Terres agricoles abandonnées : un angle mort aux enjeux multiples

Danièle Licata
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Avec 2,5 millions d'hectares en friche, l'abandon des terres agricoles est un phénomène d'ampleur

Avec 2,5 millions d'hectares en friche, soit près de 10 % de la surface agricole utile, l'abandon des terres agricoles est un phénomène d'ampleur en France. Dans un rapport récent, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) alerte sur l’absence de prise en compte de ces terres dans les politiques foncières. Or faute d’encadrement, cet abandon pose des défis majeurs en matière d’aménagement du territoire, de biodiversité et de souveraineté alimentaire. Au-delà des pistes proposées, le CGAAER insiste sur l’urgence de placer la question des terres abandonnées au cœur du débat public. 

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Chaque année, les superficies agricoles délaissées progressent, rejoignant celles qui sont artificialisées, soit environ 20 000 hectares. Un manque à gagner pour le secteur agricole et plus largement l'activité économique. À travers son étude, le CGAAER dresse un état des lieux des causes de cet abandon et esquisse des pistes pour mieux les intégrer aux politiques publiques.

Pourquoi ces terres sont-elles abandonnées ?

Parmi les facteurs en cause, le rapport met en avant des dynamiques de concentration agricole, rendant certaines parcelles trop excentrées pour être exploitées efficacement. À cela s’ajoutent des contraintes fiscales peu incitatives et un manque d’attractivité des métiers de l’agriculture, limitant la transmission des exploitations. Par ailleurs, le recul de l’élevage, particulièrement dans les filières ruminantes, contribue directement à la diminution des surfaces dédiées à la production de lait et de viande. Ces terres ne disparaissent pas pour autant : la plupart évoluent vers un couvert forestier spontané, sans réelle gestion, ce qui interroge sur leur avenir à long terme.

Un manque de données pour une gestion efficace

L’ampleur du phénomène reste difficile à quantifier précisément. Le CGAAER pointe un déficit d’évaluation dû à des sources de données disparates et des travaux insuffisamment actualisés. Pour y remédier, l’organisme préconise la réactivation de l’Observatoire national des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF), outil permettant de suivre l’évolution de ces terres et d’orienter les politiques foncières.
Car l’enjeu est de taille. " Intégrer ces terres agricoles abandonnées dans les stratégies d’aménagement du territoire devient essentiel, qu’il s’agisse de préserver les sols dans le cadre de la politique du "Zéro artificialisation nette" (ZAN), d’arbitrer en faveur de la biodiversité ou encore de garantir la souveraineté alimentaire" soulignent les experts.

Quatre scénarios d’ici 2050

L’évolution des terres agricoles délaissées dépendra fortement des choix politiques et des tendances économiques à venir. Le CGAAER propose ainsi quatre trajectoires prospectives à l’horizon 2050 :
•    "Bataille de l'eau", où les tensions croissantes sur la ressource hydrique redéfinissent l’usage des terres.
•    "Mosaïques territoriales", misant sur une diversité locale d’usages entre agriculture et espaces forestiers.
•    "Vive la renaturation !", privilégiant la reforestation et la restauration écologique.
•    "Pacte productif", visant une exploitation intégrale des terres pour assurer la souveraineté alimentaire et énergétique du pays.

 

Danièle Licata
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