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Villes et territoires : ce que proposent les candidats

Philippe Pottiée-Sperry
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Ville durable, fracture territoriale, mobilités, transition écologique dans les villes… Tous ces sujets restent pour l’instant très peu présents dans la campagne présidentielle. L’audition de six candidats ou de leurs représentants, lors de l’événement « Nos villes demain », organisé à Paris le 8 février par l’Université de la Ville de Demain (portée par la Fondation Palladio), est tombée à point nommé pour y voir un peu plus clair. D’autant que ce grand oral était précédé de la présentation des résultats d’une vaste consultation citoyenne (participation de 39 174 Français) décrivant la demande d’une « ville plus désirable ». De quoi alimenter le discours de certains candidats même si bon nombre d’entre eux défendent des programmes qui laissent la part belle à la « revitalisation de la ruralité », en voulant tenir compte des leçons des crises des gilets jaunes et sanitaire.

Tirer les leçons de la crise sanitaire

Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts) estime que la pandémie « offre une opportunité de repenser la ville et d'intégrer tous ses défis avec des manières nouvelles ». A ce sujet, il souhaite s’inspirer du label « bâtiment frugale » mis en place à Bordeaux. Il propose de mettre 10 Md€ par an d’investissements sur la rénovation du logement qui créeraient 100 000 emplois ou de construire 700 000 logements sociaux en cinq ans. Le candidat écologiste plaide pour prendre en compte la préoccupation du « plus de nature » mais aussi pour « mettre le paquet » sur la mobilité collective, à hauteur de 4 Md€, afin de financer les prêts de vélos aux jeunes, le forfait mobilité durable obligatoire en entreprise ou encore la gratuité du covoiturage. Et tout cela sans oublier « la nécessité de reconstruire la citoyenneté au niveau local ». Parmi ses grandes priorités : la création d’une « règle d’or climatique » (toutes les politiques publiques devront tenir compte du climat) ou la mise en place d’une « garantie universelle des loyers ».

« Une ville abordable, durable, mobile et citoyenne »

Dans la même veine, Nicolas Mayer-Rossignol, maire (PS) de Rouen et président de la métropole, représentant d’Anne Hidalgo, défend « une ville désirable, conviviale, inclusive, abordable ». Selon lui, cette ville désirable doit être durable, mobile et citoyenne, en plaçant « l’humain au cœur de la transition ». « La dimension durable fait écho à la qualité de vie et passera par la renaturation des villes et le développement de la filière de l’écoconstruction », ajoute-t-il. Comme Yannick Jadot, il propose de construire 150 000 logements sociaux par an (100 000 aujourd’hui). L’élu n’oublie pas le sujet des mobilités en prônant « une offre complète » associant transports collectifs, vélo ou encore aide forte pour l’acquisition de véhicules électriques.

Appelant à « ne surtout pas opposer villes et campagnes », Nicolas Mayer-Rossignol défend une coopération entre les grandes villes et leurs territoires avoisinants sur de nombreux sujets comme l’alimentation, les circuits cours ou la lutte contre la pollution de l’air. Cela doit passer, selon lui, « par plus de confiance envers les élus locaux et les citoyens ». Pour ces derniers, il faut plus d’espaces de concertation et de consultation pour les associer à l’élaboration des politiques, leur suivi voire leur évolution, estime-t-il, car l’élection tous les six ans ne peut plus suffire. Par ailleurs, le maire de Rouen tient à défendre le modèle des métropoles, assez décriées aujourd’hui, en les jugeant comme « des locomotives pour les territoires et un facteur d’attractivité pour l’ensemble du pays ».

« Redonner le goût de la ville et l’envie d’y vivre »

Olivier Klein, représentant de la majorité présidentielle et du prochain candidat Macron, plaide pour « redonner le goût de la ville et l’envie d’y vivre ». Le maire (ex PS) de Clichy-sous-Bois et président de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) reconnaît néanmoins que « la ville de demain constitue une inquiétude d’aujourd’hui » en soulignant « l’envie d’ailleurs » de nombreux Français et leur aspiration à vivre à la campagne. Affirmant « la nécessité d’une ville qui donne de la fierté aux habitants », il a très peu détaillé ce que devrait être ce modèle, affirmant juste que « l’enjeu c’est le parcours résidentiel, qu’il faut relancer, pour permettre à tous les Français d’accéder à un logement abordable ». Il faut ainsi, selon lui, « relancer la construction, réfléchir à la densité et penser à l’immobilier de demain en le rendant mutable en fonction des parcours de vie, tout en luttant contre l’habitat indigne. » Le prochain candidat Macron devrait mettre en avant la défense des territoires en n’oubliant pas les communes rurales et petites, leçon d’une attente forte de proximité, exprimée durant la crise des gilets jaunes et la crise sanitaire.

Défense du bilan du quinquennat

Olivier Klein a surtout défendu le bilan du quinquennat, en insistant justement sur ce qui a été fait en faveur des territoires ruraux et péri-urbains. « Il faut redonner l’envie et la possibilité d'habiter dans la ville et renforcer le lien entre les territoires, les réconcilier, au travers des intercommunalités, a-t-il affirmé. La crise des gilets-jaunes nous a rappelé cette perte de lien : c’est une crise de la peur de la relégation ». Selon le représentant du président sortant, les leçons ont commencé à être tirées, avec les résultats des dispositifs Action cœur de ville (revitalisation du centre de 222 villes moyennes), Petites villes de demain (1600 villes et intercommunalités), France services (2000 structures ouvertes début 2022 dans les zones rurales et les quartiers politique de la ville), mais aussi avec la lutte contre les déserts médicaux (900 maisons de santé créées ou en projet) et les zones blanches (96% du territoire couverts par la fibre et la 4G, objectif 100% en 2025).

Défense encore du bilan du quinquennat sortant en estimant qu’il a « agi pour des villes durables et inclusives » grâce aux dispositifs MaPrimeRenov’, Quartiers fertiles (100 quartiers lauréats pour le développement de l’agriculture urbaine), du Fonds friches (750 M€ dans le cadre du plan de relance) ou du programme de rénovation urbaine de l’ANRU (12 Md€ sur cinq ans).

« Démétropoliser la France et revitaliser les campagnes »

Sur un autre registre, très sévère sur les grandes villes, le candidat communiste Fabien Roussel appelle à « démétropoliser la France et revitaliser les campagnes ». Qualifiant les métropoles de « monstres administratifs », il plaide pour « déconcentrer leurs pouvoirs, emplois, compétences et richesses au profit des communes rurales et semi-urbaines pour leur redonner de l’importance ». Au-delà de la diatribe, cette ode à la ruralité est révélatrice de la tonalité d’une partie de la campagne présidentielle. « Tous les citoyens doivent se sentir respectés et prendre plaisir à vivre dans leur territoire », affirme ainsi Fabien Roussel. Le candidat souhaite « donner plus de compétences aux communes rurales et semi-urbaines » et propose d’y investir dans les logements en doublant les aides à la pierre pour celles de moins de 3500 habitants. Il plaide aussi pour investir dans les transports en favorisant la gratuité des modes de déplacements en commun et en développant les solutions alternatives, « le tout en relevant le défi climatique car ma France en 2050 sera décarbonée. » Concernant les logements sociaux, il propose d’en construire 200 000 par an.

Absent et pas représenté le 8 février, Jean-Luc Mélenchon (LFI) propose, dans son programme d’« organiser la coopération volontaire entre les communes et de mettre fin à la compétition entre les territoires ». Pour y parvenir, il faudrait, selon lui, « revenir sur la logique des métropoles et des méga-régions », « défendre et reconstruire le maillage de transports en commun et de services publics : notamment dans les départements ruraux, les quartiers populaires et les Outre-mer » mais aussi « stopper l’étalement urbain : renoncer aux grands projets inutiles et imposés, rapprocher bassins de vie et bassins d’emploi ».

Projet d’une « République des territoires »

La charge est également sévère de la part de Xavier Bertrand, président (LR) de la région des Hauts-de-France et conseiller territoires de Valérie Pécresse, en plaidant pour un « projet de société qui limite l’Etat à ses fonctions régaliennes et donne plus de liberté aux villes moyennes, aux centres-bourgs et aux ruralités, en ne se limitant pas à Paris et aux métropoles ». Il précise néanmoins qu’« il ne faut pas opposer métropoles et ruralités ».

Dans son discours au Zénith de Paris, le 13 février, Valérie Pécresse a appelé « réinvestir la ruralité et pour cela je prends un engagement : quand on investira 1€ pour la politique de la ville, on investira 1€ pour les territoires ruraux ». De plus, la candidate LR défend une « décentralisation radicale » passant par « la simplification, le bon sens et l’ingéniosité de tous les territoires », accompagné d’un « Etat qui doit lâcher prise ».

La « bombe à retardement » du logement

Par ailleurs, Xavier Bertrand fixe quatre priorités à la ville durable : le logement, la sécurité, l’éducation et le soin. Il s’alarme de la question du logement (27% du budget des ménages) qui constitue, selon lui, « une bombe à retardement » : « si nous ne construisons pas suffisamment de logements – et pas seulement dans les zones tendues – elle va nous exploser à la figure ». Plaidant pour mettre sur le marché chaque année 500 000 logements, il ne veut pas concentrer cet investissement sur les seules métropoles.

Autre sujet d’inquiétude : la transition écologique. « Il faut la faire mais en trouvant une acceptabilité sinon c’est le risque d’une nouvelle crise des gilets jaunes », prévient-il. Même constat pour les zones à faibles émissions (ZFE) qui « pourraient provoquer des levées de boucliers pour tous ceux qui n’habitent dans ces zones et qu’on a poussé à acheter des véhicules diesel pendant des années ». Le conseiller territoires de Valérie Pécresse pointe aussi la règle de la non-artificialisation des sols : « nous sommes en train de mettre notre pays sous cloche, il sera bientôt impossible d’implanter des entreprises, de construire sur certaines zones ».

Priorité aux départements ruraux

Sans surprise, le Rassemblement national joue l’opposition villes/campagnes. « Le pays sort d’une longue époque de désaménagement du territoire, estime ainsi Hervé Juvin, député européen RN et représentant de Marine Le Pen. Nous défendons le localisme qui doit se traduire par des politiques publiques volontaristes sur le réaménagement du territoire. Nous croyons à la revitalisation des centres des villes moyennes et des villages ». Dans ses déclarations récentes, Marine Le Pen s’est définie comme « la candidate contre la fracture territoriale » en regrettant que l'on « continue de se concentrer sur des grandes métropoles » et « les quartiers difficiles ». Elle plaide ainsi pour « un rééquilibrage des territoires » en faveur des départements ruraux qui ont été « complétement abandonnés ».

Par ailleurs, Hervé Juvin estime que « nous sommes au bord d’une crise grave : habiter, se nourrir, se chauffer, se déplacer. Il y a une inquiétude forte face à la précarité énergétique. On a étouffé ces inquiétudes de Français qui ont de vieux moteurs thermiques et ne peuvent plus accéder au centre-ville et demain à l’agglomération ». Et de fustiger les ZFE qu’il renomme « zones à forte exclusion sociale ». Plaidant pour développer la rénovation énergétique, il met en avant « la création d’emplois d’artisans et d’activité industrielle dans nos territoires ».

« Faire une politique pour la France des campagnes »

Absent et pas représenté le 8 février, Eric Zemmour (Reconquête) glorifie lui aussi les campagnes mais avec un discours, comme souvent, un cran au-dessus. Le candidat d’extrême droite fustige ainsi un « État [qui] favorise les métropoles et les banlieues » en affirmant vouloir « faire une politique pour la France des campagnes ». Un discours qui encense le « diamant brut » que serait la ruralité et veut « mettre fin à la spirale du déclassement car nos territoires ruraux peuvent être le moteur de la puissance et de la souveraineté de la France ». Côté financement, sa proposition pour le moins simpliste consiste à « réorienter tous les fonds alloués à la politique de la ville vers les campagnes ».

Philippe Pottiée-Sperry

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