Ce que prévoit la loi « 3DS » en matière d’action sanitaire et sociale

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Loi « 3DS » action sanitaire et sociale

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite « loi 3DS »), publiée au Journal officiel le 22 février 2022, prévoit différentes mesures qui intéressent le secteur de l’action sanitaire et sociale.

Fiche juridique réalisée par Esther Doulain et Audrey Lefevre, avocates au cabinet Seban & Associés

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Quel est l’impact de la loi « 3DS » sur la renationalisation du RSA déjà en cours d’expérimentation ?

La gestion des aides individuelles de solidarité, dont le RSA (revenu de solidarité active), pèse lourdement sur les finances départementales du fait notamment du nombre important et croissant d’allocataires. La loi de finances pour 2022 a prévu la possibilité pour les départements d’expérimenter la renationalisation du RSA à compter du 1er janvier 2022, comme c’est le cas pour la Saint-Saint-Denis. La loi « 3DS » prolonge cette initiative en prévoyant que les départements qui le souhaitent pourront, jusqu’au 30 juin 2022, décider de se porter candidats à cette expérimentation. L’Etat reprendra alors, dans le ressort du département concerné, la gestion de cette aide (pour l’instruction de la demande, la décision d’attribution, la gestion des éventuelles réclamations et le recours contentieux y afférent, le recouvrement des indus…) et son financement. Cette expérimentation est prévue pour une durée limitée à cinq ans et débutera le 1er janvier 2023.

Que change la loi pour le parcours des personnes en situation de handicap ?

La loi « 3DS » prévoit plusieurs mesures concernant le parcours des personnes en situation de handicap. Tout d’abord, il est prévu que les autorisations de fonctionnement des établissements ou services accueillant des personnes en situation de handicap ne comporteront plus de mention liée à la gravité du handicap et à la présence ou non de troubles associés, afin d’éviter les refus d’accompagnement et les ruptures de parcours. Ensuite, les restrictions relatives à un âge maximal de seize à vingt ans sont remplacées par une restriction relative à un âge maximal de vingt ans afin qu’aucun jeune ne subisse une rupture d’accompagnement du fait d’une limite d’âge inadaptée de son établissement d’accueil. Ces deux mesures seront effectives dans un délai de deux ans. Enfin, les établissements accueillant des personnes en situation du handicap peuvent à présent délivrer des prestations au domicile. Concrètement, cela va leur permettre de proposer des accompagnements sans interruption, quel que soit le lieu où évolue la personne.
 

Et en matière d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ?

La loi « 3DS » apporte deux nouveautés en la matière. D’une part, elle supprime, pour les apprentis en situation de handicap la nécessité d’obtenir, auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), la qualité de travailleur handicapé pour bénéficier des dispositifs d’aides. Tout jeune de plus de 16 ans, déjà bénéficiaire de l’allocation d’éducation spéciale, de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou d’un projet personnalisé de scolarisation, se verra délivrer de manière automatique cette qualité dès son entrée en apprentissage. D’autre part, la loi crée des passerelles entre le milieu dit protégé et le milieu dit ordinaire. Les travailleurs d’ESAT vont ainsi pouvoir cumuler un temps partiel dans un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) et un temps partiel en entreprise adaptée ou classique, afin de permettre une intégration progressive dans le milieu dit ordinaire. La loi sécurise également les insertions à temps plein en entreprise en encadrant les sorties d’ESAT.

Que modifie la loi concernant l’habitat inclusif ?

L'habitat inclusif permet aux personnes âgées ou en situation de handicap de rester chez elles tout en bénéficiant sur place d’un accompagnement. Elles résident ainsi dans une habitation regroupée, entre elles ou avec d'autres personnes, assortie d'un projet de vie sociale et partagée.
La loi « 3DS » confie la fonction de coordination au président de chaque conseil départemental, à travers la présidence de la conférence des financeurs de l’habitat inclusif, en matière de développement de l’habitat inclusif et d'adaptation des logements au vieillissement de la population. Afin de soutenir l’émergence de cette nouvelle forme d’habitat dans un contexte de raréfaction des places en établissements, la loi « 3DS » prévoit que les organismes d’habitations à loyers modérés sont désormais autorisés à louer des logements sociaux aux porteurs de projet d’habitat inclusif. 

La participation des collectivités aux politiques de santé est-elle renforcée ?

Plusieurs dispositions de la loi « 3DS » renforcent la participation des collectivités territoriales aux politiques de santé. D’une part, une disposition du Code de la santé publique officialise l’intervention sanitaire des collectivités en prévoyant leur participation à la mise en œuvre du droit fondamental à la santé dans le champ de leurs compétences. D’autre part, la gouvernance des ARS est quelque peu modifiée, la loi « 3DS » prévoyant désormais que trois des quatre vice-présidents du conseil de surveillance, transformé en conseil d’administration, seront désignés parmi les représentants des collectivités qui siègent au conseil. Les élus locaux voient ainsi leur poids conforté au sein des ARS. A noter par ailleurs que le conseil d’administration des ARS aura pour nouvelle mission de fixer les grandes orientations de la politique contractuelle de l’ARS avec les collectivités, sur proposition de son directeur général. 

Les collectivités pourront-elles intervenir dans l’offre de santé ?

La loi « 3DS » sécurise la possibilité, pour les collectivités, de financer les établissements de santé en prévoyant la participation volontaire au financement du programme d’investissement des établissements de santé publics, quel que soit le statut juridique de ces derniers, par les communes et leurs groupements, les départements et les régions. La loi prévoit par ailleurs que les communes, les EPCI et les départements sont compétents pour créer et gérer des centres de santé. La loi « 3DS » renforce également la base légale permettant aux communes, aux EPCI et aux départements de recruter du personnel afin d’assurer l’exercice des missions des centres de santé dont ils sont gestionnaires.

Peut-on parler de « décentralisation sanitaire » ?

Ces modifications ne remettent pas en cause la prééminence de l’Etat dans le domaine de la santé. Plusieurs propositions qui devaient accentuer la décentralisation sanitaire n’ont finalement pas été retenues par le Parlement. C’est le cas notamment de celle qui visait à augmenter la part des élus locaux au sein du conseil d’administration des ARS qui est finalement resté le même que celui fixé pour l’ancien conseil de surveillance. Si la loi « 3DS » semble donner une inflexion en direction d’une plus grande appropriation par les collectivités des politiques de santé publique, il n’y a pas de véritable transfert de compétence aux collectivités qui ont été très volontaires dans le domaine de la santé pendant la pandémie. La décentralisation des compétences dans le domaine de la santé ne semble pas être pour tout de suite.

Quelles autres mesures sont prévues en matière d’action sanitaire et sociale ?

Les directeurs des établissements de la petite enfance voient leur statut évoluer. Alors qu’ils relevaient auparavant du corps des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, ils sont désormais intégrés à la fonction publique territoriale. Par ailleurs, les communautés urbaines et les métropoles peuvent à présent se doter de centres intercommunaux d’action sociale (CIAS). Les intercommunalités peuvent, quant à elles, décider de confier tout ou partie de l’exercice de leur compétence aux CIAS.
Les départements élaborent désormais un schéma départemental de la solidarité territoriale sur leur territoire qui définit, pour six ans, un programme d'actions destinées à permettre, dans les domaines de compétence des départements, un développement équilibré du territoire départemental afin de faciliter l'accès aux services et équipements de proximité.

En quoi consistent les « territoires zéro non-recours aux droits sociaux » ?

La loi « 3DS » crée les « territoires zéro non-recours aux droits sociaux ». Il s’agit d’une expérimentation sur trois ans pour les territoires volontaires qui doit permettre de « lutter contre le non-recours aux droits sociaux et de détecter les situations dans lesquelles des personnes seraient éligibles à percevoir des prestations et avantages sociaux [...], dont le bénéfice ne leur a pas encore été ouvert faute de démarche accomplie en ce sens ». Ses modalités de mise en œuvre seront détaillées par décret d’ici la fin de l’année.

Esther Doulain et Audrey Lefevre, avocates au cabinet Seban & Associés

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