Une fracture métropoles/villes moyennes et rurales

Philippe Pottiée-Sperry
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Réalisé juste avant la crise des gilets jaunes, le premier Baromètre des Territoires Ipsos – Villes de France offre un décryptage utile pour comprendre les raisons de la « fièvre jaune » qui s’est emparée du pays depuis 4 mois, ainsi que les attentes qui pourraient s’exprimer à l’occasion du grand débat national en cours.

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L’enquête repose sur la comparaison systématique entre les réponses de 1600 Français selon le type de territoire habité (communes rurales, villes moyennes, métropoles ou Paris et sa petite couronne) sur 36 questions portant sur la perception de leur commune, la qualité des services et équipements et sur l’attachement à leur territoire. Elle met particulièrement en lumière les perceptions des habitants des villes moyennes, communes qui sont le plus souvent dans l’angle mort des grandes études d’opinion, et permet ainsi de mesurer la « fracture territoriale » telle qu’elle est perçue par les Français.

« Le baromètre sera pour Villes de France la base d’un dialogue exigeant avec les pouvoirs publics nationaux et l’instrument d’un vrai travail collaboratif avec les autres associations d’élus dans le cadre d’une alliance des territoires qu’il nous revient de construire chaque jour », affirme Caroline Cayeux, présidente de Villes de France.

Attachement des habitants aux villes petites et moyennes

La crise des gilets jaunes ne traduit, en aucun cas, un mal-être ou un rejet des habitants vis-à-vis de leur territoire et des modes de vie associés : les habitants des petites et moyennes villes plébiscitent leur commune pour leur qualité de vie et ils leur manifestent un attachement très fort. Quand on demande aux Français de définir le profil de la ville idéale, celle dans laquelle ils iraient habiter s’ils avaient le choix, 43 % répondent une ville moyenne, 35 % une commune rurale et 22 % seulement une grande ville. Une préférence partagée par tous les citadins puisque même les habitants des métropoles et de l’agglomération parisienne placent la ville moyenne en tête de leur choix. A la question de la taille optimale de la ville aux yeux des Français, ce sont les communes de 5000 à 30 000 habitants qui ressortent nettement en tête du classement, avec 32 % de réponses.

Les métropoles « avantagées »

En revanche, les Français ont le sentiment que les politiques publiques ont systématiquement avantagé les grandes villes et la capitale depuis 50 ans. Ils jugent de façon écrasante que les grandes métropoles (43%) ou Paris (37%) sont les territoires qui bénéficient le plus des politiques publiques, contre 5% seulement pour les villes moyennes et 3% pour les zones rurales. A l’inverse, extrêmement peu de Français estiment que les villes moyennes (5% des réponses) ou les zones rurales (3%) sont les premiers bénéficiaires de l’action gouvernementale. Selon les habitants des villes moyennes, l’élément qui s’est le plus « dégradé au cours des dernières années » est l’offre de santé : 42 % jugent qu’elle s’est détériorée, 17% seulement jugeant qu’elle s’est améliorée.

Un moindre accès aux services

- Le sentiment, en dehors des grandes villes, d’avoir un accès moins aisé aux services et équipements, surtout en matière de santé (entre 10 et 25 points de satisfaction en moins sur des items tels que les transports, l’accès à l’enseignement supérieur, l’offre de commerces, les loisirs et la vie culturelle etc.). - La dynamique en matière d’emploi : les habitants de villes moyennes sont deux fois plus nombreux que les « métropolitains » à juger que leur territoire n’est pas attractif en matière d’emploi (60 % contre 26 % !). -Le sort des centres-villes qui symbolise une forme de déclin économique : 86 % des habitants des villes moyennes jugent que ces centres-villes « sont en train de mourir ».

Les maires plébiscités

Pour résoudre les difficultés en matière d’emploi, les Français interrogés, réservés vis-à-vis des instances nationales (État, gouvernement, administration) s’en remettent à leurs maires. Les acteurs « les plus à même d’améliorer la situation du territoire » sont selon eux d’abord les élus locaux (43%), très loin devant les entreprises locales (28%) et le gouvernement (24% seulement). Ils sont d’ailleurs beaucoup plus confiants pour l’avenir de leur commune que pour celui de la France, comme si les solutions se situaient résolument au niveau local.

Optimisme sur l’avenir de la commune

Pour autant, si la crise des gilets jaunes devait amener à une vision noire de la situation des communes rurales, moyennes et périphériques, il faut néanmoins nuancer ce constat. Ainsi 32% des habitants des villes moyennes jugent-ils que les choses se sont améliorées dans leur commune au cours des dernières années, contre 30% qui estiment qu’elles se sont dégradées. 61% se disent même optimistes pour l’avenir de leur commune. Et pour évaluer leur situation personnelle, ils donnent une note moyenne de 6/10, soit un résultat quasi-identique à celui des métropoles (6,1/10) et de Paris (6,3/10).
P.P.-S.
(1) Sondage réalisée auprès de 1600 Français : 4 échantillons de 400 personnes résidant dans des zones rurales, des villes moyennes, des métropoles, Paris et 1ère couronne (Représentatifs en termes de sexe, d’âge, de profession de la personne de référence du ménage et de région). Étude réalisée par internet via le panel Ipsos sur la période du 23 au 30 octobre 2018
Philippe Pottiée-Sperry
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