Participation : Terra Nova prône le « RIC délibératif »

Philippe Pottiée-Sperry
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Très souvent évoqué par les gilets jaunes comme durant les réunions locales du grand débat, le référendum d'initiative citoyenne (RIC) constitue-t-il une bonne réponse ?

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Il se présente comme un moyen pour les citoyens d'être plus consultés en leur donnant non seulement le choix des réponses, mais aussi celui des questions. Les risques associés à cette procédure sont cependant nombreux : affaiblissement voire remise en cause des élus, manque de délibération, forte exposition aux manoeuvres démagogiques... Pour tirer les bénéfices démocratiques du RIC tout en essayant d’en maîtriser les risques, le think tank Terra Nova a publié, le 18 février, une étude sur le sujet (http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/701/original/Terra-Nova_RIC-deliberatif_190219.pdf?1550507661) (1).

Méfiance de la classe politique

Au sommaire de l’étude : les solutions adaptées à l'étranger par les pays qui pratiquent déjà ce type de référendum. Terra Nova en tire une proposition inédite en France : « un RIC "délibératif" combinant étroitement démocratie directe et démocratie participative ». En pratique : le processus référendaire déclenché par la collecte d’un certain nombre de signatures s’accompagnerait de la constitution d'une assemblée de citoyens tirés au sort qui, avant le vote, délibèrerait publiquement sur l'impact et les conséquences du scrutin. Souvent, la classe politique voit le RIC comme un dispositif qui la contourne ou, pire, la discrédite. Le Premier ministre a ainsi avoué le 25 janvier dernier lors d’un débat à Sartrouville : « Le RIC me hérisse », exprimant un sentiment encore largement partagé. Dix jours plus tôt, à Grand Bourgtheroulde, dans l’Eure, Emmanuel Macron avait aussi fait part de ses réserves envers le RIC en estimant qu’« on ne doit pas créer une situation de concurrence entre les formes de démocratie » directe et représentative.

« Réhabiliter la fonction législative »

Selon Terra Nova, « le RIC délibératif n’est ni l’ennemi de la classe politique ni antinomique avec la démocratie représentative ». Au contraire. Et de donner l’exemple de la Suisse où « le RIC n’a pas fait disparaître les partis politiques ou la fonction législative des élus ». En effet, les initiatives référendaires helvétiques émanent beaucoup de partis ou de coalitions dans lesquels les militants et les élus jouent un rôle important. Les campagnes référendaires ont d’autant plus de chances de mobiliser les citoyens et d’emporter la décision que les élus et militants politiques s’y engagent. Terra Nova voit donc comme vertu au RIC de pouvoir « revitaliser les organisations partisanes et les associations citoyennes ». Et d’ajouter : « Si le RIC "mord" en apparence sur le champ d’action des représentants, il contribue en même temps à réhabiliter la fonction législative ».

Education collective à la construction de la loi

Le think tank estime aussi que le RIC participatif et délibératif constituerait « une éducation collective à la construction de la loi et une réhabilitation du travail législatif dans un régime où la loi s'apparente de plus en plus au décret. Il ouvre la voie à un ressaisissement par les parlementaires de leur fonction législative. Mis davantage sous la pression d’initiatives citoyennes plutôt que sous celle des lobbies, nous pensons que le Parlement sera poussé à prendre davantage d'initiatives et à relayer les attentes citoyennes plutôt qu’à se contenter d'obéir au gouvernement. Plus le Parlement et les partis politiques reconquerront leur fonction de représentation, moins fréquent sera alors le recours aux référendums citoyens ».

Une assemblée de 100 citoyens tirés au sort

En pratique, Terra Nova propose que la proposition de RIC soit transmise au Conseil constitutionnel afin de vérifier sa conformité. Une fois celle-ci acquise, la collecte de signatures pourrait alors s'engager. Le think tank suggère de fixer à 2 % du corps électoral le nombre minimum de signatures pour un "RIC de proposition" et de 4 % pour un "RIC abrogatoire". Ce seuil plus élevé concernerait aussi les sujets concernant la fiscalité ou les lois organiques. Les signatures devraient être réunies en moins de six mois. La phase délibérative passerait par une assemblée de 100 citoyens, issue d'un tirage au sort et de la méthode des quotas, siégeant durant trois mois. Son objectif : réaliser une étude d'impact en cas de victoire du "oui" en auditionnant les experts et en synthétisant les études existantes. Elle serait aussi chargée de rédiger et adopter un rapport exposant les conséquences pratiques de chacune de deux options. Pour un RIC de proposition, la validation du résultat nécessiterait « une majorité absolue de "oui" sur l'ensemble des suffrages exprimés et un quorum de participation supérieur à 50 % des inscrits », précise Terra Nova « Pour un RIC d'abrogation ou portant sur une question fiscale, elle supposerait que les "oui" représentent plus de 50 % des inscrits ».
Philippe Pottiée-Sperry
(1) Etude coordonnées par Loïc Blondiaux , Marie-Anne Cohendet, Marine Fleury, Bastien François, Jérôme Lang, Jean-François Laslier, Thierry Pech, Quentin Sauzay, Frédéric Sawicki.
Philippe Pottiée-Sperry
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