Les villes se mobilisent contre l'artificialisation des sols

Philippe Pottiée-Sperry
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Le projet de loi Climat et Résilience, prochainement en discussion à l’Assemblée nationale, définit un objectif de réduction par deux du rythme d’artificialisation des sols sur les dix prochaines années par rapport à la décennie précédente.

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La dernière enquête de l’Observatoire des villes vertes (1) sur le sujet tombe donc à point nommé. Ayant interrogé 18 grandes villes sur leurs stratégies et pratiques en matière de lutte contre l’artificialisation des sols, elle constate qu’elles sont de plus en plus volontaires sur le sujet et s’associent à de nombreux acteurs. De plus, elles privilégient des actions concrètes et visibles pour préserver la biodiversité (végétalisation de toitures, verdissement de cours d’écoles…). En revanche, ces efforts restent surtout concentrés sur le domaine public, et pourraient pâtir d’un ralentissement des investissements dans les infrastructures publiques dû à la crise.

L’Observatoire des villes vertes a été créé par l’Unep (Union nationale des entreprises du paysage) et Hortis, organisation rassemblant les responsables d’espaces nature en ville. Mis en place depuis 2014, il étudie les 50 plus grandes villes et publie tous les trois ans le « Palmarès des villes vertes de France », dont la dernière édition date de février 2020.

Un observatoire dédié à Amiens

Dans le détail, 16 villes interrogées sur 18 déclarent s’être emparées du sujet de la lutte contre l’artificialisation des sols. Cette dynamique se structure à l’échelle politique et locale : après une première impulsion des services espaces nature en ville et urbanisme, les élus ont anticipé la volonté du gouvernement et apportent leur contribution pour contrer les conséquences liées à l’artificialisation des sols. C’est par exemple le cas d’Amiens qui projette de créer un observatoire dédié pour évaluer le développement urbain et les taux d’artificialisation des sols.

Par ailleurs, les villes intègrent désormais des « acteurs privés » (citoyens, bailleurs sociaux et promoteurs immobiliers) dans leurs réflexions et projets de renaturation urbaine. Ainsi, Nancy s’appuie sur ses habitants en proposant un financement des travaux de leurs jardins à hauteur de 70% si les espaces verts sont visibles depuis l’espace public. Pour sa part, Grenoble propose jusqu’à 8000 € de subvention pour des travaux remplissant les mêmes critères.

Elément d’attractivité des villes

Seul ombre au tableau, le ralentissement des chantiers publics dû à la crise du Covid-19 : annoncés en 2020, un grand nombre d’entre eux sont encore à l’arrêt et les budgets des communes fortement impactés par la crise sanitaire ne semblent pas prioriser ces chantiers pourtant indispensables.

« La volonté des villes pour ralentir l’artificialisation des espaces semble résister à l’atonie voulue par la crise, comme en attestent les projets tangibles initiés en ce début 2021 », commente Laurent Bizot, président de l’Unep et co-président de l’Observatoire des villes vertes. Et d’ajouter : « L’argument de l’attractivité des villes va sûrement jouer pour beaucoup, et ce d’autant plus en anticipation des prochains confinements, pour éviter un exode trop important d’habitants fuyant les grandes places urbaines pour plus de vert. »

Priorité à la biodiversité

Les villes interrogées par l’Observatoire des villes vertes fournissent trois explications à leur lutte contre l’artificialisation des sols : favoriser la biodiversité en ville, améliorer le cadre de vie des administrés, lutter contre les îlots de chaleur. Ces bénéfices recherchés sont talonnés par l’amélioration de la qualité de l’air et l’attractivité de la ville. Les arguments d’ordre économiques semblent aujourd’hui moins évidents ou prioritaires : l’essor économique du cœur de ville et la préservation des zones périurbaines agricoles arrivent en dernier des raisons invoquées.

Pour atteindre concrètement ces ambitions, Marseille a établi un zonage des tissus urbains à dominante pavillonnaire et y impose une part d'espaces verts comprise entre 40 et 70%, dont deux tiers de pleine terre selon la configuration et les enjeux (paysagers, d'accès, etc.). Dans le même souci d’amélioration du cadre de vie et protection de la biodiversité, plusieurs villes incitent à des opérations de fleurissement des rues aux abords des habitations comme Perpignan avec sa campagne intitulée « Fleurs des villes ».

Travaux de désimperméabilisation

« L’urgence de protéger la biodiversité et de sanctuariser des îlots de fraîcheur a bien été saisie par les villes, se félicite Pascal Goubier, président d’Hortis et co-président de l’Observatoire. Pour autant, les sujets de l’attractivité et de l’essor économique devraient devenir les prochains piliers des politiques de végétalisation, en associant les citoyens et les acteurs privés dans cette démarche. »

Concrètement, les villes répondantes ont décidé de réduire la part de sols artificialisés en investissant dans des travaux de désimperméabilisation - solution préférée des collectivités (15 villes sur 18). Par ailleurs, 12 villes sur 18 se lancent ou se sont lancées dans une revitalisation de leurs friches urbaines. Par exemple, le projet Reims Grand centre vise à requalifier un secteur d’anciennes friches d’activité de 7 hectares en plein cœur de ville, en y intégrant un important volet végétal (150 arbres, 18 350 arbustes et plantes vivaces, 3 000 m² de prairies, forêt urbaine sur 1 600 m²) avec une végétalisation des noues et des parcelles d’infiltration.

Créer des îlots de fraîcheur

D’autre part, huit villes répondantes envisagent ou ont déjà débuté le verdissement des cours d’école. C’est le cas de Paris qui a lancé l’initiative des cours Oasis qui est un projet de rénovation verdissante de cours d’écoles permettant une meilleure gestion de l’eau de pluie, en plus d’aménagements plus ludiques pour l’amélioration du bien-être des écoliers. Pensées comme des îlots de fraîcheur au cœur des quartiers, ces cours pourront également accueillir un public plus large en dehors des temps éducatifs et devenir notamment des « refuges » pour les personnes vulnérables durant les vagues de chaleur. Des projets semblables fleurissent également dans d’autres villes telles que Nancy (43 cours d’école concernées) et Montpellier, ou encore Nice et Poitiers prochainement.

Laisser aux villes des marges de manœuvre

De manière générale, les villes veulent éviter d’artificialiser encore plus, et intègrent pour cela quasi systématiquement des concepteurs paysagistes dans les projets de maîtrise d’œuvre (14 sur 18) et des mesures coercitives dans les PLU/ PLU-I de plus en plus appliquées par les villes (10 sur 18). Selon l’Observatoire des villes vertes, ces résultats montrent « la nécessité pour le gouvernement d’accompagner les collectivités en leur laissant les marges de manœuvre et les moyens suffisants pour décliner efficacement les engagements environnementaux nationaux à l’échelle des territoires et villes, au profit de projets plus durables et vertueux à leurs concitoyens ».

P.P.-S.

(1) L’enquête a été réalisée du 15 octobre au 7 décembre 2020 via un questionnaire envoyé par mail au panel de villes de l’Observatoire, 18 villes ont répondu.

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Philippe Pottiée-Sperry
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