25% des maires franciliens ont déjà été agressés physiquement

Philippe Pottiée-Sperry
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« Fort sentiment d’insécurité », « manque de prise en charge et en compte des agressions », « découragement des élus », « manque d’information sur les dispositifs de protection existants ». Les résultats de l’enquête menée par l’AMIF (Association des maires d ’Ile-de-France) auprès des élus locaux franciliens (1) est sans appel : pas moins de 70% d’entre eux reconnaissent avoir subi une agression physique ou verbale.

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Dans le détail, 17% des élus (et 25% des maires) indiquent avoir déjà été agressés physiquement. Ces agressions ont eu lieu dans 80% des cas dans le cadre d’une intervention liée à l’exercice du mandat de l’élu. De plus, 45% des élus agressés physiquement l’ont été au moins deux fois. « Lorsque les élus subissent des violences physiques, il y a donc de fortes chances que celles-ci soient répétées », constate l’enquête de l’AMIF.

Fréquence des violences verbales et/ou psychologiques

Pour leur part, les violences verbales et/ou psychologiques sont bien plus fréquentes : pas moins de 69% des élus locaux en ont été victimes. On entend par agression verbale les insultes, les menaces mais aussi d’autres violences psychologiques qui ne mettent pas en danger l’intégrité physique comme les tags sur une propriété privée par exemple. 72% de ces agressions verbales ont eu lieu dans le cadre d’une intervention liée à l’exercice du mandat de l’élu. Là encore, les maires sont les plus touchés avec 77% d’entre eux concernés. Dans les contextes menant à ces agressions verbales, les maires évoquent notamment les cas d’administrés qui ne supportent pas une décision municipale précise. Mais il y a aussi les rappels à la loi sur la sécurité routière, les querelles de voisinage, les expulsions de terrains occupés illégalement… « Je n’ai jamais été frappée mais la crainte que cela arrive est réelle. D’ailleurs, je suis maintenant équipée d’une petite bombe lacrymo », témoigne une élue. Sans surprise, le sentiment d’insécurité semble renforcé avec les réseaux sociaux, sur lesquels les élus sont fréquemment pris à partie, voire menacés.

Une montée générale de l’agressivité

Parmi les facteurs d’explication de cette montée des agressions, un maire sur quatre estime qu’elles sont dues au non-respect de l’autorité et de ce que représente l’élu. Chez les nouveaux élus (depuis moins d’un an), pas moins de 42% d’entre eux affirment déjà se sentir en insécurité « de temps en temps ». Cela peut s’expliquer par le contexte de crises sanitaire et économique. Parallèlement à l’enquête, de nombreux adhérents de l’AMIF observent sur le terrain une montée générale de l’agressivité et une inacceptabilité croissante des mesures qui doivent être prises par les autorités publiques dans le cadre du Covid-19.

Autre enseignement de l’enquête : 9% des élus ayant subi des agressions (physiques ou verbales) déclarent en avoir gardé des traumatismes ou des séquelles après l’événement. Ensuite, c’est surtout le sentiment de solitude face à ces agressions qui ressort dans les témoignages. 58% expriment ainsi un sentiment de solitude comme un manque de soutien à la suite des faits. De plus, 68% des maires ainsi que leurs familles témoignent d’un sentiment d’insécurité. Dans ce contexte, 67% estiment que la protection juridique est insuffisante et 82% qu’ils sont mal informés sur les dispositifs de protection existants.

Ne pas servir de punching-ball

Selon Stéphane Beaudet, le président de l’AMIF, le recours à la violence envers des élus exerçant leur mandat est devenu systématique. « Nous ne pouvons accepter que ‘l’élu préféré des Français’ serve de punching-ball et prenne des coups de la part d’individus qui refusent qu’on leur rappelle les règles du vivre ensemble dans notre société, estime-t-il. Plus que jamais, les maires ont besoin qu’on leur donne les moyens d’exercer leur mandat en toute sécurité ». Le but de l’enquête consistait donc « à recueillir le maximum d’éléments afin de mesurer précisément l’ampleur et la gravité du problème dans notre région ». C’est après avoir constaté le manque de chiffres précis sur la réalité des agressions à l’encontre des élus locaux que l’AMIF a pris l’initiative de mener son enquête. Elle a permis de mettre en lumière les témoignages des élus franciliens sur les agressions dont ils sont victimes mais aussi de relayer leurs demandes et de proposer des solutions pour améliorer la protection des élus locaux dans le cadre de leur mandat.

Les préconisations de l’AMIF

Parmi les demandes formulées par l’AMIF figurent notamment l’octroi facilité de la protection fonctionnelle dans les cas de violences, un meilleur soutien psychologique ou une facilitation du dépôt de plainte. L’AMIF aimerait ici étudier avec la police et la gendarmerie des solutions pour rendre plus facile le dépôt de plaintes des élus locaux et pour mieux les informer. Elle propose notamment la mise en place d’une plateforme réservée aux élus pour les dépôts de plaintes. Cette plateforme de signalement pourrait aussi donner aux élus les informations juridiques nécessaires notamment dans le cas où la présence d’un avocat est obligatoire comme pour les délits de presse, afin d’éviter les non-respects de procédure. De plus, l’AMIF demande que soit étudiée une possibilité de dérogation afin que les élus victimes de violences puissent se faire également représenter par un collaborateur pour les dépôts de plainte.

Demande de poursuites immédiates dès le dépôt d’une plainte

Dans les autres demandes formulées figurent une meilleure collaboration avec la justice et les forces de l’ordre ou une application réelle des sanctions envers les agresseurs. Enfin, l’AMIF plaide pour que les procureurs adoptent le principe de poursuites immédiates dès qu’une plainte pour violences est déposée par un élu.

Pour aider les élus, l’association indique qu’elle va publier un guide pour renseigner sur les démarches à mener et les bons réflexes à avoir à la suite d’agressions physiques ou morales envers les élus, leurs proches mais aussi les agents municipaux qui sont également de plus en plus visés.

Des formations proposées par la gendarmerie et la police

Sur le même sujet, un courrier a été envoyé à tous les maires de France, fin mars, par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et François Baroin, président de l’AMF, pour les sensibiliser aux formations proposées par la gendarmerie, et bientôt par la police, sur la gestion des incivilités et agressions dont ils peuvent être victimes. Ces formations de quatre heures pour les élus volontaires sont développées par la cellule nationale de négociation du GIGN, en lien avec l’AMF. Objectif affiché : permettre aux maires de pouvoir se saisir des clés de compréhension pour désarmer les conflits, faciliter le dialogue et rétablir la communication avec le ou les individus en cause. Les sessions se composent d’un volet théorique et d’un volet pratique via des mises en situation. Le nombre d’élus par session est limité à douze pour faciliter les échanges entre élus et intervenants. Les directeurs départementaux de sécurité publique et commandants des groupements de gendarmerie des départements, en lien avec les associations départementales de maires, « sont d’ores et déjà à la disposition des élus pour mettre en œuvre ces formations », indiquent l’AMF et le ministère de l’Intérieur.

▶️ Lien vers la méthode d’analyse

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Enquête réalisée par l’AMIF via un questionnaire destiné à tous les élus locaux d’Ile-de-France, accessible du 28 août au 6 novembre 2020. 229 élus ont répondu, avec des profils diversifiés issus de tous les départements franciliens. Parmi les répondants, tous les mandats locaux sont représentés, 43% sont maires et 36% adjoints. Au total, 97,8% des répondants exercent au moins un mandat communal.

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Philippe Pottiée-Sperry
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