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Les Français demandeurs d’une « ville plus durable »

Philippe Pottiée-Sperry
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Pas de chiffres ni de classement mais un grand focus sur les aspirations des Français pour « construire des villes plus durables pour tous ». Les résultats de cette consultation citoyenne*, menée sur la plateforme Make.org, ont été présentés à l’occasion de l’audition des candidats à la présidentielle et de leurs représentants, organisée à Paris, le 8 février, par l’Université de la Ville de Demain (portée par la Fondation Palladio). Certains d’entre eux se sont appuyés sur ces résultats pour défendre leur modèle de durable.

Pas moins de 39 174 Français ont répondu à cette vaste consultation citoyenne, réalisée du 9 novembre dernier au 7 janvier 2022. Ils ont émis quelque 212 111 votes et 1469 propositions donnant une image assez précise des priorités des Français concernant les mobilités, le commerce de proximité contre les zones commerciales, la sécurité, les espaces verts, le logement… Après les crises d’ordre social et territorial (gilets jaunes) puis sanitaire, les résultats de la consultation témoignent d’attentes fortes pour transformer les lieux de vie et les équilibres territoriaux.

Construire la ville à l’échelle du quartier

Les Français dessinent, tout d’abord, les contours d’une ville harmonieuse sur le plan environnemental, social et dans les liens entretenus avec son territoire. Ils plaident de façon massive pour que la ville se construise à l’échelle du quartier. Celui-ci est tenu de fournir l’ensemble des services et des fonctions nécessaires à la vie quotidienne : habitat, services, commerces, espaces verts, transports publics. « Cette ville désirable articulée à partir de quartiers mixtes constitue l’antithèse du modèle qui a prévalu dans la seconde moitié du 20ème siècle, qui a souvent privilégié la spécialisation en quartiers monofonctionnels (en séparant résidentiel, bureaux, zones commerciales) et favorisé de fait les déplacements en voiture », analyse la plateforme Make.org

Limiter l’étalement urbain

De nombreuses propositions s’expriment en faveur de la limitation de l’étalement urbain mais font aussi l’objet de controverses, comme celle-ci : « il faut interdire la création de nouveaux lotissements pour favoriser les centre-bourgs » (44 % pour, 32 % contre). Une autre préconise d’« arrêter de construire des zones commerciales en périphérie » (63% pour, 22 % contre et 14% neutre). En clair, le sujet de l’extension urbaine constituera sans doute un débat important, à l’heure où la loi « Climat » impose déjà une baisse de moitié du rythme annuel d’artificialisation des sols d’ici à 2030.

Priorité à la végétalisation

Les villes devront davantage s’appuyer sur les productions locales. Les citoyens plaident pour le développement des circuits courts, en particulier dans le domaine alimentaire. Mais ils sont davantage divisés sur la question de l’agriculture urbaine. La végétalisation est également l’un des constituants de la ville durable pour tous désirée par les citoyens. Le record absolu de vote positif pour une proposition (92 %) est ainsi atteint par celle de « planter des arbres pour garantir un minimum d’espace libre et naturel (protection contre la pollution, le bruit et les canicules) ». La question de la végétalisation recueille d’autant plus de succès qu’elle croise des considérations de qualité de vie, qui constituent le premier bénéfice attendu, avec des préoccupations environnementales (biodiversité, captation de CO2).

Les citoyens plébiscitent toutes les propositions mariant bénéfices écologiques et amélioration du cadre de vie. L’éclairage nocturne concentre les critiques en réunissant contre lui des arguments de trois ordres - gaspillage énergétique, entrave à la biodiversité et gêne pour le sommeil des riverains.

Une ville belle et ouverte à tous

Par ailleurs, une ville durable signifie aussi d’être belle. Les propositions en faveur de l’esthétisme de la ville obtiennent systématiquement un nombre important de votes favorables, comme celle-ci : « Il faut responsabiliser les promoteurs immobiliers sur la construction de logements beaux au départ mais qui vieillissent mal ». La question d’une ville vraiment pour tous est beaucoup abordée avec l’accent mis sur la question du handicap, l’encouragement à la coexistence entre les générations et la place des femmes dans l’espace public.

Dans cette vie collective, la question de la mixité sociale, et en particulier des logements sociaux, génère de nombreuses propositions. Certains citoyens plaident pour accentuer la place des logements sociaux, d'autres, au contraire, pour la limiter, mais dans tous les cas ces propositions suscitent un clivage. Une seule proposition génère une adhésion majoritaire : « obliger les personnes en logements sociaux n’ayant plus de raisons d’y être de les quitter pour libérer la place à plus démuni qu’eux ».

Plébiscite pour les transports collectifs et les mobilités douces

La question des mobilités est, sans surprise, la plus débattue de la consultation, générant beaucoup de propositions et d’engagement. Les propositions pour développer les transports en commun et les mobilités douces (vélo, piéton) suscitent un plébiscite important, comme celle d’une « offre de transports publics abordable, avec une desserte régulière permettant à chacun de se passer d’une voiture » (81 % pour, 10 % contre). Mais les transports en commun ne constituent pas la réponse à tous les besoins de mobilité. Les propositions sur la place de la voiture, pour la favoriser ou la réduire, font systématiquement l’objet de controverses. Les mesures perçues comme trop radicales sont rejetées comme celle préconisant de « faire des villes sans voitures avec des routes aménagées seulement pour les vélos, trottinettes, piétons et tramways » (38 % de votes favorables et 50 % de votes hostiles).

Le véhicule électrique laisse encore perplexe avec la difficulté de le voir comme une alternative à la voiture thermique. L’idée de « proposer des aides conséquentes pour l’achat de véhicules électriques en ville » recueille 34 % de votes favorables et 46 % de votes contre. Les propositions en faveur des mobilités électriques (voitures, scooters, trottinettes) sont systématiquement controversées avec un scepticisme fort sur leur capacité à devenir un recours pour les zones rurales.

Préservation des ressources et économie circulaire

Un autre résultat de l’étude montre une place importante accordée à la valorisation de l’existant, à la préservation des ressources (eau, matériaux, énergie) et aux logiques d’économie circulaire. L’encouragement à rénover les bâtiments génère de nombreuses propositions et suscite une forte adhésion. On peut y voir le fruit de 15 ans de discours et d’action publique favorables à la rénovation et l’isolation. La consultation fait aussi apparaître une forte unanimité en matière de réhabilitation, de réemploi et de recyclage. Certaines propositions vont jusqu’à favoriser ces pratiques par une évolution de la réglementation, comme celle qui entend « offrir des droits à construire aux acteurs qui se lancent dans la rénovation et le recyclage de bâtiments anciens » (73 % pour, 12 % contre). Même les logiques de coercition, d’ordinaire rejetées, trouvent grâce à leurs yeux avec la proposition d’« imposer le réemploi des matériaux dans toute construction nouvelle » (72 % pour, 12 % contre). De même, les propositions sur la réutilisation des eaux de pluie obtiennent des scores très élevés, situés entre 80 % et 90 %.

Aucune énergie ne fait consensus

Aucune proposition ne plaide pour le maintien ou le renforcement des énergies fossiles, révélant ainsi l’anticipation d’un basculement vers des énergies moins carbonées. Pour autant, aucune énergie ne fait l’objet d’un consensus, les propositions tendant à promouvoir une énergie spécifique suscitent systématiquement la controverse, qu’il s’agisse du solaire, de l’éolien ou du nucléaire. En cela, la consultation confirme l’état du débat public et de la politique nationale en matière de politique énergétique. A noter qu’un seul type d’énergie recueille un plébiscite : la géothermie. Elle fait l’objet de peu de propositions mais connaît une forte adhésion.

Philippe Pottiée-Sperry

*Chaque consultation pose une question ouverte, invitant les participants à déposer leurs propositions et à voter sur celles des autres. Des algorithmes mesurent l’adhésion à chaque proposition et identifie les idées plébiscitées ou controversées. Les propositions présentées se répartissent en plébiscites (plus de 70% de votes favorables) ou en controverses (moins de 60% de votes pour et plus de 15% de votes contre) et écartent les propositions suscitant le moins d’engagement.

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