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Rénovation des bâtiments publics : la solution du « tiers-financement » ?

Philippe Pottiée-Sperry
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Rénovation des bâtiments publics

Adoptée par les députés et examinée par les sénateurs, le 16 février, une proposition de loi vise à expérimenter le tiers financement pour favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments des collectivités. Un levier pour « déclencher des chantiers massifs », selon le gouvernement.

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L’Assemblée nationale a adopté, le 19 janvier à l’unanimité, une proposition de loi (PPL) pour ouvrir le recours au tiers financement afin de favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics. Concrètement, il s’agit de faire financer et réaliser ces travaux par un tiers, privé, et cela en étalant dans le temps leur remboursement et les intérêts. 

Expérimentation de cinq ans
« Le tiers financement peut ainsi faciliter le déclenchement de la décision de réaliser des travaux de performance énergétique », estime l’exposé des motifs de la PPL. Porté par Thomas Cazenave, député (Renaissance) de Gironde, également président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée, le texte vise à ouvrir ce type de financement aux établissements publics et aux collectivités, à titre expérimental pour une durée cinq ans. 
Convaincu, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a salué « un outil précieux et une réponse crédible ». Le texte sera examiné, en séance publique, au Sénat, le 16 février.
Selon Thomas Cazenave, le dispositif permettrait à l’État et aux collectivités « d’étaler sur plusieurs années le remboursement de leurs investissements de rénovation énergétique » qui seront « partiellement financés par les économies d’énergie réalisées grâce aux travaux ». 

Dérogation au droit de la commande publique
Pour lever les freins à l'investissement qui résultent du coût élevé des travaux et favoriser l'atteinte des ambitieux objectifs de réduction de la consommation d'énergie des bâtiments publics que prévoit la législation, la PPL veut expérimenter un régime dérogeant au droit de la commande publique. Ces dérogations permettraient notamment aux collectivités et aux intercos de recourir à titre exceptionnel au paiement différé dans le cadre des contrats de performance énergétique, qui fixent des objectifs chiffrés de gain d'énergie. Le paiement différé serait à terme simplifié par les économies d'énergie qu'entraîneraient ces travaux de rénovation énergétique.
La PPL prévoit notamment de sécuriser l’intervention des syndicats d’énergies et des intercos dans la réalisation des études et des travaux de rénovation, et en leur permettant de conduire eux-mêmes les opérations de tiers financement. La maîtrise d’ouvrage restant entre les mains de l’État ou des collectivités, il ne s’agit donc pas du modèle des très décriés PPP (partenariats public-privé). 
Parmi les réactions, Philippe Laurent, maire de Sceaux et vice-président de l’AMF, a estimé sur Twitter que la proposition de loi « va dans le bon sens et mérite attention ». 

Un outil utile mais pas suffisant
La commission des lois du Sénat, réunie le 8 février, a adopté avec modifications la PPL. Face aux enjeux financiers colossaux en présence, les sénateurs approuvent l'assouplissement des conditions financières de mise en oeuvre des contrats de performance énergétique, qui est l'objectif porté par la PPL. Selon eux, il « peut être un moyen de lever partiellement les nombreux freins à l'investissement identifiés en matière de rénovation énergétique ».
Tout en acceptant le principe de l’expérimentation, ils estiment que cet « outil complémentaire ne peut en aucun cas suffire pour l'atteinte des objectifs ni avoir vocation à être systématisé dans la mesure où le tiers-financement demeure plus coûteux pour les acheteurs publics ». Leurs amendements veulent rendre plus accessible l’expérimentation, tout en maintenant « une forte exigence en matière de soutenabilité financière » des projets de rénovation énergétique. 

Un parc public de 380 millions de m²
Il faut rappeler quelques chiffres pour montrer l’ampleur du chantier. Le patrimoine immobilier du secteur public s'élève à 380 millions de m2, dont 94 millions de m2 détenus par l'État et ses opérateurs, le reste relevant donc des collectivités et de leurs établissements. Ces bâtiments sont responsables de 76 % de la consommation énergétique des communes, selon l’exposé des motifs de la PPL. Et d’ajouter que la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, qui représentent la moitié de la surface totale des bâtiments publics des collectivités, représente pour elles « un gisement majeur d’économie d’énergie, d’amélioration du confort pour les élèves et le personnel, et d’économie budgétaire ».

Une facture de plus de 300 Md€ pour les collectivités ! 
Les sommes à lever dans les prochaines années pour respecter les engagements fixés par la loi, en particulier la loi « Elan » de 2018, sont considérables. Pour l’Etat, le coût de la rénovation énergétique de ses bâtiments atteint pas moins de 90 Md€ à mobiliser d'ici 2050. Sur la base de cette évaluation, le montant total à engager se chiffrerait à 400 Md€ voire à 500 Md€ sachant que les collectivités ont moins facilement accès que l'État aux commandes groupées permettant de faire baisser les coûts des travaux.
Malgré l'accélération récente des travaux, l'État y ayant notamment consacré 3,9 Md€ depuis 2019, l'ampleur des rénovations qu'il reste à effectuer pour atteindre les objectifs fixés par la loi inquiète. La Direction immobilière de l’Etat (DIE) pointe ainsi le « constat de l'incapacité d'atteindre ces objectifs sans mobilisation de ressources supplémentaires dédiées à la mise à niveau du parc immobilier ».

Philippe Pottiée-Sperry
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