Ce que prévoit la LOPMI pour les polices municipales

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Ce que prévoit la LOPMI pour les polices municipales

Texte de nature budgétaire, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur du 24 janvier 2023 (JO du 25 janvier) concerne surtout la question de la présence et des modalités d’action des forces de l’ordre nationales dans les territoires. En dépit de quelques mesures qui concernent les élus et les collectivités, elle néglige la question de la mise en œuvre de leurs pouvoirs de police au niveau communal et intercommunal. 
Par Thomas Chevandier, avocat au Cabinet Seban & Associés

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Comment le gouvernement entend-il renforcer la présence des effectifs sur le terrain ? 
La loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, dite LOPMI, est avant tout un texte à visée budgétaire. Il comporte donc une augmentation significative du budget du ministère de l’ordre de 15 Md€, couplée à un objectif de doublement des effectifs sur le terrain d’ici 2030. 
Concrètement, le ministère prévoit la mise en place de 200 nouvelles brigades de gendarmerie en zone rurale ou périurbaine, la réouverture des sous-préfectures dans les zones rurales et périurbaines. Il a également triplé les crédits dédiés au cofinancement des projets de vidéoprotection des communes. La départementalisation de la police judiciaire vient compléter ce train de mesures d’une réorganisation administrative.

L’exercice des compétences des agents municipaux est-il modifié ? 
Les agents de police municipale sont concernés par la modification de l’article 21 du Code de procédure pénale qui les rend compétents pour constater les contraventions d’outrage sexiste et sexuel, définies à l’article 621-1 du Code pénal. Les faits étant désormais constitutifs d’un délit en cas de circonstance aggravante, les agents sont également compétents pour constater l’infraction. 
C’est surtout l’extension du champ de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle qui concerne de nombreuses infractions de nature à relever de la compétence de la police municipale.

Quelles sont les infractions concernées par cette extension du champ de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle ? 
De nombreuses infractions dont le constat est de la compétence des agents de police municipale sont concernées par cette extension. Il en est ainsi de certaines infractions liées à la détention de chiens et notamment l’acquisition et de la cession des chiens d’attaque, de leur détention sans permis spécifique (articles L. 215-2 et suivants du Code rural).
Dans le prolongement, mais concernant seulement les gardes champêtres, les infractions de chasse irrégulière avec circonstances aggravantes ou récidive sont également concernées par la procédure d’amende forfaitaire délictuelle selon les dispositions de l’article L. 428-5 du Code de l’environnement. 
Les infractions en matière de transports sont également concernées. Parmi elles, notamment, le délit d’entrave à la circulation automobile (article L. 412-1 du Code de la route), les atteintes à la circulation des trains (dégradation d’installations ferroviaires, dépôt d’objets sur les lignes, circulation sur les voies, etc.), ou encore le transport routier en violation des règles au chronotachygraphe (article L. 3315-4 du Code des transports).

Y a-t-il une continuité avec la loi de sécurité globale du 25 mai 2021 ? 
Il est difficile de conclure à une cohérence entre les deux lois car elles sont de natures différentes. S’agissant des modalités de mise en œuvre des pouvoir de police, la loi du 25 mai 2021 comportait un ensemble de mesures qui facilitaient la mise en œuvre des pouvoirs de police municipale, au travers par exemple de la sécurisation des brigades cynophiles, des dispositions relatives à l’arrestation des véhicules béliers. 
Celles-ci trouvent un écho dans les dispositions relatives à l’extension de l’amende forfaitaire, en ce qu’elles ont une incidence sur l’activité des agents. C’est surtout la lecture du rapport annexé à la LOPMI qui rappelle l’esprit de la loi de sécurité globale.

En quoi le rapport annexe s’inscrit dans un contexte de « démunicipalisation » des polices municipales ? 
La loi de sécurité globale constituait déjà elle-même le prolongement du livre blanc sur la sécurité intérieure publié en novembre 2020 dont l’objectif affiché était de « recréer les conditions de la confiance entre la population et les forces de sécurité », « d’assurer la cohérence de l’ensemble des acteurs du continuum de la sécurité » et aussi de « conforter le rôle du maire et des polices municipales dans la sécurité du quotidien » (Livre blanc de la sécurité intérieure, 19 novembre 2021). 
C’est en se fondant sur les préconisations du livre blanc que le ministère de l’Intérieur entendait renforcer l’échelon intercommunal dans son rôle de mutualisation des moyens de police administrative. La loi du 25 mai 2021 de sécurité globale comportait des mesures comme la suppression du plafond de mutualisation des services de polices administratives (qui élargissait le champ d’application de ladite mutualisation tout en donnant plus de souplesse au dispositif) ou encore la possibilité de créer des syndicats intercommunaux en matière de police (sans qu’il soit nécessaire que ceux-ci respectent les frontières des EPCI). 
Tout cela accélérant ce que l’on peut qualifier de mouvement de fond de « démunicipalisation » des polices municipales, au bénéfice de l’échelon intercommunal. 

Ce mouvement est-il motivé par la volonté de rendre concrète la notion de continuum de sécurité ?
Si la LOPMI ne crée pas du droit positif sur les questions liées à la réorganisation des services de police municipale, elle aborde le continuum de sécurité dans le rapport annexé à la loi. 
Celui-ci précise qu’il conviendra de « mieux structurer les partenariats » (rapport annexé à la LOPMI), en créant une nouvelle direction des « partenariats chargée de l’animation du continuum de sécurité » dont la vocation sera de multiplier les conventionnements, notamment « les contrats de sécurité intégrés qui constituent un cadre de pilotage important des politiques de sécurité pour les maires, les préfets et les procureurs de la République ».
Le rapport annexé s’inscrit donc en cohérence avec ce mouvement d’intégration de la police municipale au sein d’ensembles plus larges, que ce soit via la mutualisation, la création de syndicats intercommunaux ou les futurs « partenariats d’animation du continuum de sécurité », dont les contours restent pour le moins flous.

En quoi consiste le durcissement des sanctions visant les auteurs de violences contre des élus ? 
Aux termes de la loi, désormais, les auteurs de faits de violences commises contre tout « titulaire d’un mandat électif public » sont passibles des peines prévues à l’article 222-14-5 du Code pénal. Soit cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas d’incapacité temporaire de travail (ITT) inférieure à huit jours, et sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende en cas d’ITT supérieure à huit jours. 
La conséquence de ces dispositions est que, désormais, les atteintes aux élus sont sanctionnées comme celles visant les agressions contre les autres titulaires de l’autorité publique, ce qui est parfaitement logique. 

La censure partielle du Conseil constitutionnel a-t-elle une incidence pour les collectivités ? 
L’extension significative des amendes forfaitaires a été portée par les parlementaires signataires du recours au contrôle du Conseil constitutionnel, au motif qu’elle méconnaissait les principes d’individualisation des peines et d’égalité devant la loi. Le juge constitutionnel a rejeté ce moyen, estimant que les exigences liées à la bonne administration de la justice et à la répression effective des infractions justifiaient l’extension d’une telle procédure, dès lors qu’elle portait sur des délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure à trois ans et dont les éléments constitutifs peuvent être facilement constatés, ce qui est le cas en l’espèce.

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