Le Sénat vent debout contre le projet de consigne pour recyclage

Philippe Pottiée-Sperry
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En discussion en séance publique le 24 septembre au Sénat, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a déjà été pas mal retouché, le 17 septembre, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

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Sévère, elle estime que le texte « fait l’impasse sur des sujets majeurs tout en portant un projet de consigne pour recyclage sur les bouteilles en plastique qui apparaît comme un recul écologique ». Pour les sénateurs, « cette consigne permettrait en réalité, à rebours des évolutions désormais nécessaires, de « sauver » durablement la bouteille en plastique à usage unique en verdissant son image, tout en reportant le coût sur le consommateur, sur les industriels des autres emballages restant dans le bac jaune et les collectivités locales, en affaiblissant le service public de gestion des déchets ».

Priorité au réemploi

Sur proposition de la rapporteure (LR) et de plusieurs sénateurs de son groupe, comme d’autres groupes (socialiste, centriste et communiste), la commission a recentré la consigne sur le réemploi, qu’elle juge plébiscitée par les Français. « Le gouvernement prétend que la consigne est une avancée écologique majeure. En réalité c’est tout le contraire puisqu’elle conduit à conforter la production de plastique et qu’elle monétarise un geste éco citoyen aujourd’hui bien intégré », a estimé Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Même jugement sévère pour Marta de Cidrac, rapporteure du projet de loi, qui dénonce « un outil du passé, reposant sur la perpétuation d’une production aveugle de plastique alors que le véritable enjeu du 21ème siècle consiste précisément à en produire moins ».

Impact financier sur les collectivités

D’un point de vue économique, la commission estime que la consigne entraînerait une ponction sur les consommateurs de 150 à 200 M€. De même, son impact financier sur les collectivités gestionnaires de déchets pourrait atteindre 150 M€. Et de signaler que la perspective de la mise en œuvre d’une consigne a conduit récemment de nombreuses intercommunalités à suspendre leurs plans d’investissement destinés à moderniser leurs centres de tri (décisions qui avaient été prises dans la perspective de l’extension de la consigne de tri d’ici 2022). La commission sénatoriale estime que cette suspension, voire cet abandon d’investissements, s’élèverait à 400 M€. « Les collectivités les plus performantes en matière de collecte sélective seront mécaniquement les plus pénalisées (prime à la « sous-performance »), avec un risque de répercussion sur le contribuable local pour maintenir la qualité du service public de gestion des déchets », ajoute la commission.

Mise en garde de l’AdCF

L’Assemblée des communautés de France (AdCF) a réagi en soutenant la position de la commission sénatoriale. Et d’indiquer : « au vu du manque de précision apportée sur les autres dispositifs de consigne envisagés pour recyclage (produits visés, calendrier, modalités de mise en œuvre, incidences sur les comportements de tri des ménages), l’AdCF met en garde contre toute annonce précipitée et toute législation prématurée ou insuffisamment précise ». Au nom des autorités organisatrices du service public de collecte des déchets et chargées de le financer, l’AdCF affirme « ne pas imaginer que l’élargissement des systèmes de consigne puisse être envisagé sans l’accord de celles-ci et sous la pression des seuls groupes industriels intéressés ».

Renforcer la lutte contre les dépôts sauvages

Parmi les amendements déposés, la commission sénatoriale a ajouté plusieurs dispositions, notamment pour lutter contre l’ensemble des déchets plastiques, en s’attaquant au suremballage, à la production excessive de plastique et aux pollutions de l’eau et des milieux aquatiques par les déchets. Pour promouvoir le réemploi et la réparation, la commission propose la création d’un fonds d’aide à la réparation permettant de prendre en charge une partie de ces coûts, souvent dissuasifs. Autre axe : renforcer la lutte contre les dépôts sauvages. La commission propose notamment ici de renforcer les pouvoirs de police des maires pour lutter contre ces dépôts, en leur permettant de mutualiser les moyens au niveau de l’intercommunalité ou en habilitant certains agents territoriaux à verbaliser les infractions.Selon Hervé Maurey, « le texte du gouvernement propose des mesures positives telles que l’élargissement des filières REP notamment dans le domaine du bâtiment, mais il n’est malheureusement pas à la hauteur de la nécessaire « accélération écologique » annoncée par le Premier ministre ».Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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