Sécurité intérieure : la LOPMI publiée au Journal officiel
La nouvelle loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) prévoit 15 Md€ supplémentaires d'ici 2027. Parmi ses nombreuses mesures : la création de 200 brigades de gendarmerie supplémentaires en zones rurales et périurbaines, un volet important sur la cybersécurité.
La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI) du 24 janvier a été publiée au Journal officiel du 25 janvier. Après plusieurs mois de discussions parlementaires, ce texte fixe les objectifs et programme les moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels du ministère de 2023 à 2027. Il prévoit ainsi 15 Md€ supplémentaires d'ici 2027, notamment pour le recrutement de 8500 policiers et gendarmes sur cinq ans, la transformation numérique du ministère, l’investissements dans la cybersécurité, la départementalisation de la police nationale... Cela représente une hausse de près de 22% du budget, en cinq ans, le ministère de l'Intérieur.
Saisi par des parlementaires, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme la quasi-intégralité des dispositions de la loi dans sa décision du 19 janvier.
200 nouvelles brigades de gendarmerie
Le financement permettra notamment de créer 200 nouvelles brigades de gendarmerie en zones rurales et périurbaines (500 ont été supprimées les quinze dernières années). Dès septembre dernier, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a lancé une concertation pour leur implantation. « Avec les élus, nous contribuerons à renforcer la sécurité de nos campagnes et à redynamiser les territoires ruraux », avait-il ainsi déclaré dans le Cher. La concertation doit se dérouler jusqu’au début d’année. Sur les futures implantations, chaque mairie avait la possibilité de se porter candidate directement auprès de la préfecture pour accueillir une nouvelle brigade avant le 10 janvier.
Des critères « objectifs » d’implantation
Le choix des territoires d’implantation des nouvelles brigades sera effectué selon des critères « objectifs » liés à la population, aux flux, aux risques locaux, à la délinquance et aux délais d’intervention, à l’issue d’un diagnostic partagé avec les autorités administratives et judiciaires ainsi qu’avec les élus, précise la LOPMI. Et d’ajouter que pour garantir la soutenabilité des dépenses des collectivités liées à la construction de bâtiments destinés à accueillir des brigades, « leurs modalités de financement seront adaptées, le cas échéant par l’adoption de dérogations aux règles comptables et budgétaires des collectivités territoriales ». De plus, le dispositif de soutien financier sera renforcé.
Le ministère de l’Intérieur souhaite que les premières nouvelles brigades de gendarmerie soient prêtes cet été.
Crédits pour la vidéoprotection des communes
Les nouveaux moyens de la LOPMI permettront aussi de doubler la présence des forces de l'ordre sur le terrain d'ici 2030, de rouvrir des sous-préfectures dans les zones rurales et périurbaines et de poursuivre la labellisation de sous-préfectures en espaces France services, de délocaliser certains services centraux du ministère dans des villes moyennes ou en zone rurale, de doter de nouveaux matériels les forces de l'ordre et de renforcer leur formation, de créer 100 classes de reconquête républicaine dans les quartiers populaires…
Autre mesure intéressant particulièrement les collectivités : le triplement des crédits dédiés au cofinancement des projets de vidéoprotection des communes.
Ce budget répondra, en outre, aux deux protocoles signés en mars 2022 avec les syndicats sur les carrières des policiers (783 M€ sur cinq ans) et des gendarmes (700 M€ sur la même période). Dans le rapport annexé, les sénateurs ont précisé que les maires devront être consultés par le ministère de l'Intérieur avant toute fermeture de commissariat ou de gendarmerie.
Plus forte capacité d’action des préfets
Parmi les autres mesures de la LOPMI figurent le recrutement de 4400 assistants d’enquête, la généralisation des caméras-piétons et l’équipement des véhicules de caméras embarquées dès 2023, la dématérialisation des procurations électorales, un accompagnement humain pour les télé-procédures du ministère, de nouveaux outils numériques pour les forces de l'ordre, une agence du numérique des forces de sécurité... Le cadre pour le déploiement du « réseau radio du futur », réseau de communications à très haut débit (4G et 5G des opérateurs mobiles) qui sera commun aux forces de sécurité et aux services de secours, est défini.
Par ailleurs, les préfets voient leur capacité d'action confortée en pouvant, « en cas d'événements grave pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, ou la préservation de l’environnement, mobiliser l'ensemble des services et établissements de l’État pour prendre les décisions nécessaires pour rétablir la situation ».
Moyens renforcés pour la cybersécurité
En matière de cybersécurité, il va être créé une école de formation cyber au sein du ministère et l'équivalent numérique de « l'appel 17 », le 17 Cyber, pour signaler en direct une cyberattaque ou une escroquerie en ligne. De plus, 1500 cyber-patrouilleurs supplémentaires seront recrutés. Toutes les entreprises et les institutions seront sensibilisées aux risques cyber.
Le Code de procédure pénale est modifié pour permettre aux policiers, sur autorisation de la justice, de saisir des actifs numériques. Le gouvernement devra remettre d'ici fin 2023 deux rapports évaluant la protection des collectivités locales et des entreprises face aux cyberattaques.
Lutte contre les violences intrafamiliales
Des dispositions traitent de l'accueil des victimes, qui pourront désormais porter plainte et être entendues par la police en visioconférence. En 2023, l’application « Ma sécurité », lancée début 2022, permettra de déposer plainte en ligne et à terme de suivre son traitement.
Pour renforcer la lutte contre les violences intrafamiliales, de nouveaux crédits vont augmenter le nombre des enquêteurs spécialisés (4000 contre 2000 aujourd'hui) et des intervenants sociaux police-gendarmerie (600 contre 400 actuellement). La possibilité de porter plainte « hors-les-murs » d'un commissariat, déjà expérimentée, sera généralisée.
Le Code pénal est revu pour sanctionner plus sévèrement l'outrage sexiste et sexuel, qui devient un délit dans certaines circonstances aggravantes (lorsqu'il est infligé à un enfant par exemple). Cet outrage aggravé sera passible de 3750 € d'amende, avec possibilité d'une amende forfaitaire de 300 €.
Extension des amendes forfaitaires délictuelles
Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD), qui concernent aujourd'hui onze délits (conduite sans permis, usage de drogue...), sont étendues à de nouveaux « délits du quotidien » : vente à la sauvette, tags, intrusion dans un établissement scolaire, atteintes à la circulation des trains, rodéos nautiques…
Les parlementaires avaient, par ailleurs, durci les peines sanctionnant les violences contre les élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains et facilité les poursuites en cas de menace de mort. Ces dispositions ont été censurées par le Conseil Constitutionnel comme cavaliers législatifs.
Gestion des crises et moyens adaptés pour l’outre-mer
Par ailleurs, la gestion de crise sera professionnalisée. La LOPMI confie la gestion des crises graves (cyber, santé, environnement...) aux préfets des départements qui dirigeront l'action des établissements et services déconcentrés qui ne relèvent pas de leur autorité en temps normal. Pour développer la culture du risque chez les citoyens, une journée nationale obligatoire dédiée aux risques majeurs et aux gestes sera organisée chaque année.
Concernant l’outre-mer, des mesures spécifiques sont prévues. Parmi les projets d'investissement : une remise à niveau de l’architecture des réseaux de communication, de nouveaux outils technologiques pour lutter contre les trafics aux frontières, un pré-positionnement des moyens de la sécurité civile pour fournir une première réponse en cas de risque naturel (comme les cyclones ou séismes), des plans des risques spécifiques à chaque territoire ultramarin...