Relance : un rôle de premier plan pour la Banque des territoires
La Caisse des dépôts a présenté, le 7 septembre, un plan de 26 Md€ (dont 20 Md€ sur 2021 et 2022) qui contribue à la relance de l’économie française. Avec un rôle clé pour la Banque des territoires.
Entretien avec Gisèle Rossat-Mignot, directrice du réseau de la Banque des territoires (Groupe Caisse des dépôts), expliquant que la mise en oeuvre du plan passera à la fois « par du sur-mesure pour les collectivités et par un déploiement massifié ».
« Nous sommes des financeurs et des facilitateurs »
Comment s’articule votre plan de relance avec les collectivités locales ? La relance économique passera par les territoires car les projets y naissent, s’y développent et parfois y meurent. Pour préparer le plan, la Banque des territoires a tout d’abord écouté les territoires : au travers de nos directions régionales mais également en échangeant avec les principales associations d’élus. Cette méthode « bottom-up » est la marque de fabrique de notre plan qui vise à accélérer et amplifier nos actions dans les secteurs du tourisme, du commerce, de l’industrie, de l’habitat, du numérique et de la transition écologique et énergétique. Cette écoute territoriale nous a également amenés à agir sur de nouveaux secteurs comme la santé et le médico-social. La mise en œuvre de ce plan passera à la fois par du sur-mesure pour les collectivités et par un déploiement massifié. Il nous faut aller vite pour être au rendez-vous des besoins de notre pays. Localement, c’est le préfet qui portera le plan relance de l’Etat. Nos directeurs régionaux sont en lien avec les préfets de région et nos directeurs territoriaux le sont avec les préfets de département. Le lien est également très fort avec l’Agence nationale de la cohésion nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui porte tous les programmes nationaux comme Action cœur de ville (ACV), Territoires d’industrie ou bientôt Petites villes de demain sur lequel nous avons notamment prévu de consacrer 200 M€ pour soutenir l’ingénierie nécessaire à la redynamisation des 1000 villes qui seront choisies. Nous sommes des financeurs, des facilitateurs mais également des apporteurs d’idées et de solutions innovantes.
Votre rôle est-il renforcé sur le programme Action cœur de ville ? Depuis deux ans, la Banque des territoires est un des acteurs essentiels pour faire avancer ce programme avec une équipe dédiée qui fait du cousu main. Plus de 5000 rendez-vous ont eu lieu entre les équipes de la Banque des territoires et les acteurs des 222 territoires ACV. Ce sont 219 territoires qui ont déjà bénéficié d’au moins un engagement financier de la Banque des Territoires. Cela représente un engagement de 889 M€ pour près de 2000 projets (ingénierie, prêts, investissements) dont 220 projets et 370 M€ pour CDC Habitat. Des villes telles que Vierzon ou Grasse ont bénéficié de toute la palette de notre offre. Comme l’Etat, nous estimons qu’ACV constitue un levier de la relance. Dans le cadre de la relance, nous avons adapté notre action dans le cadre de ce programme en prévoyant notamment de nouvelles mesures de soutien en faveur du commerce.
Qu’allez-vous faire pour sauver les centres-villes ? L’impact de la crise sanitaire sur les commerces en centre-ville est très fort avec de nombreuses défaillances et une accélération de la vacance commerciale (taux passé de 13,5% à 15,5%). Très vite, nous avons proposé de subventionner jusqu’à la fin de l’année des diagnostics pour mesurer les impacts de la crise mais également la mise en place de solutions numériques pour les commerçants ou de managers de centre-ville. Notre stratégie de moyen et de long terme passera aussi par la création de 100 foncières de redynamisation (souvent multi-activités), et cela pas uniquement dans les villes moyennes. Elles devraient pouvoir traiter sur cinq ans entre 6000 et 10 000 commerces. Sans modèle unique pour s’adapter au mieux au contexte local, ces outils souples pourront agir sur l’ensemble de la chaîne immobilière : l’acquisition, l’aménagement, la construction, la gestion et l’accession. Les foncières gèreront un portefeuille d’actifs (commerces, logements, locaux d’activité) avec des effets concrets sur le maintien de l’activité économique et du logement en centre-ville. Nous investirons 300 M€ dans ces foncières auxquels s’ajouteront des subventions d’équilibre versées par l’Etat pour les aider au démarrage.
Le programme Territoires d’industrie est-il amplifié ? La Banque des territoires et Bpifrance mobilisent pas moins d’un Md€ d’investissements nouveaux en fonds propres et en prêts vers l’aménagement et les actifs industriels. Nous investirons dans l’aménagement immobilier industriel innovant et durable en finançant des sites industriels clés en main. Autres axes : accompagner la transition énergétique de l’industrie ou la formation aux métiers industriels. De plus, nous aiderons les régions à réaliser des diagnostics de dépendance des filières industrielles dans leurs territoires dans le but de favoriser la relocalisation d’activités essentielles pour notre pays.
Quelles sont vos autres actions prioritaires ? Elles sont nombreuses et avec les mêmes mots d’ordre : l’amplification et l’accélération. Je pense tout d’abord au soutien au secteur touristique qui est gravement touché et pour lequel nous avons prévu une mobilisation sans précédent avec notre filiale BPI. Mais également à l’impératif crucial d’accompagner la transition écologique et énergétique notamment en développant les mobilités douces ou la rénovation thermique des bâtiments. Sur ce dernier point, nous aiderons les collectivités avec des nouveaux prêts plus attractifs et de l’ingénierie pour les diagnostics préalables. Par ailleurs, nous voulons accélérer la couverture très haut débit (THD) qui préoccupe les élus ruraux ou de montagne. Durant la crise, on a beaucoup parlé de e-éducation, e-commerce ou e-santé mais qui restent hors de portée dans certaines zones. Face à cette inégalité sociale et territoriale, nous apportons 120 M€ de fonds propres ainsi que des prêts pour étendre la couverture THD fixe et mobile et sécuriser les réseaux. Un appel à projets doit être lancé très vite. Nous aurons également une action très volontariste sur la couverture mobile dans les territoires d’outre-mer.
Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry