Protection de l’enfance : un rapport-choc accable l’État et appelle à un sursaut national

, mis à jour le 09/04/2025 à 17h04
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le travail conduit par les députées Laure Miller (présidente) et Isabelle Santiago (rapporteure) dresse un tableau sévère des défaillances de la protection de l’enfance

La commission d’enquête parlementaire sur les politiques publiques de protection de l’enfance a rendu son rapport le 7 avril. Le constat est sans appel : gouvernance défaillante, absence de normes nationales, ruptures de parcours… L’État, qualifié de "premier parent défaillant de France", est sommé de réagir. 92 recommandations ambitieuses sont posées sur la table pour reconstruire un système en crise alors que les départements font face seuls aujourd'hui.

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C’est un rapport qui fait date. Fruit de dix mois d’auditions, de déplacements sur le terrain et de contrôles sur pièces, le travail conduit par les députées Laure Miller (présidente) et Isabelle Santiago (rapporteure) dresse un tableau sévère des défaillances de la protection de l’enfance. Alors que 397 000 enfants étaient concernés par une mesure d’aide sociale à l’enfance fin 2023 – un chiffre en hausse de 44 % depuis 1998 –, les moyens et les structures censés les protéger ne sont ni adaptés, ni coordonnés. Car les lois successives – notamment celles de 2007, 2016 et 2022 – ont produit peu d’effets. Faute d’application réelle sur le terrain, de pilotage national et d’évaluation, les droits fondamentaux des enfants ne sont pas garantis. Le rapport cite des situations inacceptables : enfants non scolarisés, retards de prise en charge médicale, ruptures dans les parcours de soins et d’éducation. Des délais allant jusqu’à quatre mois pour exécuter une décision judiciaire sont évoqués.

Des pratiques indignes et un recours massif au secteur lucratif

La commission s’inquiète de la part croissante prise par le secteur privé lucratif dans la gestion des structures d’accueil, sans cadre normatif ni contrôle réel. Le décret encadrant les pouponnières date de 1974. L’État n’a pas de vue d’ensemble, les départements font face seuls, et le recrutement est en crise : près de 30 000 postes seraient vacants, et la moitié des assistants familiaux ont plus de 55 ans. Résultat : les enfants sont parfois ballotés d’un lieu à un autre, sans suivi cohérent, ni accompagnement psychologique.
Le rapport souligne l’ampleur des conséquences sur la santé physique et mentale des enfants : surreprésentation dans les urgences psychiatriques, taux alarmant de sans-abrisme chez les anciens placés. Une étude citée dans The Lancet évalue le coût annuel des violences faites aux enfants à 38 milliards de dollars pour la France.

Des propositions fortes pour une refondation

Face à ce constat, les députés avancent 92 recommandations structurantes. Parmi les plus emblématiques : une loi de programmation pluriannuelle pour garantir des moyens stables, la création d’un fonds national dédié, l’audit de l’ensemble des structures existantes, la révision du décret sur les pouponnières, et l’interdiction du placement en collectivité pour les enfants de moins de trois ans, sauf exception.
Autre mesure phare : garantir à chaque enfant un parcours de soin coordonné, assorti d’un référent unique. Le rapport insiste aussi sur le besoin de reconnaissance pour les victimes. Il propose la création d’une commission nationale de réparation pour les enfants placés victimes de maltraitance institutionnelle, afin que l’État assume enfin ses responsabilités.

Méthodologie :
Ce rapport s’appuie sur les travaux de la commission d’enquête parlementaire, qui a conduit 59 auditions, entendu 126 personnes, réalisé 7 déplacements sur le terrain et de nombreux contrôles sur pièces. Il est porté par les députées Laure Miller (présidente) et Isabelle Santiago (rapporteure), et a été rendu public le 7 avril 2025.
 

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