Ce que propose le Sénat pour faire mieux accepter la loi "SRU"

Philippe Pottiée-Sperry
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Alors que le projet de loi « 4D » doit être examiné par les sénateurs début juillet, Dominique Estrosi Sassone (LR), vice-présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, et Valérie Létard (UC), vice présidente du Sénat, ont présenté, le 19 mai, un rapport sur l’application de l’article 55 de la loi « SRU » (Solidarité et renouvellement urbain) du 13 décembre 2000. Celui-ci impose l’obligation pour certaines communes de disposer d’un taux minimum de 20 ou 25% de logements sociaux. « Une évaluation dépassionnée, sans totem ni tabou », estiment-elles, à l’issue de trois mois de travail, trente auditions, trois déplacements et près de 400 maires consultés. Résultat : la formulation de 25 propositions pour « faire de la loi SRU un objectif mieux accepté ». Pour rappel, le projet de loi « 4D » conserve l’objectif de la loi « SRU » mais supprime la date butoir de 2025 pour y parvenir. Constat : sur les 2070 communes concernées par la loi « SRU », 1065 sont déficitaires et 280 sont carencées.

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Une loi « utile » mais difficile à appliquer

Le principal résultat de la consultation réalisée par le Sénat est que près de 70% des maires jugent la loi SRU « utile » alors que ceux qui se sont exprimés sont pourtant très majoritairement déficitaires ou carencés. Cela traduit « une prise de conscience très nette des maires qui sont maintenant majoritairement favorables au logement social », estime Dominique Estrosi Sassone. Mais cela n’empêche pas 73% d’entre eux de la juger inefficace. La loi SRU reste, en effet, difficile à appliquer et ne prend pas suffisamment en compte les difficultés du rattrapage malgré l’engagement des élus, par-delà les couleurs politiques ou la richesse des territoires, constate le rapport sénatorial. « Des maires sont "carencés pour l’exemple" sans tenir compte des progrès accomplis ou des obstacles rencontrés », regrette Valérie Létard qui demande « un État facilitateur et non un État censeur ». Sur un registre plus positif, les sénateurs considèrent que la loi SRU a été un catalyseur pour produire plus de logements sociaux, près de 900 000 ayant été construits en 20 ans dans les communes en rattrapage. Elle a aussi facilité une meilleure répartition du logement social sur le territoire. En revanche, elle n’a pas eu les résultats escomptés en matière de mixité sociale et de réduction de la ségrégation des ménages les plus pauvres.

Quatre axes de réforme

Après ces constats, le rapport sénatorial propose quatre axes pour la future réforme : conserver l’objectif et l’économie générale de la loi SRU, adapter sans exonérer et différencier pour encourager, renforcer le volet de mixité sociale et lever les obstacles à la construction de logements sociaux. Pour Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, « ces propositions issues de l’écoute attentive des maires doivent permettre de trouver des solutions pragmatiques et un équilibre entre, d’un côté, le besoin de logements sociaux et d’une plus grande mixité sociale, et de l’autre, la nécessaire acceptation démocratique de ces évolutions qui passe par une prise en compte concrète et différenciée des réalités locales ».

Afin de conserver l’objectif et l’économie générale de la loi SRU, le rapport préconise de « revenir à un rattrapage glissant et réaliste, sans date butoir, comme à l’origine de la loi » ou de « préserver le rattrapage en stock, mais le décliner en flux contractualisés ». Il plaide aussi pour rejeter toute sanction automatique conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

« Abandonner les idées reçues »

A l’appui de son argumentaire, la commission des affaires économiques souligne que « les communes les plus en retard sont plutôt des communes plus pauvres que celles qui jouent le jeu. Il faut donc abandonner les idées reçues ! ». Et d’enfoncer le clou : « Les difficultés des communes sont souvent objectives et par rapport à celles-ci, les maires sont unanimes pour dénoncer une application trop verticale et aveugle de la loi. Ils se plaignent d’une prise en compte insuffisante des spécificités locales. Il y a même des « carencés pour l’exemple », des maires sanctionnés bien qu’ils aient accompli des efforts importants ou qu’ils soient victimes du désengagement d’un bailleur ou d’un permis refusé par l’État ».

Le couple maire préfet pour avoir une application différenciée

Autre préconisation : faire du contrat de mixité sociale et du couple maire préfet le pivot d’une application différenciée et partenariale de la loi. Les sénateurs proposent de généraliser ce contrat, élargi à l’EPCI, et de l’ouvrir aux acteurs concernés, notamment les bailleurs sociaux et les architectes des bâtiments de France. Ils suggèrent aussi de donner vraiment le dernier mot aux préfets et de leur permettre d’adapter le rythme de rattrapage en fonction des particularités locales, d’autres politiques nationales et des types d’hébergement pris en compte. Ils plaident pour supprimer les sanctions jugées inefficaces et contre-productives, en indiquant la démonstration dans ce sens de la Cour des comptes. Les sénateurs appellent ainsi « à faire confiance aux territoires et à favoriser l’expérimentation d’une mutualisation intercommunale ». A l’appui, ils citent l’expérimentation intéressante du Grand Poitiers qui mériterait d’être étendue.

Par ailleurs, plutôt que d’être versées au niveau national, les pénalités pourraient être consignées et capitalisées au niveau des communes pour permettre de monter des opérations de logement social. Les sénateurs suggèrent aussi de territorialiser les attributions de logement pour permettre une appropriation du logement social par la population. Autre proposition : majorer le quota d’attribution des maires bâtisseurs de logements sociaux, pour en faire « un puissant effet incitatif ».

Renforcer le volet mixité sociale

Par ailleurs, pour renforcer le volet mixité sociale, le rapport sénatorial défend la création d’un objectif maximum de 40 % de logements très sociaux dans la loi pour introduire de la mixité dans les territoires les plus pauvres et « arrêter d’ajouter la pauvreté à la pauvreté ». De plus, une surpondération des logements PLAI (les plus sociaux) dans le décompte de la loi permettrait, selon les sénateurs, de tenir compte de l’effort particulier accompli par les communes à la fois au moment de la construction et pour accompagner leurs habitants.

Philippe Pottiée-Sperry

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