Agents publics : l’ordonnance « santé et famille » enfin publiée

Philippe Pottiée-Sperry
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Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a présenté, au conseil des ministres du 25 novembre l’ordonnance portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique, qui était très attendue.

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Prise en application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (TFP), elle vise à « aider l’ensemble des agents à mieux concilier vie familiale et professionnelle en clarifiant les droits à congés liés aux charges parentales ». Le jour même le texte était signé par le président de la République puis publié le 26 novembre au Journal officiel. L’ordonnance contient une série de modifications en matière d’aptitude physique à l’entrée dans la fonction publique, d’instances médicales de la fonction publique, de congés pour raison de santé, de maintien et de retour dans l'emploi ainsi que de congés de parentalité. Bon nombre de décrets seront nécessaires pour l’application des nouvelles dispositions.

Aptitude physique à l'entrée dans la fonction publique

L’article 1er de l’ordonnance vise à mettre en cohérence les conditions d’accès à l’emploi public avec l’objectif de non-discrimination au regard de l’état de santé des candidats aux emplois publics. Ainsi, la condition générale d'aptitude physique à l'entrée dans la fonction publique est remplacée par des conditions de santé particulières exigées pour certaines fonctions relevant de corps ou cadre d'emplois particuliers. Les statuts particuliers doivent venir fixer, au plus tard dans les deux ans, les fonctions qui exigent, dans chaque corps et cadre d’emplois, ces conditions d’aptitude physique et mentale particulières.

Instances médicales

L'organisation et le fonctionnement des comités médicaux et les commissions de réforme sont simplifiés (article 2). Une instance médicale unique, le conseil médical, est créée et fonctionnera à compter du 1er février 2022. Elle sera compétence en matière de congés pour raison de santé et de congé pour invalidité temporaire imputable au service. Par ailleurs, le dénomination "médecin de prévention" est remplacée par "médecin du travail" dans le statut des fonctionnaires de l'État (article 3).

Congés de maladie et temps partiel thérapeutique

L’ordonnance a pour objectif de soutenir les agents ayant des difficultés de santé. « Des blocages identifiés de longue date sont ainsi levés, au bénéfice du maintien en emploi des personnes à qui leur santé ne permet pas de dérouler une carrière linéaire », a indiqué la ministre, selon le compte rendu du conseil des ministres. Le dispositif du temps partiel thérapeutique, aussi appelé mi-temps thérapeutique, est remodelé pour pouvoir bénéficier à davantage d’agents en devenant plus souple d’accès et, surtout, renouvelable au cours de la carrière.

Les "congés de maladie" deviennent les "congés pour raison de santé". Les droits à congé de longue maladie (CLM) et à congé de longue durée (CLD) sont clarifiés : leur utilisation peut avoir lieu de manière continue ou discontinue. La portabilité du CLM et du CLD en cas de mobilité interne ou vers une autre fonction publique est prévue. Un décret précisera les conditions d'octroi et de maintien des congés pour raison de santé et du temps partiel thérapeutique. Par ailleurs, les agents pourront désormais travailler à temps partiel pour raison thérapeutique en l'absence d'arrêt maladie préalable. Ce dispositif est élargi au maintien et au retour à l'emploi. Les droits de l'agent pourront être reconstitués après un délai minimal d'un an. Il pourra "porter" le bénéfice de son temps partiel thérapeutique en cas de mobilité interne ou vers une autre fonction publique. Les nouvelles règles sur les congés pour raison de santé seront applicables au 1er février 2022 et celles sur le temps partiel thérapeutique au plus tard le 1er juin 2021.

Cas des maladies liées au Covid-19

Pour le fonctionnaire dont la maladie liée au Covid-19 est reconnue imputable au service, l'ordonnance autorise le versement des prestations du régime des accidents et maladies professionnels des fonctionnaires pour des périodes qui ont précédé l'inscription du Covid-19 au tableau des maladies professionnelles.

Formations ou bilans de compétence

Les agents publics pourront suivre à leur demande des formations ou des bilans de compétence ou pratiquer une activité pendant leurs congés pour raison de santé. Objectif : favoriser leur réadaptation ou leur reconversion professionnelle. « Il s’agit là d’une mesure préconisée dans le cadre du plan en faveur de l’insertion des personnes handicapées et qui bénéficiera à tous les agents en levant un verrou souvent constaté par les acteurs du champ de la réinsertion professionnelle », a indiqué Amélie de Montchalin.

Reclassement pour inaptitude médicale

Les fonctionnaires déclarés inaptes à l’exercice de leurs fonctions pour raisons de santé pourront bénéficier d’un reclassement entre versants de la fonction publique, avec maintien d'une priorité dans leur administration d'origine. Par ailleurs, sous certaines conditions, l'administration pourra procéder au reclassement d’un agent sans demande expresse de sa part.

Amélioration des congés de parentalité

L’ordonnance vise à rendre plus lisibles les congés liés à la parentalité. Les congés de maternité, de naissance, pour l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption, d’adoption, de paternité et d’accueil de l’enfant sont ainsi réorganisés. La durée de ces congés est directement renvoyée au Code du travail. Ainsi, la durée du congé de paternité est allongée de 30 jours maximum en cas d'hospitalisation de l'enfant, comme c'est le cas depuis 2019 pour les salariés du privé. De même, le congé de paternité est allongé à 28 jours à compter du 1er juillet 2021. Un décret précisera les conditions d'attribution de ces congés, notamment pour maintenir le fractionnement du congé de paternité et d'accueil de l'enfant spécifique à la fonction publique. A noter également que le congé de proche aidant est étendu aux contractuels territoriaux de droit public.

Conditions de santé

Enfin, les conditions de santé prévues à l’entrée dans la fonction publique sont réformées puisque la condition générale actuelle sera remplacée par des conditions particulières, justifiées par l’exercice de certaines fonctions comportant des risques particuliers ou impliquant des sujétions spécifiques. Un travail sera engagé afin de rendre compatibles les statuts particuliers des corps et cadres d’emploi avec les nouvelles dispositions.

Les travaux de mise en œuvre de l’ordonnance vont maintenant s’engager dans le cadre d’un dialogue social approfondi avec les représentants des organisations syndicales représentatives des personnels et les représentants des employeurs publics.

Remise en cause du secret médical

Le texte de l’ordonnance avait été présenté au Conseil commun de la fonction publique (CCFP), le 2 octobre. L’association des DRH de grandes collectivités (ADRHGCT) a salué « les avancées en matière de temps partiel thérapeutique et de congés liés à la parentalité » mais critiqué l’article 7 du projet d’ordonnance qui « est une atteinte au respect du secret médical, en ce sens qu’il autorise des gestionnaires à avoir connaissance d’éléments médicaux dans le cadre de l’instruction de demandes d’accidents du travail et de maladie professionnelle ». De plus, l’ADRHGCT estime que l’ordonnance ne permet pas de projeter un nouveau modèle du fonctionnement des instances médicale car « seule l’instauration d’une instance médicale unique est évoquée, et non les motifs de saisine ou le détail de la composition de l’instance, qui relèvent de la sphère réglementaire ». Par ailleurs, l’association estime que cette réforme « emporte des conséquences majeures sur la mise en œuvre de la protection sociale des fonctionnaires ». Et d’affirmer qu’elle « suivra avec attention les travaux sur le volet réglementaire de la réforme, et mettra à disposition ses ressources et son analyse par le biais de la concertation évoquée à l’article 12 du projet d’ordonnance ».

Côté organisations syndicale (OS), tout en saluant bon nombre de mesures de l’ordonnance, pointe aussi la remise en cause du secret médical. A l’issue du CCFP du 2 octobre, huit des neuf OS s’étaient ainsi abstenues lors du vote sur le texte et l’UNSA avait voté contre. Argument avancé : le texte « remet en cause le secret médi¬cal, qui doit demeurer un élément essentiel du système médical français ».

Philippe Pottiée-Sperry

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