Les finances locales touchées de plein fouet par l’inflation

Philippe Pottiée-Sperry
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Les finances locales touchées de plein fouet par l’inflation

Selon la note de conjoncture de La Banque Postale, la forte inflation engendre le retour d’un effet ciseaux, les dépenses de fonctionnement des collectivités progressant plus vite que les recettes. Les communes sont les premières touchées par les conséquences de la flambée énergétique.

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En 2021, les collectivités locales ont reconstitué leurs marges de manœuvre financières mises à mal par la crise sanitaire. Dressant ce constat, la note de conjoncture sur les finances locales de La Banque Postale, publiée le 21 septembre, observe une épargne brute (différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement) qui dépasse son niveau de 2019 et un niveau d’investissement quasiment similaire à celui de 2019. 
Les réformes fiscales (suppression de la taxe d’habitation et diminution des impôts de production) ont été intégrées et l’endettement est resté soutenable. Mais l’embellie aura été de courte durée. « Les collectivités avaient toutes les cartes en main pour un exercice 2022 centré sur la réouverture et le développement des services publics, et la prise en compte des enjeux de transition écologique. Mais l’inflation a rebattu les cartes », analyse La Banque Postale. 

Nouvelles tensions sur l’épargne et les investissements 
Dans le contexte d’une inflation très élevée, c’est le retour de l’effet de ciseau cette année avec des dépenses de fonctionnement plus dynamiques que les recettes. En effet, ces dépenses (213,5 Md€) progresseraient de 4,9 % en 2022, selon La Banque Postale. Elles connaîtraient ainsi « leur plus fort taux d’évolution depuis près de quinze ans ». 
Plusieurs explications à cette situation. Tout d’abord les charges à caractère général (54,1 Md€ : achats, contrats de prestations de services…) sont en hausse de 11,6 %, laquelle est surtout due à l’explosion des prix de l’énergie, soit le double du montant prévu d’inflation (+ 5,8 %). L’autre explication réside dans l’augmentation de 4,1 % des frais de personnel (75,2 Md€). Ici différentes mesures gouvernementales de revalorisations salariales alourdissent ce poste, en particulier la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % au 1er juillet dernier. S’y ajoutent la revalorisation des carrières et des rémunérations des agents de catégorie C, l’alignement du traitement minimum sur le Smic, l’amélioration du début de carrière des agents de catégorie B ou encore la reconduction de la garantie individuelle de pouvoir d’achat (Gipa). 

Les communes très touchées par le choc énergétique
Si les dépenses énergétiques ne constituent pas le poste le plus important de la dépense locale (4,4 Md€ en 2021, soit 2,2 % des dépenses de fonctionnement), elles représentent néanmoins les hausses les plus emblématiques. L’indice des prix à l’énergie défini par l’Insee (électricité, gaz et autres combustibles) a enregistré en juillet 2022 par rapport à juillet 2021 une hausse de 26,5 % ! 
Par niveau de collectivités, les dépenses énergétiques varient en moyenne de 2 € par habitant pour les régions à 44 € par habitant pour les communes, niveau qui délivre le plus de services publics en direct et gère le plus d’équipements de proximité. Ce sont les communes de 3500 à 30 000 habitants qui supportent en moyenne le plus de dépenses d’énergie (car les plus exposées aux charges de centralité) : 48 € par habitant contre 38 € pour celles de plus de 100 000 habitants et 43 € pour les communes de moins de 500 habitants.
Dans le détail, les services généraux des collectivités représentent la plus grande partie des dépenses énergétiques avec 31 % et reflètent l’importance des bâtiments administratifs. Pour les fonctions plus ciblées, les secteurs de la culture, le sport et la jeunesse représentent à eux trois 18 % des dépenses, suivis par l’enseignement 17 % (dont 9 % pour celui du premier degré), l’environnement (7 %) et l’éclairage public (13 %).

L’épargne brute en repli de 4,4 %
En parallèle, les recettes de fonctionnement (256,6 Md€) progresseraient cette année de 3,2 %, indique La Banque Poste. Elles seraient soutenues par des impôts (166,3 Md€) dynamiques grâce à une revalorisation des valeurs locatives de 3,4 %, une légère augmentation de la pression fiscale sur le foncier bâti comme une TVA en hausse de 9 %.
Selon la note de conjoncture, l’épargne brute des collectivités (43,1 Md€) serait donc en repli de 4,4 %. Cette baisse serait surtout visible pour les communes qui absorberaient le plus directement les hausses de prix en raison du poids important de leurs achats et des frais de personnel.

Forte hausse des investissements
Quant aux dépenses d’investissement (69,6 Md€), elles poursuivraient leur croissance au même rythme que 2021 (+ 6,9 %) mais pour des volumes inférieurs compte tenu d’un effet prix élevé. La hausse des coûts intégrée dans les clauses de révision des contrats mais également les problèmes d’approvisionnement en matières premières rencontrés par les entreprises du BTP viendraient limiter la mise œuvre des programmes d’investissement, en les décalant ou en les redimensionnant.
Pour financer ces investissements, le recours à l’emprunt serait à nouveau en hausse (+ 3,7 %) et atteindrait 21,5 Md€, principalement porté par les régions. Compte tenu de niveaux de remboursements plus faibles, l’encours de dette progresserait de 1,6 % et s’élèverait en fin d’année à 203,7 Md€.

« Des impacts durables »
En conclusion de sa note de conjoncture, La Banque Postale prévoit « des impacts durables » de la situation actuelle sur les finances des collectivités. Et d’affirmer : « après 2022, les contraintes précitées et leurs conséquences risquent de perdurer, quoique de façon atténuée, au cours des prochaines années ».

Philippe Pottiée-Sperry
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