Déconfinement : un rôle crucial pour les élus locaux

Philippe Pottiée-Sperry
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Un desserrement du confinement plutôt qu’un déconfinement, telle a été la tonalité générale du discours du Premier ministre sur la présentation du plan gouvernemental, le 28 avril, devant les députés, qui l’ont ensuite adopté (sur 571 votes, 368 pour, 100 contre et 103 abstentions).

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« Si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai, ou nous le ferons plus strictement », a-t-il d’emblée prévenu. La décision sera prise le 7 mai. A cette date seront également connus les départements les plus touchés par l’épidémie qui connaîtront un déconfinement « plus strict ». Il s’agit en réalité, à compter du 11 mai, d’une première phase de déconfinement de trois semaines, sachant qu’une nouvelle étape s’ouvrira le 2 juin, à nouveau pour trois semaines, avec des mesures dépendant du niveau de l’épidémie. Rendez-vous est donné, fin mai, pour évaluer la première phase et décider des conditions d’organisation de la deuxième phase. A ce moment-là aussi devrait être décidé l’organisation de la période estivale.

Le discours du Premier ministre s’est voulu ferme en mettant en garde contre tout relâchement. Le risque d'une seconde vague qui imposerait un reconfinement est à « prendre au sérieux », a-t-il prévenu. Un propos également grave qui appelle chacun à ses responsabilités, en particulier les Français.

Différenciation locale

Edouard Philippe a plaidé pour « adapter localement » le plan afin de tenir compte des « réalités de terrain ». « La circulation du virus n’est pas uniforme dans le pays, a-t-il reconnu. Il est nécessaire de prendre en compte ces différences dans la stratégie de déconfinement ». En pratique, cela signifiera un cadrage national puis la possibilité d’une différenciation laissée aux autorités locales, en particulier au couple maire-préfet, pour « adapter la stratégie nationale en fonction des circonstances ».

De plus, en fonction des données épidémiologiques, le déconfinement sera différencié entre les départements « rouges », où il sera plus strict, et les « verts ». Ainsi, à partir du 30 avril, le directeur général de la Santé présentera chaque jour l’évolution de l’épidémie dans chaque département, en fonction de trois critères (nombre de nouveaux cas sur sept jours, état des capacités hospitalières, système local de tests).

Présentation aux associations d’élus locaux

Aujourd’hui 29 avril, Edouard Philippe présente le plan de déconfinement aux différentes associations d’élus locaux, puis aux préfets. Il le fera également, le 30 avril, auprès des partenaires sociaux.

Le Premier ministre a précisé qu’un projet de loi, présenté lors d’un conseil des ministres exceptionnel le 2 mai, sera discuté la semaine prochaine au Parlement pour « autoriser la mise en œuvre des mesures nécessaires à l'accompagnement du déconfinement ». De plus, ce texte prolongera l’état d’urgence sanitaire, au-delà du 23 mai, « peut-être jusqu’au 23 juillet ».

A partir du 11 mai, les attestations pour se déplacer près du domicile ne seront plus obligatoires, sauf pour les déplacements au-delà de 100 kilomètres, autorisés pour « un motif impérieux, familial ou professionnel ». Les transports interrégionaux seront réduits « au maximum ».

Réouverture par étapes des écoles

« Le retour des enfants est un impératif pédagogique et de justice sociale », a affirmé le Premier ministre. Une fois le principe énoncé, la mise en pratique reste pour le moins complexe. La réouverture sera très progressive pour les maternelles et les écoles élémentaires à partir du 11 mai, « partout sur le territoire et sur la base du volontariat ». A ce sujet, les parents semblent inquiets comme l’indiquent plusieurs sondages. Selon une enquête Yoopies (1), seulement 45,54% des parents ont l’intention d’envoyer leur enfant à l’école

La seconde étape concernera la réouverture des collèges, en commençant par les cinquièmes et sixièmes. La méthode est donc progressive. Il pourrait s’agir du 18 mai dans les départements où la circulation du virus est très faible. Concernant les lycées, une décision sera prise fin mai pour une éventuelle réouverture début juin, en privilégiant les lycées professionnels.

Dans tous les établissements, les classes ne pourront pas regrouper plus de 15 élèves. Le port du masque sera obligatoire au collège. Pour les collégiens, l’Etat fournira des masques pour ceux « qui n'auront pas pu s'en procurer ». De même, le Premier ministre a promis des masques pour tous les enseignants et les encadrants.

Les crèches seront rouvertes à partir du 11 mai avec des groupes de 10 enfants maximum. Des « priorités d'accueil » pourraient être mises en place. Le port du masque grand public sera obligatoire pour les professionnels de la petite enfance « puisque les règles de distanciation physique ne peuvent pas y être appliquées ». Il n'y aura pas de port du masque pour les enfants de moins de trois ans.

« Il y aura assez de masques »

« Il y aura assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai ». C’était l’une des annonces, très attendue, d'Edouard Philippe. Mais le volume sera-t-il suffisant ? La question reste entière.

Le gouvernement soutiendra « les collectivités territoriales qui achètent à compter de ce jour des masques grand public en prenant en charge 50% du coût des masques dans les limites d'un coût de référence ». Et d’ajouter : « Nous recevons près de 100 millions de masques par semaine et nous recevrons près de 20 millions de masques grand public lavables à compter du mois de mai ».

« Progressivement, nous parviendrons à une situation classique, où les Français pourront, sans risque de pénurie, se procurer des masques grand public dans tous les commerces », a aussi promis le chef du gouvernement. Le port du masque sera obligatoire dans les transports publics.

700 000 tests virologiques

Quelque 700 000 tests virologiques seront disponibles en France chaque semaine, à partir du 11 mai. Ils seront pris à 100% en charge par l'Assurance maladie. Toute personne testée positive sera immédiatement isolée. « L'isolement n'est pas une punition, c'est une mise à l'abri. Il doit donc être expliqué, consenti et accompagné », a expliqué le Premier ministre. Dès qu’une personne aura été testée positive, il sera engagé un travail d’identification et de test de tous ceux, symptomatiques ou pas, qui auront eu un contact rapproché. Chaque département constituera « des brigades de remontée des cas contact ». Elles devraient se composer de médecins, d’infirmiers ou de personnels de l’Assurance maladie.

Décision fin mai pour les cafés/restaurants

Les entreprises sont appelées à maintenir le télétravail pour les trois prochaines semaines et à mettre en place des horaires décalés. Les marchés et les commerces vont rouvrir le 11 mai, en devant suivre un cahier des charges strict pour faire respecter les distances minimales. « Le port du masque sera recommandé pour le personnel et les clients, a indiqué Edouard Philippe. Un commerçant pourra subordonner l'entrée au port du masque ».

Pour les cafés et les restaurants, la date de réouverture sera décidée fin mai. La date de mi-juin a déjà été plusieurs fois évoquée. Par ailleurs, pour éviter de « vastes mouvements de population », « les préfets pourront ne pas laisser ouvrir les centres commerciaux de plus de 40 000 mètres carrés ».

Rassemblements limités à 10 personnes

Les rassemblements publics comme privés ne devront pas dépasser 10 personnes. Les parcs et jardins ne pourront rouvrir que dans les départements où « le virus ne circule pas de façon active ». Les plages resteront inaccessibles au public « au moins jusqu'au 1er juin ». Si les bibliothèques et les petits musées pourront rouvrir le 11 mai, en revanche cela ne pas possible « au moins jusqu’au 2 juin » pour les grands musées, les cinémas, les théâtres, les salles de fête. Par ailleurs, il n'y aura pas de cérémonies religieuses avant le 2 juin. Les cérémonies funéraires continueront d'être organisées « dans la limite de 20 personnes ».

Concernant les personnes âgées, il n’y a pas d’interdiction mais une forte incitation. « Nous demandons à nos aînés de continuer à se protéger, (…) qu’ils respectent des règles de confinement similaires à la période de confinement », a ainsi affirmé Edouard Philippe en précisant qu’« il n’y aura pas de contrôle ni d’attestation nécessaire ».

« Un cap clair » pour les régions

Parmi les premières réactions, le président de Régions de France, Renaud Muselier, « salue » le discours d'Edouard Philippe. « Le Premier ministre a fixé un cap clair, estime-t-il. Je souhaitais un calendrier, une méthode et la différenciation. Nous avons en plus la progressivité ! Le desserrement du confinement commence, la vie va reprendre son cours par étapes ».

Selon l’association, « en cohérence avec leur compétence économique, les régions apporteront leur pleine contribution à l’adaptation locale du déconfinement pour permettre aux commerces, aux entreprises et aux chantiers de redémarrer dans le respect des gestes barrières ». Elles se disent prêtes à tenir leur rôle pour accompagner l’approvisionnement en masques du tissu économique, en particulier les TPE, dans le cadre des centrales d’achat qu’elles ont mises en place. Parmi leurs regrets : la non réouverture pour l’instant des hôtels, cafés et restaurants dans les départements « verts », où le virus est très peu présent. Concernant l’éventuelle réouverture des lycées, elle souhaite rapidement une réunion de travail avec le ministre de l’Education nationale pour « évaluer le sens d’une réouverture aussi proche de la fin de l’année scolaire, ainsi que les spécificités des lycées professionnels ».

Les maires demandent à l’Etat des compensations financières

Dans un communiqué commun, l’AMF et France urbaine sont satisfaites d’une « organisation de la sortie de confinement autour des préfets de département et des maires » et de l’ouverture à « des adaptations locales et de la souplesse dans la mise en œuvre du plan national ». Concernant l’ouverture ou non des écoles et des crèches, elles demandent une « concertation étroite entre les maires, les préfets et les autorités compétentes (DASEN, PMI) ». Par ailleurs, les deux associations insistent pour « clarifier la question de la prise en charge financière par l’Etat des surcoûts liés au déconfinement et à la fourniture du matériel nécessaire ainsi que la responsabilité pénale des collectivités en tant qu’employeurs et en tant que structures accueillantes ».

Pour sa part, l’APVF (Association des petites villes de France) « salue un plan de déconfinement cohérent basé sur le triptyque : ‘protéger, tester, isoler’ ». Elle se dit satisfaite d’un « plan progressif et adapté aux réalités des territoires » dont les modalités « pourront être adaptées aux spécificités des territoires en lien avec les maires et les préfets ». Néanmoins, elle regrette le manque de précisions, à ce stade, sur « la répartition des rôles et des compétences entre les collectivités et l’Etat, et les moyens d’action dont pourront disposer les maires pour mettre en œuvre les plans locaux de déconfinement ». L’APVF demande, dans le cadre du déconfinement, un renforcement des pouvoirs de police spéciale du maire ou la possibilité de réunir un conseil local de coordination avec les acteurs sanitaires locaux et les services de l’Etat pour faire un point régulier sur la situation sanitaire de leur territoire. Plus globalement, comme l’AMF et France urbaine, l’APVF demande à l’Etat des mesures pour « compenser les dépenses exceptionnelles et voter des budgets en équilibre ».

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Etude nationale « Travail et reprise de l’école progressive – comment allez-vous vous organiser ? », réalisée par Yoopies auprès d’un échantillon de 1740 personnes interrogées les 23 et 24 avril 2020.

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