Méconnaissance des élus sur le statut et les sujets RH

Philippe Pottiée-Sperry
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« Les collectivités et leurs agents ont été des acteurs incontournables pour accompagner la population, assurer sa protection et prendre en charge sur le plan économique et social les plus fragiles ».

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François Deluga, président du CNFPT et coprésident de la commission « FPT et ressources humaines » de l’AMF, a insisté sur le rôle des agents territoriaux durant la crise sanitaire, lors de la présentation, le 3 mars, du 6ème baromètre HoRHizons sur les grandes tendances de l’emploi territorial (effectifs, recrutement, égalité, apprentissage, départs à la retraite, formation, télétravail…). Cette enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de plus de 1000 collectivités et établissements publics territoriaux (1), par le cabinet Qualitest pour l’AMF, le CNFPT, la FNCDG, l’ADF et Régions de France (RdF). Son objectif : rendre compte de l’état réel de la gestion des RH des collectivités et analyser ses évolutions par rapport aux années précédentes. Murielle Fabre, maire de Lampertheim et vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, mais aussi coprésidente de la commission « FPT et RH » de l’AMF, juge « indispensable de renforcer l’attractivité des métiers de la FPT. La crise a montré que les agents territoriaux étaient bien là durant la crise ».

Le rôle méconnu d’employeur territorial

En cette année de renouvellement municipal et intercommunal, le baromètre 2020 montre la méconnaissance des élus sur le statut et les sujets RH. « Ils n’ont pas vraiment conscience de leurs responsabilités en tant que maire-employeur », pointe Murielle Fabre. Ce rôle d’employeur reste ainsi mal connu par rapport à d’autres priorités. 69,2% des élus n’ont pas suivi de formation spécifique sur la fonction d’employeur territorial. Si la moitié estime que le statut de la fonction publique territoriale (FPT) est un outil « plutôt adapté » à la gestion des RH, 30,3% le jugent comme une contrainte. A noter que 20% ne répondent pas compte tenu de leur connaissance insuffisante du statut.

Méconnaissance aussi des dispositions de la loi « Fonction publique » du 6 août 2019 pour laquelle plus d’un élu sur deux reconnaît ignorer les dispositions. Murielle Fabre insiste pourtant sur les enjeux importants de cette loi pour les élus avec « beaucoup de choses à mettre en œuvre comme par exemple les lignes directrices de gestion, l’élargissement du recours aux contractuels ou l’égalité femmes-hommes ».

Besoin de souplesse sur la gestion statutaire

Autre chiffre révélateur : 70,3% des élus n’ont pas établi les orientations stratégiques définissant leurs politiques RH. L’enquête souligne par ailleurs le besoin de souplesse exprimé par les employeurs locaux en matière de gestion statutaire afin de diversifier leurs recrutements et de les adapter aux missions de service public. Pour les élus, la loi « Fonction publique » répond en partie à ces attentes et introduit plusieurs mesures jugées « innovantes » telles que le recours élargi aux contractuels ou l’expérimentation de la rupture conventionnelle.

L’impact RH de la crise sanitaire

Le baromètre HoRHizons souligne également les effets de la crise sanitaire sur la gestion et la continuité des services publics locaux. Les présidents de l’AMF, le CNFPT, la FNCDG, l’ADF et RdF saluent « l’exceptionnelle réactivité de toute la FPT ainsi que les investissements réalisés dans de nouveaux outils d’organisation du travail ou dans les mesures de protection prises pour protéger la santé des agents ou des usagers ». Les plans de continuité d’activité (PCA) qui visent à s’assurer, en cas de crise, du maintien des missions essentielles à la continuité du service public préexistaient dans la totalité des régions, contre environ 9% pour les communes de moins de 3500 habitants et les communautés de communes. Les employeurs ont tenu à reconnaître l’engagement des personnels. 39,2 % d’entre eux déclarent avoir délibéré pour instaurer une « prime Covid » et 5 % envisagent de le faire prochainement.

Boom du télétravail surtout dans les grandes collectivités

L’enquête indique que les agents territoriaux ont majoritairement exercé leurs missions en présentiel pendant le confinement (du 17 mars au 11 mai 2020). Pour 40 % des répondants, au moins la moitié de leurs agents étaient sur le terrain durant cette période. La crise a aussi fait émerger de nouvelles pratiques professionnelles. Jusqu’alors marginale, la pratique du télétravail des agents s’est notamment développée au fil des mois. Si seulement 13,7 % des collectivités ont déjà formalisé un accord de télétravail, 10 % envisagent de mettre en place un tel dispositif. Sans surprise, de fortes disparités existent ici selon la taille de la collectivité. Beaucoup plus facilitée dans les régions (100 %) et les départements (92,3 %), la mise en œuvre du télétravail est plus difficile dans les communes de moins de 3500 habitants (6 %) et même dans celles de plus de 20 000 habitants (21,4 %). Une difficulté qui s’explique en partie par des métiers exercés peu « télé-travaillables ». Enfin, seuls 13,3% des collectivités déclarent que leurs agents avaient fait valoir leur droit de retrait.

Le RIFSEEP instauré dans 58% des petites communes

Par ailleurs, le baromètre indique que les dépenses de personnel stagnent pour 57 % des collectivités (+ 2 points par rapport à 2019). Parmi les facteurs d’évolution des dépenses : les effets de la situation sanitaire, l’évolution de la masse salariale liée aux promotions et avancements ainsi que des nouveaux recrutements liés à des besoins d’expertise.

Mis en œuvre par 70 % des collectivités, le nouveau régime indemnitaire (RIFSEEP) est généralisé dans la totalité des métropoles, des communautés urbaines et des communautés d’agglomération et a été instauré dans 57,8 % des communes de moins de 3500 habitants répondantes. Le CIA (complément indemnitaire annuel) a été activé par plus de 73 % des collectivités et des EPCI, soit + 12 points en un an et + 32 points en deux ans.

Perspectives de recrutement en hausse

Les perspectives de recrutement continuent de progresser et concernent surtout les grandes collectivités. Au global, 44 % des collectivités et intercommunalités envisagent de recruter prochainement, soit + 6 points en un an. Dans 53,9 % des cas, ces recrutements sont liés à des départs en retraite. « Une attention particulière devra être portée à l'anticipation des départs en retraite car plus de 45% des agents titulaires seront potentiellement en âge de partir d'ici à 2030 », a précisé Michel Hiriart, le président de la FNCDG, lors de la présentation du baromètre HoRHizons.

Les créations de poste envisagées concernent principalement le secteur technique (50,6%), les fonctions support (40,1%), le secteur de l’enfance, l’éducation et la jeunesse (25,3 %). Les créations de postes dans la sécurité (en forte tension) sont en progression importante (+ 15 % contre + 8 % en 2019). Selon François Deluga, « la crise sanitaire ayant montré la nécessité d'un service public local fort, les recrutements devraient être plus nombreux dans le secteur social et plus généralement là où la présence humaine est importante ».

Demande de formations mixtes

La politique de formation des collectivités s’articule principalement autour des formations obligatoires (74 %), du développement des formations statutaires (59,4 %) et des formations d’accompagnement à une prise de poste (56,4 %). Sur le plan des modalités pédagogiques, les formations mixtes (présentiel/distanciel) sont souhaitées par la majorité des collectivités (53,9 %). Dans le détail, elles sont fortement plébiscitées par les régions (100 %), les départements (90,9 %) ou les communes de plus de 20 000 habitants (81,5 %). Seules 19,1% des collectivités ont engagé une politique d’aménagement ou de réorganisation des modalités de travail contre près de 3 collectivités sur 10 en 2019. Autre résultat : seuls 3,8 % des employeurs ont engagé une négociation pour encadrer le droit de grève tel cela est prévu par la loi du 6 août 2019. Ces négociations ont abouti à la conclusion d’un accord pour 36,8% de ces collectivités.

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Enquête CNFPT réalisée par le cabinet Qualitest entre le 5 et le 30 octobre 2020 auprès d’un échantillon représentatif de 1093 collectivités et établissements publics territoriaux dont 4 régions, 28 départements, 906 communes, 32 communautés d’agglomération, 120 communautés de communes, 1 communauté urbaine et 2 métropoles.

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