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Décryptage du plan France Ruralités

Philippe Pottiée-Sperry
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Décryptage du plan France Ruralités

Programme d’ingénierie dédié, entretien et développement des aménités rurales, mesures pour « améliorer le quotidien des habitants », pérennisation et réforme des ZRR… Le plan gouvernemental promet de répondre au sentiment de relégation des territoires ruraux.

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Très attendu, le plan France ruralités, prenant la suite de l’Agenda rural, a été présenté, le 15 juin, à Saulgé (Vienne, 1000 habitants), par Elisabeth Borne, en présence de nombreux ministres. Elle a mis en avant la volonté de « mettre en place des solutions concrètes, adaptées et différenciées, qui répondent aux besoins des territoires ruraux dans tous les domaines de la vie quotidienne ». « L’objectif est de répondre au sentiment d’abandon et de relégation de ces territoires en leur donnant les moyens nécessaires », explique-t-on à Matignon. 

Recrutement de 100 chefs de projets 
Dominique Faure, ministre délégué aux Collectivités et à la Ruralité, affirme que le plan résulte d’un an de travail, avec l’évaluation des 181 mesures de l’Agenda rural et la consultation de quelque 300 acteurs, associations, élus, entreprises ou collectifs citoyens.
Dans le détail, France ruralités se décline autour de quatre axes. Le premier porte sur l’ingénierie pour « accompagner les maires dans leurs projets de développement ». Répondant à une revendication de l’AMRF (Association des maires ruraux de France), un nouveau programme de l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires), baptisé « Villages d’Avenir », s’appuiera sur le recrutement de 100 chefs de projets, installés surtout dans les sous-préfectures des territoires les plus ruraux. Leur mission ? Accompagner les maires ruraux, comme un assistant technique local, pour passer de l’idée au projet. 

Ingénierie « opérationnelle »
Les communes rurales pourront candidater auprès de leur préfet de département, par « groupe de deux à huit communes ». Objectif : « constituer des groupements de petits villages unis par un projet collectif autour de l’habitat, des transports, du patrimoine ou de la santé », indique Matignon. Le gouvernement mise donc sur environ 500 communes rurales bénéficiaires. 
Les chefs de projet France ruralités seront mutualisés à l’échelle départementale. Leur démarche devra s’inscrire en complémentarité de ce qui existe déjà parfois (intercommunalité, PETR, département ou région). Matignon affirme que le programme « sera plus proche du terrain et des élus comme le réclamaient les maires ruraux ». Avec une ingénierie « opérationnelle du quotidien » que l’ANCT n’apporte pas assez jusqu’à présent. 

+60 M€ pour la dotation biodiversité
Deuxième axe du plan : la transition écologique. La dotation biodiversité va passer de 42 à 100 M€ afin de permettre de mieux entretenir et développer les aménités rurales. Ces territoires contiennent en effet 90% des surfaces protégées et possèdent de nombreuses ressources, indispensables à la transition écologique (forêt, eau, sols, biodiversité…). « La dotation biodiversité sera plus incitative pour développer des projets », souligne Matignon. 
Ces projets concerneront notamment la production d’énergies renouvelables (éolien, solaire, hydroélectricité, méthanisation…). 

Une série de mesures sur le quotidien
Ambitieux, le plan France ruralités veut aussi « améliorer le quotidien des habitants » (mobilités, santé, commerce…). Cela passera notamment par le déploiement de 100 nouveaux médico-bus, d’ici fin 2024, dans les territoires les plus touchés par la désertification médicale. A cela s’ajoute le doublement du nombre de maisons pluridisciplinaires de santé (objectif de 4000 en 2027), avec un accompagnement de 45 M€ sur trois ans. 
De plus, le fonds de soutien aux commerces ruraux, créé en mars dernier (avec déjà 76 projets lauréats), est pérennisé sur la durée du plan. Pour soutenir et investir dans les mobilités du dernier kilomètre (vélo, transport à la demande, mobilités solidaires…), un fonds de 90 M€, également sur trois ans, est créée. L’accompagnement se fera en ingénierie et en investissement. 

Programme logement
Pour lutter contre le logement vacant en milieu rural, concentrant 37% de la vacance alors qu’il ne représente que 24% du parc de logements, une prime dédiée est créée avec un budget de 12,5 M€. En pratique, cette prime vacance s’élèvera à 5000 € par logement pour les propriétaires qui effectuent des travaux de réhabilitation des logements ou rendent disponibles des résidences secondaires en contrepartie d’obligations de mise en location de leur logement à des publics cibles (salariés saisonniers, nouveaux entrepreneurs, jeunes). 
Pour mieux accompagner la réhabilitation des logements, il est mis en place des opérations programmées d’amélioration de l’habitat dédiées à la revitalisation rurale (OPAH-RR) à raison de 10 M€ sur cinq ans. Elles seront portées par l’Anah (Agence nationale de l'habitat), également mise à contribution pour renforcer l’accompagnement des collectivités dans la mise en œuvre d’opérations de revitalisation des territoires (ORT). Avec un budget de 15 M€, cela passera notamment par le soutien aux petites communes dans les procédures d’expropriation des biens vacants ou biens sans maître.

Education, jeunesse, culture
France ruralités présente aussi une quinzaine d’autres mesures : généralisation de l’expérimentation des territoires éducatifs ruraux, labellisation de 3000 places supplémentaires d’internat d’excellence, recrutement de 1250 services civiques en ruralité, prolongation du dispositif de volontariat territorial en administration (VTA) jusqu’en 2026, installation de relais info jeune dans les espaces France services, création d’un fonds de 2 M€ pour les lieux de convivialité innovants…  
La culture n’est pas oubliée avec notamment la mise en place d’un plan en faveur de l’ingénierie culturelle (mobilisation du fonds d’innovation territorial et des labels du ministère de la Culture en ruralité, recrutement de 60 VTA culture et financement de 50 sessions de formation pour les élus ruraux) ou le soutien renforcé aux Micro-Folies avec l'implantation d'au moins 200 de ces structures en milieu rural. 
Pour soutenir l’installation de France services en milieu rural, la subvention de l’Etat sera bonifiée dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), sans précision du montant pour l’instant. 

Pérenniser et réformer les ZRR
Sans grande surprise, le plan annonce aussi la pérennisation des ZRR, dispositif d’exonération fiscales et sociales (386 M€ en 2022) prenant fin le 31 décembre 2023. Il bénéficie aujourd’hui à 17 700 communes rurales. 
Sans beaucoup de précisions pour l’instant, le gouvernement veut « redynamiser » les ZRR en fixant un nouveau zonage qui soutiendra les territoires les plus fragiles avec des exonérations fiscales et sociales « mieux calibrées et ciblées afin de maintenir et de développer l’activité économique dans ces territoires ». La concertation doit se poursuivre avec les différents partenaires (parlementaires, associations d’élus, acteurs économiques…), notamment pour « éviter une dispersion des exonérations fiscales ». Matignon indique déjà que le nouveau zonage devra identifier certains territoires, en déprise démographique et économique depuis 1999, dans lesquels l’appui de l’Etat sera renforcé.
Comme le recommandent nombre de rapports et de propositions de loi, il y aura deux niveaux d’intervention (ZRR et ZRR+ pour les territoires les plus fragiles). Sur le critère de la maille communale et non plus de la maille intercommunale, comme le réclament l’AMF, l’AMRF ou les sénateurs, le choix n’est pas encore tranché.

Philippe Pottiée-Sperry
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