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Le rapport Cazeneuve prône un plan de relance territorialisé

Philippe Pottiée-Sperry
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Jean-René Cazeneuve, député (LREM) du Gers et président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale a rendu, le 29 juillet, son rapport final sur l’impact du Covid-19 sur les finances locales au Premier ministre.

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Tout d’abord, il rappelle que les collectivités et les élus locaux ont été en première ligne pour lutter contre la pandémie et ses conséquences. « Dès le début du confinement et tout au long du déconfinement, ils ont, en complément de l’action de l’Etat, multiplié les initiatives et mobilisé de nombreuses ressources pour protéger leurs concitoyens, développer de nouvelles solidarités, maintenir les services publics et soutenir les tissus économiques et associatifs locaux », souligne-t-il.

Jean-René Cazeneuve a rencontré plus d’une centaine de présidents de collectivités et de maires et a travaillé avec les administrations et les cabinets ministériels, en indiquant avoir étudié « l'ensemble des effets de la crise sur les collectivités de la manière la plus objective possible, sur trois années et par niveau de collectivité ».

Impact de la crise : 7,3 Md€ en 2020

Le rapport chiffre l’impact « violent » de la crise sur les collectivités à 7,3 Md€ en 2020 par rapport à 2019. Il concerne à la fois les baisses de recettes fiscales, les pertes de recettes tarifaires mais aussi les dépenses supplémentaires exceptionnelles engagées. L'impact subi par chaque niveau de collectivité est très variable, « ce que justifie des réponses adaptées et sur mesure ». Le rapport formule ainsi 32 recommandations pour soutenir les collectivités.

Remis au gouvernement fin mai, le premier rapport Cazeneuve sur les mesures de soutien d’urgence aux collectivités a servi à alimenter le volet de soutien de 4,5 Md€ aux collectivités dans la 3ème loi de finances rectificative (LFR 3), publiée le 31 juillet au JO. Selon Jean-René Cazeneuve, ces mesures déjà votées ont un impact concret en 2020 et jouent un rôle d'amortisseur : « la baisse de la capacité d'autofinancement des collectivités devrait être de 9% (contre 25% si rien n'avait été fait) permettant ainsi d'assurer la continuité de leurs investissements ». Et d’estimer que les collectivités bénéficieront d'un rebond de leurs ressources dès 2021 : les recettes réelles de fonctionnement retrouveront quasiment en 2021 leur niveau de 2019. Ce rebond ne sera cependant pas généralisé.

Reconnaissant que les mesures de la LFR 3 ne seront pas suffisantes, le député du Gers juge nécessaire de donner encore plus de visibilité aux collectivités afin qu'elles puissent investir massivement. Il préconise ainsi une série de mesures qui repose sur trois piliers. Le premier consiste à donner un rôle de premier plan aux collectivités dans le cadre du plan de relance : conférence nationale des territoriales, contrats de plan Etat-Régions, contrats locaux de relance.

Associer les collectivités à toutes les étapes

Il s’agirait tout d’abord de donner aux collectivités de la visibilité sur leurs ressources au travers d’une loi de programmation des finances publiques locales. Une revendication ancienne des associations d’élus locaux qui semble donc avoir de bonnes chances d’aboutir. Le rapport plaide surtout pour construire un plan de relance territorialisé partant des initiatives locales et associant les collectivités à toutes les étapes. La démarche s’appuierait sur trois volets : un volet national avec l’organisation d’une nouvelle Conférence nationale des territoires tournée vers l’investissement et le plan de relance (le rapport souhaite une réunion rapide de cette conférence) ; un volet régional avec une remise à plat du partenariat Etat-régions en matière d’investissement qui tire pleinement parti de la programmation des fonds européens ; un volet local avec des contrats locaux de relance comprenant des engagements mutuels sur un objectif pluriannuel d’investissement fléchés vers des priorités partagées.

« Ce sont les collectivités qui connaissent le mieux les priorités de leurs territoires », souligne le rapport. Et d’insister sur le fait qu’elles interviennent sur plusieurs secteurs majeurs pour la relance (énergie, eau, déchets, mobilité, gestion du bâti et de l’éclairage public…). Pour se traduire concrètement, le plan de relance territorialisé devrait s’appuyer surtout sur le couple « région-intercommunalité ».

Les régions, chefs de file de la relance

Le rapport Cazeneuve plaide pour faire des régions les chefs de file de la relance. Concernant la nouvelle génération de contrats de plans Etat-régions (CPER) 2021-2027, devant être bouclée d'ici fin 2020 pour un démarrage en 2021 pour six ans, « l’Etat et les régions doivent saisir l’occasion de l’alignement entre les futurs CPER et le calendrier des fonds européens exceptionnels pour renouveler leur partenariat à l’aune de la crise ». Une partie des fonds européens pourrait être directement confiée à la gestion des régions. Les CPER pourront ainsi être revus, élargis et transformés en intégrant les priorités du plan de relance et en tirant les leçons de la crise.

Un rôle renforcé pour le secteur bancaire

Dans le détail financier et fiscal, le député du Gers recommande d’assouplir temporairement les délais et les règles en matière d’appel d’offre en adaptant les seuils et les formalités requises pour accélérer la commande publique. Autre proposition : assouplir le mode d’engagement des fonds DETR-DSIL-DPV pour permettre une meilleure exécution des sections d’investissement en 2020. Il faut aussi, selon lui, accroître les dotations de soutien à l’investissement des collectivités à l’appui de priorités partagées avec l’Etat : transition énergétique, mobilité, logement, numérique.

Concernant les établissements bancaires, il leur demande de la souplesse dans la gestion de la dette des collectivités afin de dégager des marges exceptionnelles. Autre demande : assouplir la réglementation bancaire afin d’autoriser les établissements à ne pas mobiliser de fonds propres en face de leurs prêts aux collectivités. Le rapport Cazeneuve milite aussi pour donner au secteur bancaire une place renforcée dans les plans de relance territorialisés. De plus, il veut encourager la mobilisation par les collectivités des financements fléchés vers les investissements durables offerts par les banques publiques et privées.

Nouvelles mesures de soutien dans la loi de finances 2021

Par ailleurs, le député du Gers estime que la loi de finances pour 2021 doit contenir de nouvelles mesures de soutien afin d’aider les collectivités pour lesquelles l’impact de la crise s’étalera dans le temps et de préserver à nouveau leur capacité à investir. Il faudrait reconduire en 2021 la garantie de ressources créée pour les collectivités du bloc communal en la faisant porter uniquement sur les recettes fiscales. Autre mesure : créer une « clause de sauvegarde » pour les départements en maintenant le fonds de péréquation des DMTO à son niveau 2020 grâce à une compensation de l’Etat. Toujours en faveur des départements, il plaide pour neutraliser le fonctionnement du fonds départemental de péréquation de la CVAE en 2021 ou suivre l’évolution des dépenses sociales des départements pour préparer une éventuelle intervention de l’Etat. En direction des régions, il préconise d’octroyer en 2021 une garantie portant sur le maintien de leurs recettes fiscales sur la base de la moyenne de leurs ressources 2017-2019 (2018-2020 pour la CVAE).

Amortir les impacts d’une future crise

A plus long terme, et afin de tirer les leçons de la crise, Jean-René Cazeneuve suggère plusieurs mesures pour tous les niveaux de collectivités : loi de programmation des finances locales ; outils comptables permettant la constitution de réserves « anti-crise » ou fléchées vers l’investissement ; serpent budgétaire pour encadrer les variations de ressources. Ainsi, la mise en place d’un fonds collectif de garantie de ressources (« serpent budgétaire ») permettrait de lisser à la hausse et à la baisse les variations de ressources.

Autres préconisations : réfléchir à la recentralisation du RSA, accroître la péréquation horizontale entre les régions, avancer le versement par l’Etat aux collectivités du solde de la CVAE en année N+1, amorcer une nouvelle génération de contrats orientés sur le plafonnement de la croissance des recettes et sur des engagements en matière d’investissement…

Philippe Pottiée-Sperry

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