon l’AdCF et France urbaine.Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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