Covid-19, finances, relance : l’AMF très critique envers le gouvernement
A défaut de congrès des maires, qui devait se tenir cette semaine à Paris Porte de Versailles, Covid-19 oblige, les dirigeants de l’AMF ont tenu une conférence de presse virtuelle, le 24 novembre, pour donner l’état d’esprit des maires et réclamer une nouvelle fois d’être mieux associés à la gestion de la crise sanitaire.
Sans ménager leurs critiques à l’encontre du gouvernement en dénonçant « une recentralisation sans précédent menée depuis trois ans ». François Baroin, le président de l’AMF, pointe « une mauvaise gestion de la crise sanitaire » qui « associe trop peu les collectivités ». Selon lui, l’un des points faibles du dispositif du confinement se situe dans « l’absence d’une territorialisation réelle des mesures prises par l’Etat ». Et d’expliquer : « avec une organisation décentralisée et territorialisée, nous aurions été très nombreux aux côtés des préfets à voir comment dans chacune de nos villes être en capacité de garantir la protection des Français contre la propagation du virus et en même de maintenir et de préserver des activités économiques, dont les commerces, car nous connaissons chacune des rues de nos territoires. Il n’est pas trop tard pour le faire ».
Un rôle dans la campagne de vaccination
Parmi ses critiques, le président de l’AMF cible notamment le ministère de la Santé qui « travaille tout seul ». Mais cela ne l’a pas empêché de demander gouvernement d’associer les maires à la vaste campagne de vaccination contre le Covid-19 qui s’annonce prochainement. Ainsi, le jour même, Territoires Unis (AMF, ADF et Régions de France) envoyait un courrier, cosigné des trois présidents, au ministre de la Santé, Olivier Véran, indiquant le souhait des « associations de collectivités locales d’être au cœur de l’organisation et de la mise en œuvre de cette campagne nationale ». A l’appui, ils citent la préconisation de la Haute autorité de santé (HAS) de décliner le plan d’organisation de la stratégie vaccinale en prenant en compte les spécificités locales et de le faire avec les ARS, les services départementaux et les collectivités.
Critique d’un « Etat sur-centralisé »
Sur la gestion de la crise sanitaire, le président de l’AMF a fustigé le même jour sur Public Sénat « le modèle d'un Etat sur-administré à Paris, sur-centralisé, et dominé par un courant politique, qui pense qu'en prenant ses décisions et en appuyant sur un bouton, ça descend directement sur les territoires, ne marche pas ». Jugeant que le dialogue entre les services de l’Etat et les collectivités s’est dégradé cet été, il cite notamment « l’absence de dialogue » sur les commerces de proximité. Plaidant ici pour un rôle reconnu des élus locaux, il défend « une territorialisation de l'ouverture des commerces. Il s'agit de la méthode la plus intelligente qui permettra de sauver les commerces en assurant la protection sanitaire ». En outre, Philippe Laurent, le secrétaire général de l’AMF, considère « la fermeture des petits commerces en contradiction avec la politique que le gouvernement mène avec nous pour la revitalisation des centres-villes ».
Libre administration des collectivités « en guenilles »
Comme souvent, le plus sévère a été André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, en dénonçant « un Etat imprévoyant, hésitant voire même se délitant ». Il critique lui aussi « une recentralisation historique depuis 1982 » qui passe par « un retour des tutelles avec l’Etat qui considère les collectivités comme des sous-traitants et nos budgets comme des budgets annexes de l’Etat » et « la fin de l’autonomie fiscale des collectivités avec une nationalisation des impôts locaux à marche forcée ». Fustigeant « une situation intolérable », il estime que « la crise semble être le prétexte à un recul des libertés avec un Etat de moins en moins présent dans les territoires et une tendance à être autoritaire ». Et de rappeler que la Constitution affirme la libre administration des collectivités, « aujourd’hui en guenilles », et leur autonomie financière, « devenue fantôme ».
Participer à la relance économique
« Nous voulons être au rendez-vous de la relance pour réparer notre pays », lance François Baroin. Mais il juge « la territorialisation du plan de relance trop faible ». Et surtout, le président de l’AMF se dit « très inquiet de la baisse de l’autofinancement des communes sachant que 70% de la commande publique sont portés par les collectivités. Si le gouvernement ne nous entend pas sur les finances locales, les collectivités ne pourront pas participer à la relance ». Dénonçant une nouvelle fois la non reconduction de la compensation des pertes de recettes pour le bloc communal, dans le projet de loi de finances pour 2021, Philippe Laurent estime aussi que « le gouvernement doit cesser ses prélèvements sur les finances locales et donner des perspectives de stabilité aux maires pour qu’ils décident d’investir. Malheureusement, il refuse ! ». Présente lors de la conférence de presse, Anne Hidalgo, la maire de Paris, a chiffré à 800 M€ le coût de la crise sanitaire pour la capitale. De plus, elle considère que « le plan de relance s'appuie sur les entreprises avec des aides directes mais rien du côté des collectivités locales alors qu'elles ont un rôle de moteur »
Demande d’une large décentralisation
Jamais avare d’un bon mot, André Laignel a jugé que l’intitulé « 3D » pour le projet de loi porté par le gouvernement s’explique par « son manque de relief ». Plus sérieusement, il considère que « la décentralisation, ce n’est pas un projet technique mais un projet politique et de société ». Sévère, François Baroin affirme que le projet de loi « 3D » devra permettre d’« acter l'impasse dans laquelle l'Etat se trouve aujourd'hui dans beaucoup de domaines ». Et de plaider pour « une nouvelle organisation des pouvoirs public » pour « plus d'efficacité » passant par de nombreux transferts de compétences aux collectivités en matière de médico-social, de santé, de tourisme, de logement, de tourisme, de culture, de sport… Selon lui, « l’Etat doit se concentrer sur ses missions régaliennes ». « Dans le domaine de la santé, nous avons un problème dans la gouvernance des hôpitaux, estime le président de l’AMF. Il faut que le maire revienne au coeur du dispositif d'administration ».
Philippe Pottiée-Sperry
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