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Coup d’envoi à la territorialisation de la relance

Philippe Pottiée-Sperry
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Les élus locaux commençaient à s’impatienter voire à douter. Promise en début de semaine dernière par le Premier ministre, lors du congrès de Régions de France, puis détaillée en partie lors du conseil des ministres du 21 octobre, la circulaire sur la territorialisation du plan de la relance a été publiée le 23 octobre.

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Jean Castex l’a adressée aux préfets de région et de département pour une application immédiate. D’emblée, il affiche la couleur en affirmant que « la territorialisation du plan de relance est un gage d’efficacité, d’adaptabilité, d’équité et de cohésion. Elle sera l’un des facteurs de sa réussite, en accompagnant les dynamiques territoriales et en rendant possible la consommation rapide des crédits ». Ce besoin de rapidité est souligné à plusieurs reprises dans la circulaire sachant que le gouvernement mise sur la consommation de l’ensemble des crédits du plan avant fin 2022.

Mise en œuvre nationale ou locale

Certaines des mesures de France relance seront mises en œuvre au niveau local, via des appels à projets régionaux (par exemple les crédits du Programme d’investissements d’avenir) ou dans le cadre d’une gestion déconcentrée confiée aux préfets (par exemple des dotations de soutien à l’investissement local). « Sur les 100 Md€ du plan de relance, 16 Md€ seront, dès les prochaines semaines, suivis par les préfets de région dans le cadre d’enveloppes régionalisées », précise le ministère de la Cohésion des territoires. Et d’expliquer que les autres mesures seront gérées au niveau national car leur transversalité ne se prête pas à une logique de différenciation territoriale (baisse des impôts de production, allocation de rentrée scolaire, prime à l’embauche des jeunes…).

Communication du plan de relance

Selon la circulaire, la première mission des préfets est d’assurer la promotion et la communication des différentes mesures du plan de relance auprès de tous les acteurs concernés (élus, acteurs économiques et sociaux, relais d’opinion, etc.). Ils devront ainsi accompagner dans leurs démarches les bénéficiaires et les porteurs de projets en luttant contre les lourdeurs administratives ou le déficit d’ingénierie. Autre mission : suivre le déploiement des mesures du plan, son rythme et son impact économique, social et écologique. Le Premier ministre insiste aussi sur leur « rôle actif d’animation » des parties prenantes et de gestion des crédits du plan qui seront déconcentrés. Les préfets de région sont chargés d’assurer le pilotage et le suivi du plan.

Comités régionaux de pilotage et de suivi

Côté gouvernance, un volet sensible pour les présidents de région, un comité régional de pilotage et de suivi sera créé dans chaque région pour assurer la synthèse et le pilotage budgétaire. Ce comité sera coprésidé par le préfet de région, le directeur régional des finances publiques (DRFiP) ainsi que le président de région lorsqu’il y a eu un accord régional signé. Il devra comprendre des représentants des collectivités, des partenaires sociaux, des milieux socio-professionnels, les préfets de départements, les services déconcentrés de l’Etat et les opérateurs (Bpifrance, Ademe, Anah…) En liaison avec le président du conseil régional, le préfet de région fixera la composition du comité régional devant associer l’ensemble des parties prenantes.

Les comités régionaux de pilotage et de suivi ont quatre grandes missions : assurer l’information des collectivités et des entreprises de la région sur l’ensemble des mesures du plan de relance ; assurer le suivi des mesures déconcentrées ; donner une vue d’ensemble de l’application du plan de relance dans les territoires, notamment de son exécution financière ; signaler les difficultés de mise en œuvre du plan de relance. Ces comités devront établir une synthèse mensuelle de leurs travaux, adressée au secrétaire général chargé du plan de relance. Leur efficacité dans le suivi de l’exécution du plan repose sur la mise à disposition mensuelle de tableaux de bord et d’indicateurs territorialisés par les autorités en charge des mesures (ministères, opérateurs...). « La qualité et la fiabilité des informations transmises seront déterminantes pour assurer un suivi de l’exécution au niveau national et, notamment, apprécier les redéploiements à effectuer », insiste Jean Castex.

Comités départementaux du plan de relance

Les préfets de région devront consulter « systématiquement » les préfets de département pour les opérations localisées à cette échelle. Ces derniers créeront, dans chaque département, un comité départemental du plan de relance avec le président du conseil départemental, les présidents d’EPCI, le président de l’association départementale des maires, les présidents des chambres consulaires et les parlementaires. Ce comité consultatif sera chargé d’animer le déploiement du plan de relance au plan départemental et, si nécessaire, d’exprimer un avis sur les sujets soumis au comité régional de suivi. « Une attention particulière » sera portée aux dossiers relayés par les parlementaires participant aux comités de suivi. Prônant au maximum une démarche descendante, la circulaire indique que l’implication des sous-préfets d’arrondissement dans la mise en œuvre du plan de relance « doit être systématiquement recherchée ». Indéniablement tout le monde est associé, et cela à chaque niveau. Mais la machine ne risque-t-elle pas d’être trop lourde et, du coup, pas assez efficiente ?

Les opérateurs de l’Etat et les autres institutions (Ademe, Anah, ANRU, Agence du numérique en santé, agences régionales de santé, conservatoires, Bpifrance, Caisse des dépôts, agences de l’eau…) devront rendre compte aux préfets avant toute décision ou proposition de leur part.

Sous-préfets à la relance : un rôle de facilitateur

Par ailleurs, les sous-préfets à la relance, sous l’autorité du préfet, devront veiller à la mobilisation des différents services de Etat et des partenaires locaux (élus, collectivités locales, partenaires sociaux, entreprises, associations, etc.), pour la bonne exécution du plan. Ils devront ainsi faire remonter les blocages et proposer des mesures de simplification. Les sous-préfets à la relance pourront aller plus loin afin d’accélérer les projets de construction, par exemple en favorisant le dialogue entre les pétitionnaires et les services instructeurs pour les permis de construire, ou en mettant en place des chartes départementales entre tous les acteurs de la chaine d’instruction des permis pour réduire les délais des différents services consultés. « Cette mise en synergie constitue une condition forte de la remontée des projets et de la consommation rapide des crédits, au bénéfice de l’activité économique », souligne la circulaire.

Quatre types d’intervention

La circulaire différencie quatre types d’intervention du plan de relance dont tout d’abord les actions élaborées au niveau national non susceptibles d’une mise en œuvre territorialisée (mesures fiscales de baisse des impôts ou aides destinées à certains publics). En second lieu, il s’agit des actions visant à attribuer localement des financements via des appels à projets déconcentrés au niveau régional et souvent gérés par des opérateurs (il n’est pas envisagé de les modifier indique la circulaire). Troisième type d’intervention : les enveloppes spécifiques sous la responsabilité des préfets et employées à leur « appréciation » pour des projets d’investissement mature sur leur territoire. La question se pose de savoir quelle sera la latitude des élus locaux face à ce pouvoir important du préfet ? La priorité doit ici être donnée aux investissements dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires ruraux (équipements publics, infrastructures sportives, etc.). A cela s’ajoutent les crédits qui seront attribués aux régions pour des opérations liées au plan de relance, prioritairement en faveur de la rénovation thermique des bâtiments et des mobilités du quotidien, mais dont l’affectation sera discutée entre les préfets de région et les présidents de conseils régionaux.

Des crédits déconcentrés

Enfin, le quatrième type d’intervention concerne des crédits correspondant aux différentes lignes de France relance, fléchés sur une politique publique et une mesure bien identifiée du plan, mais dont la gestion sera déconcentrée. « Ces crédits seront déconcentrés au fur et à mesure de la réalisation des projets locaux, afin de ménager au gouvernement la faculté de redéploiement si nécessaire pour en accélérer la rapidité d’exécution », précise la circulaire. Jean Castex demande aux préfets de prioriser ces crédits territorialisés pour financer des « projets ayant des résultats immédiats » mais aussi pour accélérer – et c’est plus surprenant – le respect de la France dans ses obligations européennes dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, de l’air et des déchets.

La contractualisation avec les collectivités

Le plan de relance devra également passer par une contractualisation avec les collectivités. Avec l’idée de leur faire cofinancer de nombreuses actions. « Il convient d’associer les collectivités au financement des actions pour créer un effet de levier sur les crédits de Etat », indique ainsi la circulaire. Et d’ajouter : « Les contrats permettent de mettre en cohérence l’ensemble des actions financées par l’Etat dans un territoire, en réponse aux besoins et à la stratégie définis par les acteurs locaux ».

Le Premier ministre indique également que bon nombre de crédits déconcentrés et d’actions du plan de relance devront donner lieu, d’ici à la fin de l'année, à un accord régional de relance signé entre l’Etat et le conseil régional. Cet accord doit être négocié dans le même calendrier que celui des contrats de plan Etat-région (CPER), en privilégiant même une signature avant le CPER quand c’est possible. Le calendrier est donc pour le moins serré. S’il est signé en même temps que le CPER, il devra « faire l’objet d’une communication publique distincte, afin de valoriser les actions du plan de relance ». Toujours dans un souci d’aller vite, les montants inscrits dans les accords régionaux de relance seront « conditionnés à une mise en œuvre effective rapide des mesures, sachant qu’en cas de retard des redéploiements pourront être effectués au niveau national. Les montants inscrits sont donc indicatifs ».

Les contrats infrarégionaux

Au niveau infrarégional, pour les actions ayant des cofinancements départementaux ou du bloc communal, les préfets pourront ainsi contractualiser avec les départements, les intercommunalités et les communes, « si ceux-ci sont désireux d’entrer dans une telle démarche ». La circulaire privilégie l’échelle intercommunale en indiquant que « le périmètre géographique du contrat inclura nécessairement un ou plusieurs EPCI ». En pratique, les accords, appelés contrats de relance et de transition écologique (CRTE), pourront être des avenants des dispositifs déjà existants (contrats de ruralité, contrat de transition écologique, contrats de développement territoriaux, etc.) mais aussi de nouveaux contrats, proposés par l’Etat aux collectivités volontaires. La contractualisation pourra aussi prendre d’autres formes pour des projets prêts à être lancés avant la signature des avenants aux CRTE, ou postérieurement à leur signature.

Chaque contrat, qu’il soit au niveau régional ou infrarégional, devra prévoir les modalités de mise en valeur des moyens apportés par l’Etat par l’usage de la marque « France Relance ». Un souci clair de communication de la part du gouvernement. Le contrat devra aussi préciser les modalités de reporting sur les actions ou projets financés. Jean Castex insiste auprès des préfets pour qu’ils s’assurent « de la mobilisation des élus locaux, tout particulièrement les exécutifs des collectivités ». Le moyen de se prémunir de certaines critiques ?

Philippe Pottiée-Sperry

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