Modifier et prolonger les autorisations d’occupation du domaine public

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Autorisations d’occupation du domaine public

Fiche juridique réalisée par Astrid Boullault, avocate au cabinet Seban & Associés.

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La modification des autorisations d’occupation soumises à mesures de publicité et de sélection préalables en cours d’exécution peut-elle poser problème ?

Dès lors qu’un titre d’occupation permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public « en vue d'une exploitation économique », il doit faire l’objet en principe de mesures de publicité et de sélection préalables « présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester » (article L2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques - CGPPP).
Or, s’il était possible de modifier en cours d’exécution, sans aucune limite, un titre qui permet une activité économique, cela pourrait revenir à contourner cette règle de sélection préalable. Au lieu d’accorder un nouveau titre qui pourrait intéresser plusieurs opérateurs, les parties au contrat déjà existant pourraient s’entendre par avenant pour inclure de nouvelles dépendances dans un titre en augmentant son périmètre, pour prolonger indéfiniment un titre en cours, pour permettre à l’occupant de réaliser des investissements destinés à rendre son activité plus rentable encore.
 

Que prévoient les textes concernant cette modification ?

Alors qu’il institue une procédure de publicité et de sélection préalable pour les titres d’occupation à « objet économique », le CGPPP reste en revanche muet sur les conditions pour modifier ces titres, en cours d’exécution (sauf incidemment pour la prolongation, infra), à l’inverse des contrats de la commande publique. Pour autant, il serait absurde de penser qu’il n’est alors pas possible de modifier de tels contrats. Outre que cela rendrait impossible la gestion des propriétés publiques, cela soumettrait les autorisations d’occupation du domaine public à un régime nettement plus fermé que celui qui encadre les contrats de la commande publique. Or ce n’est pas l’esprit de la directive « Services » à l’origine de l’obligation de sélection préalable, ni de l’ordonnance du 19 avril 2017 qui l’a transposée, laquelle donne nettement plus de marge de manœuvre aux personnes publiques. 
 

Faut-il s’aligner sur les contrats de la commande publique ?

Non. Aucun texte ni aucune décision ne l’impose. Toutefois, on peut penser que, pour être régulière, la modification du titre d’occupation devra être compatible avec les « garanties de transparence et d'impartialité » propres à l’obligation de publicité et de sélection préalable. Elle ne devra pas faire obstacle à la mise en concurrence périodique du titre d’occupation, et ne devra pas conduire à modifier substantiellement les conditions de la mise en concurrence initiale. Faute de texte, il n’est alors pas interdit de raisonner par analogie avec ce qu’il advient en matière de commande publique, et en particulier avec les règles applicables à la modification des contrats de concession en cours d’exécution, sans pour autant assurer une stricte transposition de ces règles.
 

Peut-on inclure, dans l’autorisation, une clause qui permet sa modification ultérieure ? 

Bien sûr, et c’est même une façon de sécuriser les modifications ultérieures. Toutefois, pour permettre de modifier régulièrement le contrat par la suite, il faut que la clause soit suffisamment claire et précise. Elle doit exposer en détail le principe de son application, ses modalités de mise en œuvre et les conséquences qu’elle emporte, si bien que ces considérations ne puissent pas s’offrir à la discussion et qu’elles renferment une certaine part d’automaticité. Par exemple, une clause générale de discussion déclenchée par une liste quasi illimitée d’évènements (de nature légale, juridique, réglementaire, économique, monétaire, technique, commerciale...), et laissant un champ des possibles considérable aux parties ne pourrait pas sans risque autoriser les modifications ultérieures du contrat.
 

Si l’exploitation domaniale par un occupant est une réussite, peut-on étendre le périmètre de son autorisation pour valoriser davantage le domaine ?

C’est sans doute affaire de mesure, s’il n’existe pas de clause à ce sujet. S’il s’agit de doubler, par voie d’avenant, le périmètre des dépendances mises à disposition de l’occupant, en lui confiant des terrains supplémentaires pouvant intéresser d’autres opérateurs, la modification suscitera clairement la réserve. En revanche, si le périmètre de l’autorisation actuelle jouxte une petite parcelle enclavée, inexploitée et ne pouvant pas être exploitée autrement que par le titulaire de la convention actuelle, il sera sans doute possible d’inclure cette petite parcelle dans le périmètre de la convention existante. Mais cette inclusion ne doit pas permettre un changement substantiel des conditions économiques de l’occupation, au point que si cette parcelle avait été incluse dès l’origine dans le périmètre de l’autorisation, elle aurait alors pu intéresser d’autres opérateurs.   
 

Peut-on modifier une autorisation suite à un événement non prévu ayant des incidences sur l’exécution de l’autorisation ? 

Il est raisonnable de penser que oui, tant par analogie avec ce qu’il advient en matière de commande publique, qu’en application des principes généraux applicables aux contrats administratifs qui reconnaissent par exemple les situations de force majeure, d’imprévision ou de circonstances imprévues. Pour être régulière, la modification devra toutefois être rendue nécessaire par l’évènement considéré. Il s’agira uniquement de « réparer » les conséquences de ces circonstances imprévues et non pas de modifier en profondeur l’équilibre initial de l’autorisation, et incidemment conclure un nouveau contrat, sans procédure préalable.

L’occupant souhaite réaliser de nouveaux investissements : peut-on prolonger la durée la convention afin qu’il puisse les amortir ?

L’article L. 2122-1-2 du CGPP, qui renvoie à l’article L. 2122-2, pourrait le laisser penser au premier regard. Mais en réalité, cela dépendra sans doute des circonstances qui impliquent les investissements concernés. Si ceux-ci sont rendus nécessaires par des circonstances imprévues (une tempête qui détruit une partie d’un restaurant de plage, une loi qui impose de nouvelles normes techniques nécessitant des investissements significatifs…), il devrait être possible de prolonger l’autorisation dans la stricte limite de la durée nécessaire pour amortir les nouveaux investissements. En revanche, s’il s’agit, pour l’occupant, de procéder à de nouveaux investissements pour exploiter la dépendance au-delà de ce qui avait initialement été convenu entre les parties et pour améliorer la rentabilité escomptée, il n’est pas sûr du tout qu’il soit alors possible de prolonger la durée du contrat en conséquence. Des investissements nouveaux, en particulier lorsque l’autorisation approche de son terme, pourraient constituer un détournement des règles de publicité et de sélection préalable, ayant pour effet de contourner à l’infini le terme de l’autorisation initiale, et donc d’échapper à ces règles.

Quand l’attribution d’une nouvelle autorisation prend plus de temps que prévu, peut-on prolonger l’autorisation actuelle ?

Oui. L’article L. 2122-1-2 du CGPP prévoit que la procédure de publicité et de sélection n’est pas applicable « lorsque le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que (…) cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d'un point de vue économique, des relations entre l'occupant et l'autorité compétente ». Il s’agit là essentiellement d’un dispositif de secours qui permettra, à approche du terme de la convention initiale, de prolonger sa durée pour assurer le « tuilage » entre la convention initiale et l’attribution d’une nouvelle concession. 
 

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