Mixité des modes de gestion des services publics locaux

Philippe Pottiée-Sperry
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En partenariat avec l’Institut de la gestion déléguée (IGD), trois associations d’élus locaux (Villes de France, France Urbaine et l’AdCF) viennent de publier l’Atlas 2019 des modes de gestion des services publics locaux (1) qui concerne toutes les villes et intercommunalités de plus de 30 000 habitants. Constituant la 3ème édition depuis 2013, il réactualise les données et élargit l’échantillon des collectivités étudiées (plus de 220 qui représentent près de 47 millions d’habitants).

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L’atlas propose la cartographie des modes de gestion de 13 grands services publics locaux : distribution de l’eau, assainissement, collecte des déchets, valorisation des déchets, transports urbains, stationnement, réseaux de chaleur, éclairage public, restauration collective, accueil collectif de la petite enfance, centres des congrès, équipements sportifs et équipements culturels.

Trois grandes catégories

Les différents modes de gestion ont été regroupés en trois ensembles. Tout d’abord la gestion directe où la collectivité gère directement le service en régie. Elle assume le fonctionnement avec ses propres moyens et ses propres agents. Dans certains cas, la régie peut être confiée à un établissement public ad hoc. Il est aussi fait de plus en plus appel à des sociétés publiques locales (SPL), entreprises satellites de la collectivité 100% publiques. Deuxième catégorie : la gestion déléguée avec toutes les formes de contrats de long terme (délégations de service public, contrats de partenariat, contrats de gestion complète), avec une mission globale (conception, exploitation, entretien…), un financement privé et une prise de risque par une personne morale de droit privé (sociétés à capitaux privés, sociétés d’économie mixte locale, entreprises publiques nationales et leurs filiales).Troisième catégorie : la mixité des modes de gestion. Pour certains secteurs, les collectivités recourent à une gestion directe et à une gestion déléguée dans un même service public (par exemple, pour la restauration collective, les modes de gestion sont différents entre la cuisine centrale, les cantines et les portages à domicile) ou pour la gestion d’équipements (par exemple, pour le stationnement, dans une même ville, les parkings en ouvrage seront en DSP, alors que le stationnement sur voirie sera en régie).

Pas de privatisation du service public

Parmi ses différents intérêts, l’atlas permet de couper court à certaines idées reçues sur la gestion des services publics locaux et d’affirmer qu’il n’y a pas de privatisation du service public lorsqu’il est délégué, ni de mouvement de fond vers tel ou tel mode de gestion, mais toujours des choix libres et réversibles.« Contrairement à une idée reçue largement répandue, le choix du mode de gestion desservices publics locaux n’a pas de lien avec l’appartenance partisane des exécutifs locaux », précise également Hubert du Mesnil, le président de l’IGD. Et l’atlas de citer notamment Nice avec une forte réintégration en gestion directe, alors que Sénart ou Montreuil font surtout appel à la gestion déléguée. L’explication se trouve donc beaucoup plus dans des héritages locaux et, encore plus, dans le choix clairement assumé du mode de gestion qui apparait aux élus comme étant le mieux adapté à leur situation, à leurs moyens financiers, humains et techniques. Un choix donc pragmatique, voire technique, et non pas politique.

Un choix avant tout pragmatique

Il ressort donc qu’il n’y a pas un territoire gérant ses services publics de la même manière. Ce qui renforce l’idée d’un choix avant tout pragmatique. Il existe néanmoins des tendances lourdes, liées certainement à la technicité ou à la complexité de certains services publics, mais il n’y a pas d’uniformité. L’atlas remarque que lorsqu’une collectivité reprend un service en gestion directe, elle opte de plus en plus souvent pour la création de SPL (société publique locale) plutôt que pour la régie. Ces nouvelles SPL, créées à l’échelle intercommunale, ont souvent pour actionnaires les communes qui composent la communauté d’agglomération.Autre leçon : la gestion déléguée concerne de plus en plus les secteurs nécessitant des savoir-faire et des process technologiques complexes. Sont ainsi majoritairement en gestion déléguée les réseaux de chaleur (72%), les transports urbains (75%) et les centres des congrès et zéniths (46%). En revanche, la gestion directe prédomine dans les secteurs tels que l’éclairage public (62%), la collecte des déchets (53%) et la restauration collective (52%).

Une hausse de la gestion déléguée

Le recours à la gestion déléguée augmente significativement dans plusieurs domaines. En matière de valorisation des déchets, ce mode de gestion passe de 43% à 53%. Pour la restauration collective, elle augmente de 9%. Le choix de ce mode de gestion a augmenté dans la majorité des cas concernant les autres services publics locaux entre 1% et 6% dans les 36 villes et EPCI étudiés. En revanche, l’atlas constate un net recul de la gestion directe. Cela correspond dans la majorité des cas, à une baisse comprise entre 3% à 14%. On assiste à un recul plus net encore, notamment en matière de collecte des déchets où elle baisse de 30% mais également en matière d’éclairage public avec une diminution de 17%. Toutefois, la gestion directe est en hausse de 3% dans le secteur du stationnement et de 8% dans celui de la petite enfance.

Impact de la recomposition territoriale

Parmi les enseignements communs, l’atlas constate les effets de la recomposition territoriale consécutive des réformes importantes de ces dernières années et qui se poursuit encore. « Elle n’a pas encore apporté tous ses fruits et des mutations sont en cours », constate Hubert du Mesnil. Selon lui, les exécutifs locaux ont d’abord géré l’essentiel et la question des modes de gestion des services publics reste encore en jachère. Il apparait une montée en puissance de la mixité des modes de gestion qui s’expliquent par la fusion d’EPCI et l’élargissement de périmètres laissant perdurer des contrats existants et parfois des modes de gestion différents.Autre observation dans les plus petits territoires : le recours à la régie est souvent le mode de gestion privilégié du fait d’une moindre réversibilité. Enfin, l’atlas constate qu’il n’y a pas de mouvement de « remunicipalisation » des services publics locaux, contrairement là encore à une idée reçue. A noter par ailleurs que l’atlas est aussi disponible de façon interactive sur : https://atlas.fondation-igd.org/ Cette version propose une interface numérique qui compile l’ensemble des données des trois éditions (2013, 2015, 2019) et permet d’effectuer de nombreux tris personnalisés.
Philippe Pottiée-Sperry
(1) L’atlas se base sur une enquête menée par téléphone et/ou en ligne par la société Axe Image.
Philippe Pottiée-Sperry
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