Covid-19 : les mesures relatives aux intercommunalités dans la loi d’urgence
Dispositions contenues dans la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, publiée au JO du 24 mars.
I – Rappel liminaire sur les conséquences du report des élections municipales sur les mandats des conseillers municipaux et communautaires
1 – Rappel du processus électoral en cours
La loi d’urgence indique que l’élection régulière des conseillers élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 est acquise (article 19 I dernier alinéa) ceux-ci entrant en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 si la situation sanitaire le permet, en fonction de l’analyse du comité scientifique remise au plus tard au Parlement le 23 mai 2020 (article 19, II, alinéa 1er).
Par dérogation à ce principe, il est néanmoins précisé que dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet, ainsi qu’à Paris, Lyon et Marseille, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l’élection ou, s’il n’a pas lieu, dans les conditions prévues par une prochaine loi le cas échéant (article 19, II, alinéa 2 et 3).
Si l’organisation du second tour n’est pas possible en juin, le premier tour du scrutin sera annulé (pour les communes n’ayant pas élu un conseil municipal complet) et une nouvelle élection sera organisée dans les délais et conditions fixés par une prochaine loi (article 19, I).
En toutes hypothèses, un renouvellement intégral des conseillers élus au premier ou au second tour aura lieu en 2026 (article 19, XVII).
2 – S’agissant des conséquences sur les mandats des conseillers municipaux et communautaires
La loi distingue, s’agissant des conséquences du report du second tour sur les mandats des conseillers municipaux et communautaires, entre (article 19, IV),d’une part, le cas des conseils municipaux élus au complet, et d’autre part, ceux qui n’ont pas été élus au complet ou ont été élus à Paris, Lyon et Marseille, qui n’entrent en fonction qu’à l’issue du second tour (article 19, IV, 2° et 3°) ; par ailleurs, les conseillers métropolitains de Lyon en exercice au premier tour voient tous leur mandat prorogé jusqu’au second tour (article 19, IV, 3°).
On relèvera par ailleurs que les candidats ayant été élus au premier tour mais qui voient leur entrée en fonction différée reçoivent copie de l’ensemble des décisions prises par le président de l’EPCI ou son remplaçant, jusqu’à leur installation (article 19, XIV).
Trois précisions sont apportées par le texte sur ces prorogations.
D’abord, les délibérations et délégations attribuées aux conseillers dont le mandat est prolongé ne sont pas remises en cause du seul fait de cette prorogation (article 19, IV, dernier alinéa).
Ensuite, ces prolongations peuvent être remises en cause en cas de « surnombre » de conseillers communautaires, tel qu’exposé plus bas (article 19, IV, 2° et 3° : « sous réserve du 3 du VII »).
Enfin, le texte envisage le cas particulier d’EPCI à fiscalité propre résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires : dans cette hypothèse, les conseillers communautaires en fonction dans les anciens EPCI à fiscalité propre conservent leur mandat au sein de l’établissement public issu de la fusion (article 19, VIII, alinéa 1er).
II – Dispositions relatives aux structures de coopération locale
1 – Dispositions applicables aux EPCI à fiscalité propre
Il convient de préciser que l’ensemble des dispositions qui suivent est applicable aux Établissements publics territoriaux (EPT), même si ceux-ci sont en principe soumis au régime des syndicats de communes (article 19, VIII).
a – Sur la composition du conseil communautaire et métropolitain
L’application des règles exposées ci-avant amène à distinguer deux situations, celle des EPCI dont le conseil communautaire ou métropolitain est composé exclusivement de conseillers nouvellement élus (i) et celle des EPCI dont le conseil communautaire ou métropolitain est en outre composé de conseillers anciennement élus (EPCI « mixtes ») (ii).
i – S’agissant des EPCI dont la totalité des conseillers communautaires a été désignée à l’issue du premier tour des élections municipales
Le texte évoque d’abord le cas des EPCI à fiscalité propre dont le conseil communautaire est composé de conseillers tous élus au premier tour, c’est-à-dire qui ne comptent parmi leurs membres ni des communes dont le conseil municipal ne serait pas complet, ni Paris, Lyon ou Marseille, et à l’exclusion, enfin, de la Métropole de Lyon (article 19 VI).
Dans cette première hypothèse, l’organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour, fixée par décret.
ii. S’agissant des EPCI dont la totalité des conseillers communautaires n’a pas été élue à l’issue du 1er tour des élections municipales (« mixtes »)
Le texte évoque le cas des autres EPCI à fiscalité propre, dont au moins une partie des communes membres voit le mandat de ses conseillers prorogés jusqu’au second tour, (article 19, VII, 1).
La loi est silencieuse sur la composition des organes délibérants de ces EPCI, jusqu’à la date fixée pour l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour, néanmoins une circulaire ministérielle interprétant les dispositions de la loi indique à cet égard que le conseil communautaire en fonction à la veille du premier tour demeure jusqu’à cette date.
Puis, à compter de la date d’entrée en fonction des conseillers élus au premier tour et jusqu’à la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires – qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour, le conseil communautaire est ensuite composé à la fois de conseillers nouvellement élus, représentant les communes où le conseil municipal est complet, et de conseillers dont le mandat est prorogé, dans les cas visés plus haut.
Si le nombre de représentants dont le mandat est prorogé ne correspond pas au nombre fixé par l’arrêté préfectoral en vigueur lors des élections de 2020 (article L. 5211 6 1, VII du CGCT), fixant le nombre de représentants de la commune considérée, le Préfet est alors fondé à « ajuster » le nombre de représentants de la commune, à la hausse ou à la baisse selon les cas, en tenant compte soit de l’ordre du tableau dans les communes de moins de 1.000 habitants, soit des moyennes obtenues lors des élections dans les communes de plus de 1.000 habitants (en tenant compte des re-désignations intervenues depuis le dernier renouvellement général, ou à défaut, des élections intervenues lors du dernier renouvellement général) (article 19, VII).
b – Sur le mandat du président et des vice-présidents des EPCI à fiscalité propre
La loi indique que le président et les vice présidents en exercice lors de l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour – c’est-à-dire ceux élus dans le cadre du précédent renouvellement (article L. 2122-15 du CGCT sur renvoi de l’article L. 5211-2 du même Code : « Le maire et les adjoints continuent l’exercice de leurs fonctions jusqu’à l’installation de leurs successeurs […] ») – sont maintenus dans leurs fonctions (article 19, VII, 4).
Il est également précisé que, dans le cas particulier des EPCI résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires, le président et les vice présidents de l’EPCI appartenant à la catégorie à laquelle la loi a confié le plus grand nombre de compétences exercent les fonctions de président et de vice présidents de l’établissement public issu de la fusion (article 19, VIII, alinéa 2).
La loi n’indique pas, cependant, jusqu’à quelle date leur mandat est maintenu.
Selon toute vraisemblance, il convient d’en conclure que leur mandat est maintenu jusqu’à la réunion qui suit le second tour des élections municipales.
Telle est d’ailleurs l’interprétation retenue par la circulaire communiquée par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la loi d’urgence qui précise que :
« Le président et les vice présidents en exercice à la date fixée pour l’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour sont maintenus dans leurs fonctions. […] Le nouveau conseil communautaire peut se réunir et élire un nouvel exécutif à compter de la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, réunion qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour » .
Il est en outre précisé que les délégations consenties par le conseil communautaire ou métropolitain au(x) président ou vice-président(s) (article L. 5211 10 du CGCT) ainsi que les délibérations relatives à leurs indemnités (article L. 5211 12 du CGCT), en vigueur à la date d’entrée en fonction des conseillers élus au premier tour, demeurent « en ce qui les concerne » (article 19, VII, 4).
Le cas des autres membres du bureau n’est en revanche pas évoqué.
Notons encore que, s’agissant des indemnités des élus communautaires prévues à l’article L. 5211-12 du CGCT, il est précisé que les dispositions prévoyant l’adoption d’une délibération y afférente dans un délai de trois mois suivant l’installation du conseil communautaire ne sont pas applicables à l’organe délibérant d’un EPCI à fiscalité propre renouvelé au complet à l’issue de ce premier tour et de l’élection subséquente du maire et des adjoints de ses communes membres (article 19, XI).
Par ailleurs, la loi indique qu’en cas d’absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le président est provisoirement remplacé dans les mêmes conditions par un vice président dans l’ordre des nominations ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé (article 19, VII, 4).
c – Les pouvoirs et le fonctionnement des organes des EPCI à fiscalité propre
S’agissant du fonctionnement des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre, le texte précise d’ores et déjà que le rapport qui sera remis au parlement le 23 mai 2020 (article 19, II) devra se prononcer sur les précautions à prendre pour l’organisation d’une réunion des conseils communautaires (article 19, II, 2°), l’article 10 prévoyant néanmoins que pendant la durée d’état d’urgence sanitaire (c’est-à-dire dans une période incluant notamment la période précédant ce rapport) les conseils communautaires pourront se réunir valablement, par dérogation aux règles de quorum, si un tiers des membres en exercice est présent.
Par ailleurs, cet article prévoit qu’un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance papier préservant la sécurité du vote peut être mis en œuvre dans des conditions fixées par un décret à intervenir, toujours pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, sauf lorsqu’est requis le vote à bulletin secret.
Un certain nombre de questions demeurent néanmoins en suspens quant aux règles applicables jusqu’au second tour, par exemple, sur l’étendue de leurs interventions, même si l’article 10 de la loi prévoit notamment des règles spécifiques de quorum et la possibilité d’un dispositif de vote électronique et par correspondance dans les conditions fixées par décret.
L’ordonnance qui sera adoptée par le Gouvernement pourrait comporter des précisions en la matière, l’article 11, I, 8° a) précisant en effet que le Gouvernement pourra prendre toute mesure permettant de déroger « Aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs organes exécutifs, y compris en autorisant toute forme de délibération collégiale à distance ».
2 – Dispositions relatives aux syndicats de communes et aux syndicats mixtes
L’article 19 (X) de la loi prévoit que :
« Nonobstant toute disposition contraire, le mandat des représentants d’une commune, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte fermé au sein d’organismes de droit public ou de droit privé en exercice à la date du premier tour est prorogé jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par l’organe délibérant. Cette disposition n’est pas applicable aux conseillers communautaires » .
Avant même, d’indiquer avec précision le champ d’application des dispositions du X de l’article 19 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid 19, il faut préciser que l’ensemble des règles présentées ci-après sont inapplicables aux EPCI-FP puisque celui-ci énonce que « Cette disposition n’est pas applicable aux conseillers communautaires ».
Au demeurant, le texte prévoit que certains mandats des représentants au sein des « organismes de droit public » sont prorogés. D’emblée, précisons que, si ce terme a un sens particulier en droit de l’Union européenne de la commande publique, la notion d’ « organismes de droit public » n’est pas définie par la loi.
La DGCL, dans la circulaire publiée le 23 mars 2019, faisant la synthèse des dispositions concernant les collectivités territoriales et leurs groupements, fait, elle, référence à la notion « d’organismes extérieurs ».
En tout état de cause, il nous semble possible de considérer que la notion d’organismes de droit public à vocation à s’appliquer aux syndicats, qu’ils soient intercommunaux ou mixtes.
Le législateur identifie en outre très précisément les représentants des collectivités qui peuvent proroger leurs mandats au sein de ces « organismes de droit public » :
-ceux des communes ;
-ceux des EPCI, soit en vertu de l’article L.5210-1-1 A du CGCT, les représentants des syndicats de communes, des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des métropoles ;
-ceux des « syndicats mixtes fermés ».
Ajoutons que seuls les représentants en exercice à la date du premier tour verront leurs mandats prorogés.
Dès lors, il convient de relever que la prorogation des représentants au sein d’organismes de droit public et de droit privé de certaines personnes publiques n’est pas prévue :
-ceux des syndicats mixtes ouverts ;
-ceux des collectivités à statut particulier comme la Métropole de Lyon ou la Ville de Paris.
Il est à noter qu’aucune disposition relative à la prorogation des fonctions des Présidents et des Vice-Présidents n’est explicitement prévue pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes, contrairement à celles évoquées pour les EPCI à fiscalité propre, ni de règle explicite concernant les délégations dont ceux-ci bénéficient.
Par Clara Zurbach et Margaux Davrainville, Cabinet Seban & Associés