Accord trouvé entre parlementaires pour assouplir le ZAN

Philippe Pottiée-Sperry
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Accord trouvé entre parlementaires pour assouplir le ZAN

Le Sénat a gagné la bataille dans le compromis trouvé en commission mixte paritaire sur la proposition de loi ZAN (zéro artificialisation nette). Notamment s'agissant du dispositif de la garantie rurale qui concernera finalement toutes les communes et non juste une partie d’entre elles, comme l’avaient vivement dénoncé les maires ruraux.

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Après de cinq heures de débats parfois difficiles, députés et sénateurs sont parvenus à un accord, le 6 juillet, lors de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN). Ce texte, adopté par le Sénat le 16 mars et l’Assemblée nationale le 27 juin, donne aux élus locaux de nombreux outils pour faire face aux objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Il doit à présent être voté par les deux chambres (vote simplement formel après la CMP) avec donc une adoption définitive probable pour la mi-juillet. 
« Nous avons su surmonter nos profondes divergences pour élaborer un texte qui réponde concrètement aux difficultés et blocages qui nous sont remontés des élus et des acteurs du ZAN, salue Valérie Létard, sénatrice (UDI) du Nord et présidente de la commission spéciale sur le texte sénatorial. Nous préservons les capacités de développement des territoires, sans rien sacrifier de nos ambitions écologiques ».
 
Trois impératifs fixés par les sénateurs
Face aux inquiétudes et aux blocages dans les territoires, trois impératifs étaient « incontournables » selon les sénateurs : accélérer l’implantation des projets concourant à la transition écologique ; préserver le rôle central de la région et des autres collectivités dans la mise en œuvre des objectifs de sobriété foncière, car « elles seront les premières concernées », soulignent-ils ; permettre un « droit au projet » via une garantie de développement territorial minimal d’un hectare pour l’ensemble des communes (dispositif de la garantie rurale).
« Nous redonnons de l’air aux élus locaux, estime Jean-Baptiste Blanc, sénateur (LR) du Vaucluse et rapporteur du texte au Sénat. C’est essentiel pour garantir l’acceptabilité de cette révolution silencieuse, condition essentielle pour sa mise en œuvre apaisée ».

« Une immense avancée »
Sur ces points jugés « essentiels », le Sénat a obtenu gain de cause. Pour ne pas grever les capacités de développement des régions qui accueillent des « grands projets », leur artificialisation ne leur sera finalement pas imputée. Elle sera mutualisée entre l’ensemble des régions métropolitaines dans la limite de 10 000 hectares, le surcroît étant exclu du décompte national. 
« C’est une immense avancée qui facilitera la réindustrialisation, mais aussi le développement d’infrastructures favorables à la décarbonation, cohérente avec la position prise par le Sénat à l’occasion des derniers textes de loi sur l’accélération du nucléaire ou sur l’industrie verte », se réjouissent les sénateurs. 

Création de la conférence du ZAN
Concernant la gouvernance, une nouvelle instance régionale de concertation, la conférence du ZAN, sera bien créée. Elle rassemblera les élus locaux et régionaux compétents en matière d’urbanisme et de planification autour de tous les enjeux de lutte contre l’artificialisation. Elle aura un rôle important pour assister l’exécutif régional. 
Conformément à sa compétence en matière d’aménagement du territoire, le rôle de la région sur la qualification des grands projets est préservé. En particulier, une commission régionale de conciliation prendra en compte les priorités de développement local.

La garantie rurale applicable à toutes les communes
La garantie rurale, créée par la proposition de loi sénatoriale initiale, qui consiste à attribuer un hectare de surface artificialisable aux communes rurales, au sens des territoires denses ou peu denses définis par l’Insee, d’ici 2031, sera finalement applicable à l’ensemble des communes, sans condition de densité. Là aussi les députés ont reculé. Ils avaient limité la garantie rurale aux communes dotées d’un PLU, d’un document en tenant lieu ou d’une carte communale. Ce qui excluait 10 000 communes soumises au RNU (règlement national d’urbanisme), suscitant les foudres de l’AMRF (Association des maires ruraux de France).

Droit de préemption urbain élargi 
Enfin, dans l’attente de la modification des documents d’urbanisme, le texte confère aux maires des outils pour ne pas obérer l’atteinte des objectifs de la loi « Climat » : comptabilisation en net de l’artificialisation dès la première période décennale 2021-2031, droit de préemption urbain élargi, notamment aux fins de renaturation, sursis à statuer lorsqu’un projet pourrait mettre en péril l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation à l’horizon 2031… De plus, les maires disposent de six mois supplémentaires pour inscrire ces objectifs.

Promesses du gouvernement
Parallèlement au volet parlementaire, le gouvernement s’est engagé à adopter par voie réglementaire certaines dispositions figurant initialement dans la proposition de loi, et supprimées par les députés. Ces décrets sont en consultation et le Sénat prévient qu’il sera « particulièrement attentif à ce que leur version finale soit conforme à ses attentes et à celles des associations d’élus ».
Ils devraient contribuer à assouplir les conditions de mise en œuvre du ZAN entre le niveau régional et le niveau local, en évitant toute tutelle régionale sur le bloc local, rappelle l’AMF. Et d’ajouter que dans les critères de territorialisation au niveau régional doit figurer la prise en compte des efforts passés et les enjeux de revitalisation des territoires ruraux.

Satisfaction de l’AMF
Au-delà, l’association présidée par David Lisnard salue l’accord trouvé par les parlementaires permettant « une meilleure compréhension d’un dispositif complexe et ressenti comme descendant par la plupart des élus locaux ». L’AMF se satisfait ainsi de l’application de la garantie rurale à toutes les communes, « consacrant le droit au projet demandé par les territoires ruraux », ou de la prolongation de six mois des délais d’intégration de la trajectoire ZAN dans les schémas régionaux et les documents d’urbanisme locaux pour permettre une meilleure concertation locale. 
Satisfecit également de la sortie partielle des grands projets d’intérêt national et européen du décompte au niveau régional ou du renforcement des outils de maîtrise foncière, « très attendus par les élus », pour gérer la rareté foncière (sursis à statuer, droit de préemption urbain pour permettre la création de réserves foncières). 
L’AMF évoque néanmoins des « problèmes [qui] demeurent très nombreux et les situations sur le terrain [qui] seront compliquées » en citant notamment la mise en place d’un modèle économique et financier sur le long terme pour le renouvellement urbain et la réaffectation des friches. 

Des « contradictions fâcheuses » pour France urbaine
Pour sa part, France urbaine salue aussi l’adoption du texte qui « précise et assouplit les mesures en vue d’une meilleure application », mais en regrettant des « contradictions fâcheuses ». Au registre positif, les élus urbains évoquent des « avancées » au premier rang desquelles la comptabilisation séparée, dans une enveloppe nationale, des projets d’envergure nationale ou européenne, dont les projets industriels d’intérêt majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique. 
Autres satisfactions : l’ajout d’un bilan fait, au plus tard le 1er janvier 2031, par la conférence régionale de l’application de la surface minimale ; la création d'outils de maîtrise foncière à la main des élus locaux avec la réécriture des dispositions sur le sursis à statuer dans un sens plus opérationnel ou encore la prise en compte des efforts de renaturation effectués dès 2021.

« Un constat erroné » sur les territoires urbains
En revanche, l’association déplore le maintien de la garantie rurale, basée sur le « constat erroné des grands territoires urbains ayant le plus artificialisé ces dernières années, au détriment des territoires ruraux ». Et de citer une étude de juillet 2022 de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols du Cerema montrant que les 22 métropoles n’ont contribué depuis 2009 qu’à moins de 1 % de l’artificialisation totale du pays. 
France urbaine calcule que la consommation potentielle d’un hectare par commune représenterait l’équivalent de 29% de l’enveloppe allouée au niveau national, en s’inquiétant des conséquences pour les territoires en tension en matière de logement et d’activités économiques. En outre, elle juge la disposition « contradictoire » avec la nécessaire différenciation territoriale et aurait préféré une contractualisation entre territoires.

Philippe Pottiée-Sperry
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