Ouverture d’un nouveau chantier de décentralisation
Les associations d’élus ont été reçues, le 13 mars, à l’Elysée par Emmanuel Macron. Objectif : engager un nouveau chantier de décentralisation avec plus de clarté dans les compétences exercées et plus de responsabilités pour les collectivités. Deux autres réunions sont prévues d’ici cet été.
Une fois passée la réforme des retraites, Emmanuel Macron veut engager celle des institutions. Pour son volet territorial, il a reçu les présidents de sept associations nationales d’élus locaux, le 13 mars, à l’Elysée. Sauf l’AMF car David Lisnard ne pouvait pas être présent personnellement et l’Elysée a refusé qu’il soit représenté par son vice-président. Pas vraiment du goût de l’association !
Objectif de cette première réunion de méthode : tracer les grandes lignes de ce que pourrait être un nouvel acte de décentralisation.
Plus de clarté et de responsabilités
Le chef de l’Etat a exposé ses attentes pour cette réforme : plus de clarté dans les compétences exercées, plus de responsabilités données aux collectivités, c’est-à-dire davantage de moyens juridiques et financiers associés aux compétences transférées, plus de proximité dans l’élaboration des solutions mieux adaptées. Les compétences concernées sont le logement, les transports, l’éducation et la formation ou encore l’accès à l’eau. Le sujet de la santé a également été abordé à l’Elysée afin de mieux lutter contre les déserts médicaux. Autre sujet sur la table : la mise en œuvre du principe de différenciation.
La démarche est plutôt appréciée des élus locaux d’autant que le sujet polémique du redécoupage des grandes régions n’a pas été abordé. Gil Avérous, maire de Châteauroux et président de Villes de France, salue ainsi « une démarche d’ouverture et de dialogue ». A l’instar des autres associations, il ne souhaite pas « un grand boom territorial mais un partage plus clair des compétences entre collectivités et État, plus de lisibilité et une visibilité financière pluriannuelle ».
Deux autres réunions dans le même format doivent se tenir d’ici cet été, en présence également de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et du président du Sénat, Gérard Larcher. A cela s’ajoute la mise en place d’un groupe de travail technique.
Renforcer le pouvoir règlementaire
Satisfaite, Carole Delga, présidente de la région Occitanie et de Régions de France, salue « un rendez-vous qui a permis un échange franc sur les difficultés des Français et constructif sur les solutions à apporter ». Selon elle, « l’objectif est de clarifier le rôle de chacun et de confier pleinement aux collectivités les moyens d’action dans leurs compétences. Il s’agira de renforcer le pouvoir règlementaire des collectivités dans les domaines qui leur sont transférés et de s’inspirer du modèle allemand pour apporter davantage d’autonomie financière avec garantie constitutionnelle ». Carole Delga a aussi insisté sur la nécessité d’une plus grande différenciation, notamment pour renforcer le pouvoir d’agir de la Corse et des Outre-Mer.
Pour sa part, François Sauvadet, président de Départements de France, juge « positif que les problèmes soient sur la table. Il y a une véritable volonté de trouver des points de convergence entre les différents niveaux de collectivités. Mais il y a encore de nombreux sujets en suspens ». Et d’ajouter : « Nous ne demandons ni un grand ‘big bang territorial’, ni un conseiller territorial mais une République des solutions ! ».
Autonomie fiscale et visibilité financière
Au registre financier, Johanna Rolland, maire de Nantes, présidente de Nantes Métropole et de France urbaine, insiste sur « la nécessité de l’autonomie fiscale et de la visibilité financières dans la durée ». « Un impératif, selon elle, pour répondre au défi de la transition écologique ». « Le président parle d’autonomie financière. C’est d’autonomie fiscale dont nous avons besoin », insiste également François Sauvadet, le président de Départements de France et de la Côte d'Or.
Bien qu’absente lors de la réunion, l’AMF a publié un long communiqué à son issue en affirmant que « la libre administration des collectivités implique en premier lieu de garantir leur autonomie financière et fiscale ». Elle demande un pacte financier État-collectivités et une loi de finances spécifique aux collectivités, mais aussi « une refonte d’ampleur de la fiscalité locale ». Celle-ci passerait par un impôt principal par niveau de collectivité, une réforme du système des dotations avec une dotation unique d’investissement libre d’affectation ou une DGF rénovée pour plus de lisibilité et de péréquation verticale.
Renforcer les pouvoirs des préfets
L’AMF poursuit en plaidant aussi pour le transfert d’une partie du pouvoir normatif de l’échelon national au local, « et pour que les maires aient un pouvoir de décision sur toutes les politiques affectant leur commune : nombre de classes, services hospitaliers, logement, gestion de l’eau… ». S’y ajoute une nouvelle attaque contre l’intercommunalité en prônant « une intercommunalité choisie plutôt qu’une approche rigide et tutélaire », passant notamment par une libre répartition des compétences ou par la généralisation du recours à la notion d’intérêt communautaire. Enfin, l’AMF appelle à une déconcentration accrue des services de l’Etat avec un renforcement des pouvoirs et de l’autorité des préfets de département sur les directions régionales et sur l’intégralité des services de l’Etat dans le département.
Sur la même ligne, Gil Avérous défend « un État stratège aux côtés de collectivités fortes » en insistant aussi sur l'importance du couple maire/préfet, « le plus à même d'incarner l'efficacité territoriale, ce qui suppose de renforcer les pouvoirs des préfets ».
Eviter l’opposition entre les territoires
La présidente de France urbaine insiste sur la nécessité de « permettre une décentralisation adaptée à la réalité de chaque territoire et sur le principe de différenciation ». L’association appelle au confortement des délégations déjà existantes et reconnues aux intercommunalités cheffes de file des politiques de l'habitat, à la gestion de tout ou partie des crédits MaPrimeRénov’ et du Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (SARE) aux intercos, notamment sur le modèle de la délégation des aides à la pierre.
Enfin, Johanna Rolland prévient d'une opposition entre les territoires. « Dans un pays fragmenté, une réforme des institutions ne sera efficace et comprise que si elle permet de rassembler et de recoudre le lien social », précise-t-elle en soulignant la nécessaire alliance entre territoires urbains, péri-urbains et ruraux.
« La France des bassins de vie »
Pour sa part, Intercommunalités de France a défendu une nouvelle fois le modèle d’« une France des bassins de vie, basée sur les projets de territoire, et qui doit trouver dans l’État un partenaire l’accompagnant dans la durée ». L’association estime que cette approche est la « seule capable de répondre à la crise démocratique que traverse le pays ».
Autre demande : la mise en place d’un contrat Etat-territoires. « À l’image des contrats de plan Etat-région, la Première ministre doit pouvoir adresser à chaque préfet de département des lettres de cadrage précisant les moyens que plusieurs ministères devront déconcentrer auprès du bloc communal et qui permettront ensuite d’accompagner les territoires sur la durée », a déclaré Sébastien Martin lors de la rencontre à l’Elysée. Intercommunalités de France continue de demander la décentralisation de la politique de l’habitat ou le renforcement du pouvoir réglementaire local.
Transformer les intercos en collectivités ?
Au registre institutionnel, Sébastien Martin a rappelé la proposition de son association d’étendre le mode de scrutin de liste et du fléchage aux communes de moins de 1000 habitants aux élections municipales et intercommunales. Objectif : renforcer la parité dans les conseils et permettre aux habitants des communes rurales d’élire directement leurs conseillers intercommunaux. Enfin, il a évoqué le débat ouvert par Intercommunalités de France sur la transformation des intercos en collectivités territoriales. Pas vraiment un sujet consensuel chez les associations de maires, en particulier l’AMF.