Ordonnance sur le trait de côte : l’AMF et l’ANEL saisissent le Conseil d’Etat
Attendus depuis longtemps par les communes littorales, les outils et ressources pour s’adapter à l’érosion côtière ne sont pas au rendez-vous, dénoncent les deux associations d’élus. En ligne de mire également : l’absence de sécurité juridique et un transfert de charges masqué contenues, selon elles, dans l'ordonnance.
Prévue par la loi « Climat » du 22 août 2021, l’ordonnance du 6 avril dernier relative à l’« aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte » ne passe pas. Elle s’applique à 126 communes retenues dans le décret du 29 avril 2022. Très remontées, l’AMF et l’ANEL (Association nationale des élus du littoral) estiment qu’elles ont été « consultées à la hâte et sans véritable information sur le diagnostic de leur exposition à l’érosion littorale, sur les servitudes d’inconstructibilité auxquelles elles seront soumises et sur le financement futur des mesures ».
Absence de sécurité juridique
Les deux associations d’élus regrettent qu’un texte d’une telle importance ait été adopté dans l’urgence, sans consultation du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), sans véritable concertation avec le grand public ni les élus, et contre l’avis défavorable du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).
Affirmant que les communes littorales attendent depuis longtemps les outils et ressources nécessaires à l’adaptation à l’érosion côtière afin d’éviter les situations juridiques et humaines inextricables, l’AMF et l’ANEL estiment que ceux proposés par l’ordonnance « ne répondent pas à cette attente, ni du point de vue de la sécurité juridique, ni sur celui de la garantie des ressources ».
« Un transfert de charges masqué vers les communes »
Le choix de passer par une ordonnance « n’a pas permis d’éclairer ces dispositions par le débat parlementaire » et, de surcroit, elle s’écarte du cadre de la loi « Climat », « notamment dans l’absence de prise en compte des ouvrages de protection ou l’omission des mesures d’accompagnement en cas d’expropriation ». Les deux associations d’élus enfoncent le clou en estimant qu’elle crée « une rupture d’égalité entre les citoyens » mais aussi « un transfert de charges masqué de l’Etat vers les communes, sans les ressources financières dédiées, alors que l’impact financier de l’érosion du littoral est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros ».
Limiter les futurs contentieux
Résultat : l’AMF et l’ANEL ont annoncé, le 19 mai, qu’elles avaient saisi le Conseil d’Etat pour l’interroger sur le bien-fondé de ce texte et garantir la sécurité juridique de l’ensemble du dispositif. « Il s’agit de limiter les futurs contentieux ainsi que de préciser les nombreuses zones d’ombre qui pèsent sur un texte qui conditionnera l’action des collectivités et des différents opérateurs intervenant en matière d’aménagement des littoraux », expliquent-elles.
Elles demandent que ces questions soient clarifiées pour éviter, demain, de bloquer l’adaptation des territoires littoraux exposés à l’érosion et de grever l’action des collectivités.