Santé-social : la fracture territoriale s’aggrave, les maires en première ligne

, mis à jour le 22/11/2025 à 12h19
Image
Éric Chenut, président de la Mutualité Française et des co-présidents Fréderic Chéreau, Claire Peigné, Daniel Cornalba, Daniel Fasquelle et Marylène Milet.

À l’occasion du Salon des maires, l’Association des maires de France et la Mutualité Française ont dévoilé la 3ᵉ édition de leur baromètre santé-social. Le constat, massif et sans emphase : le système de soins se fissure, les inégalités se creusent, et la santé mentale s’impose comme une urgence nationale. Elus et mutualistes appellent à une mobilisation collective – avant que le manque de médecins, la détresse psychique et la pression démographique ne deviennent irréversibles.

Partager sur

Le baromètre présenté lors du Congrès des maires ne cherche pas l’effet spectaculaire. Il se contente de chiffres. 65 % des Français ont déjà renoncé à des soins, soit trois points de plus en un an, pointe l’étude. Les causes reviennent comme un refrain : coûts, délais, distance. Des situations devenues courantes que commentent les élus : des habitants sans médecin traitant, des cabinets fermés, des urgences saturées. « Ce ne sont plus des exceptions, ce sont des territoires entiers » commente Éric Chenut, président de la Mutualité Française. Le baromètre le confirme : 87 % des Français vivent aujourd’hui dans des zones qualifiées de “déserts médicaux”. Même la Seine-Saint-Denis ou l’Essonne ont désormais moins de 100 médecins généralistes pour 100 000 habitants. À l’autre bout du spectre, les Hautes-Alpes ou Paris s’en tirent mieux, dessinant une France à plusieurs vitesses.

À côté des cartes, des graphiques rappellent aussi une permanence des inégalités environnementales : 40 000 décès par an liés à la pollution de l’air, quand la qualité de l’eau, elle, recule d’année en année. Une élue glisse en sortant : « Tout ça ne choque plus. C’est peut-être ça qui devient dangereux ».

La santé mentale explose, les moyens stagnent : « on ne peut pas soigner ce que l’on ne voit pas »
La nouveauté de ce baromètre porte un nom discret, presque tardif : la santé mentale. Un Français sur cinq est touché par des troubles psychiques chaque année, soit 13 millions de personnes. Chez les jeunes, le chiffre est encore plus élevé : 1 sur 4 présente des signes de dépression, et presque 4 sur 10 en outre-mer.

Mais que répondre à cette demande croissante quand 7 % des lits de psychiatrie restent fermés faute de personnel et que 40 % des établissements manquent de psychiatres ? « La santé mentale demande du temps, du lien, de la présence. Exactement ce qui manque aujourd’hui », résume un maire d’une petite ville qui peine à recruter un simple psychologue.
En réponse, les Mutualistes insistent sur les solutions locales : consultations de proximité, coopération avec les psychologues, prévention dans les collèges. « On ne peut pas soigner ce que l’on ne voit pas. La santé mentale doit sortir de l’ombre ».

Petite enfance, personnes âgées, handicap : une solidarité au bord de la rupture

Le volet social du baromètre complète le tableau. L’accueil de la petite enfance plafonne à 60,3 places pour 100 enfants, malgré des postes vacants par milliers. Les Ehpad, eux, continuent d’augmenter leurs tarifs, surtout dans le secteur lucratif, tandis que les structures d’accompagnement du handicap progressent trop lentement pour absorber les besoins. Un maire résume ce que beaucoup pensent : « On parle de santé comme si elle était découplée du social. Mais une mère isolée sans mode de garde, un patient sans médecin traitant, un soignant épuisé… tout est lié. »

C’est d’ailleurs le message final de l’étude : « Il est temps de transformer l’alerte en engagement collectif ». Car si les élus locaux innovent, si les mutuelles s’engagent, le document insiste : sans stratégie nationale, sans financements pérennes, le système restera grignoté par les fractures territoriales. 

Le bruit discret d’une urgence nationale

Pas de discours tonitruant, pas de colère affichée dans cette présentation. Plutôt un sentiment diffus, lourd, comme une évidence que tout le monde partage sans plus la contester : la santé, la solidarité, l’accompagnement des enfants ou des aînés ne vont pas mieux, et la résignation n’est plus possible.

 

Danièle Licata, rédactrice en chef Zepros Territorial, décrypte enjeux publics et collectivités. Forte de 20 ans en presse économique, elle rend accessibles les sujets complexes avec passion et engagement.
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire