
Élections municipales 2026 : la communication institutionnelle des collectivités locales sous haute surveillance

Les élections municipales de mars 2026 approchent à grands pas, et avec elles, une vigilance accrue s’impose aux collectivités locales en matière de communication. rencontre avec Nawël Seghiri, avocate au Cabinet Parme Avocats.
Le second alinéa de l’article L.52-1 du code électoral interdit aux collectivités locales toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité dans les six mois avant le mois du scrutin, soit à compter du 1er septembre 2025. Cette interdiction vise à garantir la sincérité du scrutin, préserver l’égalité entre les candidats et éviter que les moyens publics ne soient détournés à des fins électorales .
Dans ce contexte, la communication institutionnelle des collectivités locales devient un terrain particulièrement sensible à compter de cette date.
La communication institutionnelle des collectivités ne doit pas être confondue avec une communication politique. La première relève de l'information essentielle des citoyens sur le fonctionnement de la vie locale et des services publics, dans le respect des principes fondamentaux de la démocratie locale. La seconde, en revanche vise à mettre en avant un candidat, une équipe sortante dans la perspective d’un renouvellement de mandat. C’est cette forme de communication que le législateur entend précisément contenir en période préélectorale.
La frontière est donc mince, et la période préélectorale exige une attention juridique soutenue. Adapter les pratiques de communication, sécuriser les publications sans pour autant cesser d’informer les administrés : telles sont les lignes directrices que les collectivités devront maîtriser à partir du 1er septembre 2025.
La difficulté tient au fait que le code électoral ne définit pas clairement ce qu’est une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité. Afin d’apprécier si une communication relève de l’information institutionnelle autorisée ou d’une campagne de promotion publicitaire interdite, trois aspects doivent être examinés de manière conjointe : le contenu même du message, ses modalités de diffusion, ainsi que sa temporalité.
Le contenu du message
Le contenu du message constitue l’élément central de l’analyse, car c’est à partir de lui que les autres critères prendront tout leur sens.
La communication institutionnelle reste bien sûr autorisée durant la période préélectorale, mais elle est encadrée et conditionnée au respect de règles strictes de neutralité.
Il peut être considéré qu’une campagne de promotion publicitaire - interdite - dépasse la simple information des administrés sur le fonctionnement de la vie locale, et vise au contraire à valoriser les actions d’élus sortants envisageant d’obtenir un nouveau mandat.
Le contenu du message doit donc impérativement demeurer factuel, neutre et objectif. La communication doit être dénuée de toute polémique électorale.
Pendant la période préélectorale, une collectivité peut et doit légitimement informer les administrés sur des faits immédiats ou des actions programmées à court terme, à condition que ces informations aient une incidence concrète sur la vie quotidienne des citoyens (calendrier d’animations, évènements à venir, travaux en cours, modifications de service, etc.).
En revanche, elle ne saurait présenter sa gestion ou ses réalisations passées ou à venir sous un angle valorisant ou élogieux. L’usage d’adjectifs, de formules flatteuses, ou encore de photos mettant en avant des élus peut révéler une intention politique déguisée. Toute référence à des éléments de polémique électorale est proscrite.
En vue de garantir la neutralité de ton, il est préférable de faire référence à des termes institutionnels neutres tels que « le conseil municipal », « la collectivité » ou « l’exécutif local », plutôt qu’à des élus, surtout s’ils sont candidats à leur propre succession.
Les conditions de la diffusion
Les conditions de diffusion du message doivent être analysées avec soin. Tous les supports institutionnels de communication sont concernés : bulletin municipal, journal local, site internet, réseaux sociaux, mais aussi événements publics (cérémonies de vœux, inaugurations…).
A noter : les outils de communication institutionnels doivent être distingués des outils de communication personnels des élus, tels que leurs comptes individuels sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas soumis à des restrictions. En revanche, les collectivités doivent porter une attention particulière aux risques d’interaction entre ces deux sphères.
Pour rester dans le cadre d’une communication institutionnelle autorisée, les actions menées doivent respecter les principes d’identité et de régularité.
Le principe d’identité implique que la collectivité utilise les supports habituels, dans un format identique à celui utilisé tout au long du mandat (présentation, style graphique, typographie, etc.).
Le principe de régularité, quant à lui, impose le respect de la périodicité habituelle (par exemple, un bulletin mensuel ne doit pas devenir hebdomadaire à l’approche des élections) et de l’ampleur habituelle (nombre de pages, volume de diffusion). Le budget consacré à ces supports doit également rester stable. Toute évolution inhabituelle dans ces éléments peut être perçue comme une tentative de valorisation électorale et entraîner une requalification en campagne de promotion publicitaire interdite.
La temporalité
La temporalité de la communication constitue le troisième critère déterminant. Pour entrer dans le champ d’application de l’article L.52-1 du code électoral, la publication ou l’événement concerné doit intervenir à compter du 1er septembre 2025.
Cela étant, toute communication réalisée durant la période préélectorale n’est pas automatiquement prohibée. La jurisprudence admet qu’une opération de communication institutionnelle puisse être maintenue durant la période préélectorale, à condition qu’elle réponde à certaines conditions.
Le critère de l’antériorité permet, en premier lieu, de justifier la diffusion d’une information. Lorsqu’il s’agit d’une publication régulière, celle-ci peut être autorisée si elle repose sur un engagement antérieur, constant et connu, et à condition qu’elle demeure dépourvue de toute connotation électorale.
À l’inverse, une publication ponctuelle ou exceptionnelle ne sera tolérée que si elle est objectivement justifiée par une nécessité de publication, fondée sur un intérêt local réel (par exemple, un besoin d'information immédiat, une date d’anniversaire, une urgence ou une situation exceptionnelle).
La temporalité de la communication doit, en définitive, demeurer raisonnable et proportionnée, au regard du calendrier électoral. Plus la date du scrutin approche, plus la marge de manœuvre des collectivités se réduit.
Dans ce contexte, les collectivités doivent faire preuve d’une prudence accrue, tant sur l’opportunité de communiquer que sur le contenu diffusé.
En cas de contentieux, le juge électoral apprécie l’impact concret de la communication en cause sur la sincérité du scrutin. Si l’opération est jugée de nature à avoir altéré l’équilibre du débat démocratique, notamment en cas de faible écart de voix, il peut aller jusqu’à prononcer l’annulation de l’élection .
Par ailleurs, en cas de méconnaissance des règles relatives au financement des campagnes, le juge peut adopter des sanctions spécifiques comme la réintégration des dépenses irrégulières dans le compte de campagne, l’inéligibilité, assortie, le cas échéant, de sanctions financières.
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