3,3 Md€ pour améliorer la vie quotidienne dans les quartiers

Philippe Pottiée-Sperry
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1% du plan de relance, soit 1 Md€, se destine aux 1514 quartiers de la politique de la ville (QPV), soit 5,4 millions d’habitants. Parmi les plus touchés par la crise sanitaire et ses conséquences, ces quartiers sont déjà très fragiles avec un taux de pauvreté de 42%, soit trois fois plus que sur le reste du territoire, et un taux de chômage de 22,5% (contre 8,2% au niveau national).

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Autres chiffres : la part des 16-25 ans non scolarisés et sans emploi atteint 29,4% (16,6% au niveau national), la part des familles monoparentales est plus du double du taux national (31,7% contre 15,3%). Au nom de « l’égalité sur tous les territoires », le Premier ministre a annoncé, le 29 janvier à Grigny (Essonne), lors d’un Comité interministériel à la ville (CIV), 15 mesures (rénovation urbaine, éducation, mixité sociale, emploi, sécurité, égalité des chances…) en mettant sur la table 3,3 Md€ sur deux ans en incluant le Md€ déjà acté dans le plan de relance.

Des mesures « concrètes et toutes financées »

Jean Castex a fait le déplacement avec six ministres. Parmi les mesures figure notamment le déploiement de 400 France services en QPV d’ici fin 2022 qui devront couvrir 100% des QRR (quartiers de reconquête républicaine) et des quartiers NPNRU (nouveau programme national de rénovation urbaine). Cela faisait huit ans qu’un CIV ne s’était pas tenu.

« Les mesures de ce CIV sont concrètes et toutes financées », a tenu à préciser Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la Ville. Et d’affirmer : « Aux jeunes et aux demandeurs d’emplois, nous offrons des solutions renouvelées, à travers le renforcement de l’apprentissage, de la formation et de l’insertion professionnelle. Aux familles, nous offrons un cadre de vie et des logements plus agréables à vivre, des équipements de santé, une plus grande proximité des services publics, des moyens supplémentaires pour accéder au sport et à la culture ».

2 Md€ supplémentaires pour la rénovation urbaine

Principale annonce du CIV : 2 Md€ d’abondement au nouveau PNRU mis en œuvre par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Ces nouveaux moyens doivent permettre de répondre aux attentes des élus et des bailleurs sociaux en faveur des trois millions d’habitants concernés par le programme. Cette mesure va permettre de réaliser plus de constructions et de réhabilitations de logements, de démolitions de logements dégradés et d’intervenir sur plus d’équipements scolaires, culturels, sportifs, sociaux et d’immobiliers d’entreprises. Au regard des engagements déjà contractualisés, ces moyens complémentaires visent à améliorer les conditions de logements de 150 000 personnes supplémentaires dans le cadre du programme. « L’ensemble des mesures annoncées vont dans le bon sens et marquent la poursuite de la mobilisation pour les quartiers populaires », a réagi Olivier Klein, président de l’ANRU et maire de Clichy-sous-Bois. Et d’ajouter : « Avec les élus et les bailleurs sociaux concernés, nous allons pouvoir transformer ces territoires plus profondément et plus rapidement ». En portant le budget du NPNRU de 10 à 12 Md€, le gouvernement poursuit la montée en puissance du programme, doté de 5 Md€ à son lancement en 2015. Avec cette nouvelle enveloppe, le NPNRU dispose ainsi de moyens comparables à ceux du premier programme mis en œuvre entre 2004 et 2020 (12 Md€). Le NPNRU générant dans les territoires un montant d’investissement quatre fois supérieur à l’apport de l’ANRU, c’est donc 50 Md€ qui seront investis par l’ensemble des financeurs (collectivités, bailleurs sociaux…) sur les dix prochaines années.

200 cités éducatives fin 2022

Autre mesure annoncée lors du CIV : la création de 80 nouvelles cités éducatives d’ici la fin 2022 s’ajoutant aux 120 qui existent déjà, avec un objectif de généralisation lors de la prochaine génération de contrats de ville. Ayant fait leurs preuves lors du confinement, selon le gouvernement, la démarche sera étendue dès cette année avec une quarantaine de nouveaux territoires labellisés. « Accompagner individuellement chaque enfant, chaque jeune dans son parcours, depuis la petite enfance jusqu’à l’insertion professionnelle, c'est l'objectif des cités éducatives dont j'ai vu la réussite ce matin sur le terrain », a indiqué Jean Castex lors du CIV à Grigny.

Les différents ministères devront proposer des activités nouvelles dans « un objectif d’excellence pour chaque élève », par exemple dans les domaines du numérique, de l’environnement, du sport (le pass’sport) ou de la culture (le pass’culture). Autre mesure annoncée : la reconduction des quartiers d’été, vacances apprenantes et quartiers solidaires. Ce dernier programme, soutenant les associations soutenant la solidarité au quotidien dans les quartiers, va bénéficier d’un fonds de 20 M€ pour accompagner les initiatives de proximité : santé mentale, accompagnement au retour dans l’emploi, aide aux devoirs, lutte contre la fracture numérique.

10 000 nouvelles places de crèches

Le compte rendu du CIV indique vouloir créer 10 000 nouvelles places de crèches d’ici 2022 dans les quartiers. Le bonus « territoire » pour l’ouverture d’une place de crèche sera revalorisé de 500 € pour le porter de 3100 € à 3600 €. Pour sa part, l’aide à la création de place sera portée à 22 600 €. Les collectivités pourront dans le même temps bénéficier d’un appui en ingénierie (montage du projet immobilier, élaboration du plan de financement, conception du projet d’accueil, appui à la constitution de l’équipe).

Par ailleurs, pour amplifier le soutien aux collectivités comptant des QPV dans la construction, la rénovation et la modernisation de leurs équipements sportifs, le gouvernement a annoncé un plan de rattrapage de 100 M€. Pour encourager les pratiques sportives, un fond de 6 M€ est aussi mis en place pour soutenir les associations sportives dans les quartiers.

Emploi et insertion professionnelle

Pour l’emploi des jeunes des quartiers, le CIV a annoncé 700 M€ dont 40 M€ pour financer 2500 postes dans le sport. Dans le détail, il est prévu de créer 200 cités de l’emploi d’ici fin 2022. Les retours d’expérience des premières cités existantes ont montré « l’efficacité du modèle dans les quartiers prioritaires », estime le gouvernement. Face à l’urgence de la crise, 60 cités de l’emploi supplémentaires seront mises en place dès 2021. La démarche doit être généralisée à l’occasion de la prochaine génération de contrats de ville. Une cité de l’emploi des Jeux Olympiques Paris 2024 sera créée en Ile-de-France en partenariat avec le ministère des Sports. D’autres thématiques pourront voir le jour en fonction des enjeux économiques des territoires.

Autre mesure : la création de 500 nouveaux postes de conseillers pour accompagner les demandeurs d’emploi dans les 66 agences Pôle Emploi ayant le plus fort taux de demandeurs d’emploi. Par ailleurs, un appel à projets 100% inclusion dédié aux QPV, doté de 50 M€, sera lancé dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences. Il financera des « parcours sans couture », de la remobilisation jusqu’au retour à l’emploi à destination des habitants des quartiers.

Création du programme « Quartiers productifs »

Pour accompagner les collectivités dans la définition et la mise en oeuvre de stratégies de développement économique dans les QPV, le ministère de la ville lance le programme Quartiers productifs, en partenariat avec la Caisse des dépôts, l’ANRU, l’ANCT et BPI France. Il doit permettre d’actionner quatre leviers : l’entreprenariat, le commerce et l’artisanat, l’implantation d’activités industrielles et de services, la transition numérique. Une première expérimentation du dispositif sera réalisée dans 12 territoires pré-identifiés d’ici la fin du troisième trimestre 2021.

A noter également un accompagnement des créateurs d’entreprises les plus fragiles grâce à des prêts à taux zéro ou prêts d’honneur solidaires en mobilisant le fonds de cohésion sociale. La mesure comporte deux volets : le doublement du volume des prêts d’honneurs « classiques » destinés à accompagner davantage de demandeurs d’emploi dans la création de leur activité et la création d’un prêt d’honneur solidaire « Renfort » pour renforcer les fonds propres des entreprises récemment créées par des demandeurs d’emploi et fragilisées par la crise. Budget prévu : 10 M€.

Renforcer l’accès aux soins

En faveur de l’accès aux soins, il a été annoncé l’ouverture de 60 centres et maisons de santé pluriprofessionnels et participatifs dans les quartiers. Elles devront permettre une prise en charge globale (médico-psycho-sociale) adaptée aux besoins particuliers des habitants des QPV, en recourant à des services de médiation sanitaire et d’interprétariat. De plus, les dispositifs de lutte contre les addictions seront renforcés et modernisés, notamment pour permettre le recours aux téléconsultations. Il est aussi prévu de former les acteurs de terrain dans les quartiers au programme de premiers secours en santé mentale (PSSM). Objectif : élaborer une stratégie de formation aux PSSM et de déploiement en directions des publics prioritaires dans chacun des QPV (NEET – 16-25 ans ni en études, ni en emploi, ni en formation –, publics scolaire ou collégiens, addictions…). Les personnes mobilisées pour ces formations peuvent être des volontaires, des associatifs ou des professionnels (enseignants, travailleurs sociaux, éducatifs, éducateurs, médiateurs sociaux, agents de missions locales …).

Il est aussi prévu la création de nouvelles maisons sport-santé d’ici 2022. Outre la féminisation et la pratique en famille des activités sportives, elles offriront un accompagnement personnalisé à des publics éloignés ou réticents à une pratique sportive.

Sécurité et prévention de la délinquance

Le gouvernement veut créer sept nouveaux quartiers de reconquête républicaine (QRR) – 55 existent déjà depuis 2017 – avec un renforcement des effectifs de police et de gendarmerie. 180 nouveaux postes seront créés dans ces sept nouveaux QRR : La Ricamarie-Montrambert-Méline (42), Vaulx-en-Velin (69), Rillieux-la-Pape (69), Annemasse (74), Le Havre (76), Bonneville (74) et Libourne (33).

Concernant la prévention spécialisée, 300 médiateurs seront formés et 300 éducateurs spécialisés viendront renforcer les moyens humains, en priorité dans les QRR et ce en partenariat avec les collectivités. De plus, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sera abondé de 10 M€ pour soutenir des initiatives locales. Par ailleurs, des stratégies seront élaborées dans une quinzaine de territoires avec les collectivités pour mieux prendre en compte les enjeux de sécurité dans les projets de renouvellement urbain.

Pour renforcer la justice de proximité afin de mieux traiter la « petite délinquance du quotidien », 914 recrutements sont prévus en 2020 et 2021 et le nombre de délégués du procureur sera doublé. A noter également l’accueil de 10 000 stagiaires supplémentaires issus des QRR dans la police et la gendarmerie : cadets de la République, réserves, stages de 3ème, classes préparatoires intégrées, cordées de la réussite, apprentis, etc.

Lutte contre les discriminations

Pour tenter de mieux lutter contre les discriminations, il est prévu de lancer ou d’accompagner des campagnes de testings thématiques régulières (logement, emploi, etc.) pour constituer un baromètre des discriminations. Autres mesures : relancer les plans locaux de lutte contre les discriminations ; articuler la plateforme de signalement de discriminations avec les plans locaux de lutte contre les discriminations grâce à la mobilisation d’un binôme adulte-relais/service civique en charge de l’animation, du pilotage de la démarche et de l’« aller vers » ; établir et renforcer des partenariats directs avec les référents locaux et régionaux du Défenseur des droits.

En faveur des femmes, il doit être lancé une stratégie nationale d’accès à la citoyenneté des jeunes filles (accompagnement, orientation scolaire et professionnelle avec des rôles modèles). Pour favoriser l’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes, seront créées trois nouvelles missions de Service civique, avec l’Agence du Service civique : « insertion des femmes par l’emploi », « accès aux droits des femmes » et « Grand programme égalité ».

Plaidoyer pour le rôle des intercommunalités

A l’occasion du CIV, l’AdCF, France urbaine et Villes de France ont tenu à souligner « le rôle des intercommunalités en matière de cohésion sociale et urbaine » qui devra, selon les trois associations d’élus, « faire l’objet d’une attention particulière au moment de la conclusion des contrats de relance et de transition écologique » (CRTE) via un volet dédié. Deux ans et demi après la signature du « pacte de Dijon » avec l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, elles rappellent aux acteurs concernés (Etat, communes et intercommunalités, acteurs associatifs, opérateurs de terrain), « les principes qui ont guidé l’écriture de ce document construit en lien avec Jean-Louis Borloo : une approche intégrée, la clarification des interventions de chacun, la mobilisation des intercommunalités et de l’Etat sur leurs responsabilités de premier ordre ». Un constat toujours d’actualité et amplifié par les conséquences de la crise sanitaire. Les élus plaident pour sortir d’une logique cloisonnée « qui juxtapose des mesures spécifiques et ne permet pas de mettre en réseau les acteurs locaux ». A très court terme, l’AdCF, France urbaine et Villes de France veulent identifier les projets de maitrise d’ouvrage communale, intercommunale ou d’acteurs associatifs, prêts à démarrer et répondant aux grandes lignes du plan de relance : rénovation énergétique des bâtiments publics, revitalisation artisanale et commerciale, déploiement de l’usage du vélo, emploi des jeunes…

Philippe Pottiée-Sperry

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