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Emeutes urbaines : une loi d’urgence pour accélérer la reconstruction 

Philippe Pottiée-Sperry
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Emeutes urbaines : une prochaine loi d’urgence pour accélérer la reconstruction 

Une circulaire de la Première ministre vise à accélérer les procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction dans les villes touchées par les émeutes urbaines. Un projet de loi d’urgence doit arriver au Parlement d'ici les prochains jours pour lever « certains verrous législatifs ». L’AMF demande à l’Etat « un fonds d’urgence exceptionnel ».

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Emmanuel Macron a reçu à l’Elysée, le 4 juillet, quelque 240 maires de villes touchées par les émeutes urbaines, le 4 juillet, avec des échanges directs ayant duré plusieurs heures. Il leur a promis un projet de loi d’urgence pour accélérer la reconstruction des bâtiments et équipements détruits ou dégradés : mairies, écoles, bibliothèques, postes de police, mobilier urbain, moyens de transports… Il s’agirait de réduire les délais, à travers une « procédure accélérée pour reconstruire beaucoup plus vite », promet le chef de l’Etat. 
Suite aux interpellations de certains élus, il a reconnu avoir été « maladroit » en rejetant, en mai 2018, le rapport commandé à Jean-Louis Borloo. Mais en insistant sur les moyens supplémentaires accordés à la rénovation urbaine et à l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), depuis 2017. 

500 communes touchées
Plus de 500 communes ont connu des épisodes de violences urbaines, suite à la mort du jeune Nahel, tué à Nanterre par un policier à la suite d’un contrôle routier. De nombreuses personnes, détenteurs de l’autorité publique, pompiers, forces de l’ordre et élus locaux ont été ciblés et attaqués. Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chiffre à près de 1500 le nombre de bâtiments publics endommagés ou détruits. Et de détailler : plus d'une centaine de mairies, 84 écoles, 65 polices municipales, 200 casernes de gendarmerie ou commissariats de police... La facture des travaux serait d'environ 150 M€.
« Il convient désormais de garantir un accompagnement rapide aux victimes des violences, et en particulier aux maires confrontés à des dégradations. Passé le temps du retour au calme, une réponse structurelle sera apportée à cette situation qui met en cause notre pacte républicain », a affirmé Elisabeth Borne lors du conseil des ministres du 5 juillet. A ce sujet, un nouveau plan contre les violences envers les élus a été présenté par le gouvernement le 7 juillet. 

Une circulaire aux préfets
Datée du 5 juillet, une circulaire de la Première ministre, diffusée aux préfets et aux services de l'État, vise aussi à accélérer les procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction. Elle rappelle notamment que dans des hypothèses d'urgence, le Code de l'urbanisme permet déjà d'alléger ou de supprimer les formalités. 
Autre rappel : l'article L. 2122-1 du Code de la commande publique permet de s’affranchir de règles de publicité et de concurrence préalable en cas d’une « urgence impérieuse », résultant de circonstances extérieures que l'acheteur ne pouvait pas prévoir. Par ailleurs, pour les travaux de reconstruction ou réparation ne remplissant pas les conditions de l'urgence impérieuse, le droit de la commande publique offre d'autres leviers juridiques pour mobiliser rapidement les entreprises comme la procédure de gré à gré pour des marchés de travaux inférieurs à 100 000 € HT ou les « petits lots » inférieurs à 100 000 € HT et à 20% de la valeur totale des travaux.
Ces dispositions devraient permettre de « répondre à 90% voire 95% des situations », a affirmé le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l’issue du conseil des ministres. 

Un projet de loi d’urgence au Parlement
En complément, un projet de loi d'urgence visera à « lever certains verrous législatifs », notamment pour déroger à plusieurs procédures légales. En préparation, ce texte devrait être présenté au conseil des ministres du 13 juillet avec une présentation au Parlement dans la foulée grâce à un report de la suspension des travaux. L'autre solution envisagée a été de s'appuyer sur une proposition de loi d’urgence pour aider les communes à la reconstruction des bâtiments et équipements publics endommagés, déposée le 5 juillet par Sophie Primas, présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat.
En recevant les maires, Emmanuel Macron leur a aussi promis de faire un point d’étape en septembre. En outre, il a évoqué la nécessité de plus de décentralisation ou de clarification des compétences entre les différents échelons de collectivités, notamment en matière de logement. 

Mobilisation des assureurs et des pouvoirs publics  
Par ailleurs, la Première ministre insiste pour faciliter la réouverture des services publics qui « nécessite la mobilisation totale des assureurs et des pouvoirs publics ». Des guichets uniques doivent être ouverts dans chaque préfecture. Elisabeth Borne demande aussi aux assureurs d’accompagner les commerçants dont les commerces ont été dégradés ou pillés. Il leur est demandé d’allonger de cinq à trente jours le délai pour déclarer les sinistres puis d’être rapide dans les indemnisations avec des réductions de franchises pour les commerces indépendants les plus touchés. 
A cela s’ajoute la mise en place par l’Etat d’un interlocuteur dans chaque département, pour aider les commerces et permettre des reports de charges sociales, la modulation du taux d’impôt sur le revenu ou encore l’annulation de charges sociales et fiscales, à titre exceptionnel et au cas par cas, pour les commerces les plus en difficulté.

« Soutien financier » aux communes
Par ailleurs, la Première ministre a annoncé « un soutien financier » pour aider les collectivités à la remise en état des bâtiments dégradés. Mais sans le détailler. De plus, le fonds interministériel de prévention de la délinquance sera mis à contribution à hauteur de 20 M€, en particulier pour remettre en état et renforcer la vidéoprotection. 
Pour sa part, l’AMF demande « un fonds d’urgence exceptionnel financé par l’Etat, avec un seuil maximal de subventionnement relevé à 90% du coût total de la dépense ». Selon l’association présidée par David Lisnard, ces aides devraient pouvoir être attribuées aux collectivités concernées, sans distinction de leurs situations ou de leurs critères financiers, par une loi de finances rectificative. 
Autre demande formulée : la compensation des pertes de recettes induites par la fermeture de services publics et le versement du FCTVA l’année même de la réalisation de la réalisation des dépenses de réparation ou de reconstruction des dégâts causés par les violences urbaines, « comme ce fut le cas après les évènements de 2005 ».

Annonce de mesures à la rentrée
Enfin, le gouvernement souhaite établir « un diagnostic partagé et une action collective de l’Etat et de l’ensemble des parties prenantes : élus locaux, acteurs associatifs, intervenants sociaux et forces de l’ordre ». Elisabeth évoque ainsi la présentation « prochaine » d’une série de mesures pour répondre aux questions de sécurité, d’éduction, d’emploi et d’égalité des chances. Le comité interministériel à la ville (CIV), qui doit se tenir à la rentrée, pourrait en être le cadre.

Philippe Pottiée-Sperry
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