Bloc communal : en 2026, l’État renforce les contraintes et fragilise l’action locale
Lors du 107ème Congrès des maires, la Banque Postale et l’Association des maires de France (AMF) ont dressé un constat sans appel : le bloc communal reste le pilier de l’investissement public local, notamment dans la transition écologique, mais ses marges financières s’érodent dangereusement. Surcharges financières, normes coûteuses, gel des dotations : les communes et intercommunalités sont de nouveau sollicitées pour participer au redressement des comptes publics. Selon l’AMF, l’effort budgétaire demandé au bloc communal atteint 8,3 milliards d’euros en 2025, alors même que l’État lui confie davantage de missions prioritaires, notamment sociales et climatiques.
La facture n’a jamais été aussi lourde. Entre nouvelles mesures budgétaires, gels de crédits et hausse de cotisations imposées, les collectivités ont financé 7,7 milliards d’euros de charges supplémentaires, hors coût des normes, en 2025. Si l’on ajoute l’impact des obligations réglementaires votées au niveau national, la note grimpe à 8,3 milliards d’euros, soit près de 14 % de l’effort demandé par l’État pour redresser ses propres comptes. Dans le détail, un milliard d’euros a été prélevé sur les collectivités via le dispositif DILICO, et la hausse des cotisations CNRACL représente à elle seule 1,4 milliard d’euros. Le Fonds vert, pourtant dédié à la transition écologique, a été réduit de 57 %, passant de 2,5 à 1,08 milliard d’euros.
Des normes qui coûtent cher et qui s’accumulent
Outre ces ponctions, les communes doivent assumer le coût de nouvelles obligations réglementaires. En 2024, les textes examinés par l’État génèrent 3,293 milliards d’euros de dépenses brutes, pour seulement 2,7 milliards d’euros de recettes et économies, soit un coût net dépassant 565 millions d’euros pour 2025.
Depuis 2014, le coût net annuel moyen des normes est estimé à 1,05 milliard d’euros, sans compensation suffisante. L’AMF réclame donc un moratoire sur toute nouvelle réglementation coûteuse, jugeant ces injonctions « inadaptées aux réalités locales ».
Effet ciseaux : les charges explosent plus vite que les recettes
Selon l’étude, les budgets communaux subissent un effet ciseaux marqué. En 2025, les dépenses de fonctionnement augmentent de 5,3 %, tirées par les achats (+7,6 %) et les charges de personnel (+4,7 %)
La hausse des charges s’explique par trois facteurs majeurs :
• le coût des achats de services et d’énergie, dopé par un « panier de consommation » spécifique aux collectivités ;
• l’augmentation mécanique du point d’indice des fonctionnaires locaux ;
• la hausse des cotisations CNRACL votée par l’État.
Les recettes, elles, progressent moins vite (+5,1 %), malgré l’augmentation automatique des bases fiscales, ce qui limite l’autofinancement.
Investissement en hausse : un paradoxe fragile
Malgré ces tensions, les communes continuent d’investir. Les dépenses d’équipement augmentent de 7 % en 2025, dépassant l’inflation. L’emprunt progresse aussi (+7,4 %), mais l’AMF y voit un risque : si l’épargne brute se réduit, la capacité d’emprunter s’effondrera. Autrement dit, les collectivités investissent, mais sous contrainte, et au prix d’un affaiblissement de leurs marges futures.
2026 : un risque de récession locale
La perspective pour 2026 inquiète. Le DILICO 2 prévoit un prélèvement doublé, avec un mécanisme de reversement jugé « improbable » par l’AMF. Le gel de la DGF, qui ne compense ni l’inflation ni les charges imposées, affaiblira encore les ressources. Pour la première fois, l’association évoque des risques contreproductifs pour l’État lui-même : à force d’étrangler les budgets locaux, l’investissement public pourrait reculer et compromettre la croissance nationale.
Un modèle à bout de souffle ?
L’État attend des communes qu’elles accélèrent la transition écologique, améliorent la petite enfance, renforcent la sécurité du quotidien, et compensent l’affaiblissement des services publics nationaux. Mais les moyens suivent de moins en moins. L’AMF prévient : " on ne peut pas demander plus en donnant moins ".
Si les collectivités sont les premières à agir pour l’école, la mobilité, l’environnement ou les services de proximité, elles n’ont pas les outils budgétaires pour répondre durablement à ces injonctions.
La question n’est plus combien les communes vont-elles investir ? mais bien jusqu’à quand pourront-elles encore tenir ?