Quel devenir pour les zones de revitalisation rurale ?
S’achevant fin 2023, le dispositif des ZRR a fait ses preuves pour les territoires ruraux les plus fragiles. Deux propositions de loi, déposées au Sénat, plaident pour le prolonger, le simplifier et l’améliorer. De son côté, le gouvernement doit faire des annonces d’ici fin juin.
Le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) vise à soutenir le développement des communes rurales reconnues fragiles économiquement. Les petites entreprises s’y implantant bénéficient ainsi d’exonérations de charges fiscales et sociales, s’élevant à 386 M€ en 2022. Créé par la loi « LOADT » du 4 février 1995, le dispositif, déjà reporté à plusieurs reprises, concerne aujourd’hui 17 700 communes.
Selon Jean-François Longeot (UC, Doubs), président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, « les ZRR doivent redevenir le fer de lance de la politique publique d’accompagnement des territoires ruraux. La ruralité a de l’avenir à condition qu’on lui en donne les moyens ! ».
Un dispositif utile mais à réviser
Malgré la fin du dispositif, le 31 décembre 2023, qui s’approche à grands pas et la présentation de nombreux rapports sur le sujet depuis plusieurs années, et en particulier ces derniers mois, le dossier reste encore en stand-by. Pour mettre la pression sur le gouvernement, les initiatives sénatoriales se multiplient. Leur constat est le même sur l’utilité du dispositif et le besoin de le réviser.
Issue d’un rapport d’information du Sénat, publié en janvier dernier, la proposition de loi (PPL) déposée par Rémy Pointereau, sénateur (LR) du Cher, co-signée par Jean-François Longeot et plus de 80 de leurs collègues, vise à « rendre le zonage plus juste et mieux ciblé ». « Au fil des années et des prorogations successives, le zonage retenu a perdu de son efficacité car il ne cible plus de façon pertinente et équitable les territoires les plus fragiles », estime le texte qui pointe également « les nombreuses imperfections » du maillage actuel.
Durée de dix ans
Voulant « pérenniser et réformer les ZRR », l’autre PPL émane des sénateurs Bernard Delcros (UC, Cantal), également président du Parlement rural, et Frédérique Espagnac (PS, Pyrénées-Atlantiques), en s’appuyant sur les conclusions de leur rapport remis à l’ancien Premier ministre Jean Castex en mars 2022. Objectif affiché : « appliquer les critères au plus près du terrain, sauver et renforcer ce dispositif essentiel pour la dynamique rurale ». Le texte propose une durée de dix ans pour le dispositif qui irait jusqu'à fin 2034.
Une série de critères secondaires
Jusqu’alors, le classement se faisait sur deux critères que sont la densité démographique et le revenu fiscal par habitant. La PPL Pointereau plaide pour un éventail plus large afin d’éviter des effets de seuil : un critère principal, la densité démographique, et trois autres parmi un panachage de huit critères « secondaires » mesurant le niveau de vie et le cadre de vie. Dans le détail : taux de chômage, déclin démographique, âge médian, services accessibles aux habitants, taux de vacance des logements, accès aux soins, part d’agriculteurs, d’artisans et commerçants, contraintes spécifiques aux communes de montagne. « Ces critères nouveaux et plus nombreux permettraient de « mieux cerner les fragilités des territoires ruraux », estime la PPL Pointereau. Concrètement, si trois critères secondaires sont remplis, la commune pourrait alors être classée ZRR.
Pour sa part, la PPL Delcros-Espagnac propose de conserver les deux critères jusqu’alors utilisés, mais en intégrant au classement les communes ultramarines répondant aux critères de classement. S’y ajouteraient aussi toutes les communes de département dont la densité est inférieure à 35 habitants par km2 et dont la population est en baisse de plus de 4 % sur la période 1999-2019, à l’exception des communes de plus de 30 000 habitants. En outre, les communes de montagne continueraient d’en bénéficier jusqu'à fin 2034.
Retour à l'échelle communale
Les deux textes sénatoriaux proposent de revenir à l'échelle communale. « Les élus locaux consultés en ligne adhèrent fortement à l’abandon de la maille intercommunale et à l’augmentation du nombre de critères », argumente Rémy Pointereau. En ajoutant qu’il s’agit aussi des demandes de l’AMF et de l’AMRF. Selon le sénateur du Cher, l’application des critères actuels à l'échelle intercommunale créée « des effets de seuils qui pénalisent les communes, parfois légèrement au-dessus des seuils, mais proches de l'un ou l'autre de ces critères ». A noter que le rapport Delcros-Espagnac de mars 2022 pointait aussi « des conséquences particulièrement négatives » en citant le cas de grandes intercommunalités exclues des ZRR malgré la présence en leur sein d’espaces très ruraux.
Mais la bataille n’est pas encore gagnée sachant que Dominique Faure, ministre délégué chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, a évoqué, lors de l’assemblée générale de l’ANPP (Association nationale des pays et PETR), le 3 mai, une nouvelle géographie qui prendrait comme maille le niveau intercommunal.
Création de ZRR+
La PPL Pointereau propose également de répartir les communes classées en ZRR en trois niveaux, afin d’assurer un niveau d’exonérations adapté aux différents degrés de fragilité.
Cela amènerait à classer au moins 24 000 communes en ZRR, soit 6000 de plus que dans le dispositif actuel. Elle défend la création d'un zonage renforcé (ZRR+) pour les communes classées en ZRR les plus défavorisées. Une préconisation partagée par la PPL Delcros-Espagnac, mais avec seulement deux niveaux de ZRR. Selon les deux sénateurs, la ZRR+ nécessiterait « des dynamiques défavorables » sur au moins dix ans, appréciées sur le revenu par habitant, la population communale et le potentiel fiscal rapporté à la moyenne nationale.
Pour Rémy Pointereau, « il est urgent d’agir pour réformer ce zonage à bout de souffle auquel les élus sont attachés. Les critères de classement en ZRR, plus nombreux, permettront de prendre en compte la ruralité dans toutes ses dimensions ». En estimant que c’est aux politiques publiques de s’adapter à cette diversité.
Majoration de la DSR
Enfin, la PPL Pointereau suggère l'automaticité de l'accès aux aides pour tous les bénéficiaires, jugée « inévitable » pour limiter le non-recours à des exonérations encore trop souvent méconnues. Pour sa part, la PPL Delcros-Espagnac propose une majoration de la DSR (dotation de solidarité rurale) et la création d'un fonds à l'investissement pour le maintien des commerces.