Fortes tensions sur le recrutement dans les collectivités
Décrivant les grandes tendances de l’emploi dans la FPT, le 7ème Baromètre HoRHizons, présenté le 21 septembre, confirme et chiffre les fortes tensions sur le recrutement et les problèmes d’attractivité. Parmi les autres constats : une hausse de la masse salariale et un rôle d’employeur toujours méconnu par les élus locaux.
« L'attractivité constitue la question prégnante dans la fonction publique territoriale. Nous recevons de moins en moins de candidatures. Sachant que la commune est le premier guichet d’accueil, il faut des agents. Si nous n'avons pas les moyens humains pour répondre aux attentes, il deviendra de plus en plus difficile de garantir un service public de qualité ». Maire de Lampertheim et secrétaire générale de l’AMF, Murielle Fabre, plante d’emblée le décor, le 21 septembre, lors de la présentation du dernier baromètre HoRHizons sur les grandes tendances de l’emploi public local (1). Il s’agit de la 7ème enquête réalisée par l’AMF, le CNFPT, la Fédération nationale des CDG (FNCDG), Départements de France (ADF) et Régions de France, auprès d’un échantillon représentatif de 1001 collectivités et établissements publics territoriaux.
Besoin de recruter en hausse
Aujourd’hui, une collectivité sur deux (49,2% soit 5,6 points de plus par rapport au baromètre de 2020) envisage de recruter prochainement, dont plus d’un tiers de façon certaine (34,5 %), et cela particulièrement dans les départements et les intercommunalités. Les perspectives de recrutement sont en constante progression depuis 2015. « Les collectivités ont besoin de recruter mais n’y arrivent pas ! », pointe Murielle Fabre.
De plus en plus de métiers en tension
Les difficultés de recrutement sont fortes sur de plus en plus de métiers en tension : les secrétaires de mairie (toujours en première position), les travailleurs sociaux, les policiers municipaux, les animateurs, les responsables de services techniques…
« Ces métiers en tension sont beaucoup plus nombreux qu’auparavant », constate Murielle Fabre qui l’explique par les nombreux départs la retraite. C’est la raison invoquée par 48 % des répondants loin devant les créations de postes (15 %). La secrétaire générale de l’AMF l’explique aussi par la concurrence forte entre collectivités mais aussi avec le secteur privé. « Cela est particulièrement vrai sur les métiers techniques qui sont mieux payés dans les entreprises privées », reconnaît-elle.
Leviers d’attractivité de l’emploi
Sans surprise, le premier levier évoqué par les collectivités pour améliorer leur attractivité et fidéliser leurs agents est le régime indemnitaire (45,2 % des réponses). Suivent les actions en faveur de la qualité de vie au travail (36,2 %) et la protection sociale complémentaire (28,1 %). Dans la panoplie figurent également l’action sociale (18 %), le télétravail (17,4 %), l’accompagnement à l'évolution professionnelle et à la mobilité interne (17,2 %), la politique managériale (13,4 %), la politique de valorisation de l'image de la collectivité (12,9 %) et les règles de déroulement de carrière attractives (9,6 %).
Concernant la priorité affichée par Stanislas Guerini, le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, sur la question de l’attractivité de la fonction publique, Murielle Fabre se réjouit mais constate qu’il n’y a pas encore d’actes concrets. « Il rencontre actuellement tous les partenaires, constate-t-elle. Il sera devant le CSFPT dans les prochains jours ».
Nécessité de communiquer
Pour François Deluga, « le développement de l’attractivité doit également passer par plus de décentralisation afin de disposer des financements nécessaires ». De son côté, Michel Hiriart, le président de la Fédération nationale des CDG (FNCDG), insiste sur l’amélioration des parcours professionnels parmi les solutions à apporter.
Murielle Fabre souligne que parmi les leviers d’attractivité, il ne faut pas oublier la communication. « Il faut donner plus de visibilité à la FPT et communiquer ‘grand public’ afin de faire connaître la grande diversité de nos métiers, insiste-t-elle. Cela exige de travailler davantage avec les différentes écoles et Pôle emploi ». Sur la même ligne, François Deluga estime que ce travail d’image permettra de lutter contre le fonctionnaire bashing. « L’attractivité passe aussi par l’image, défend-il. Etre fonctionnaire signifie d’être au service des autres, c’est le sens de l’engagement pour le service public ».
Contexte financier difficile
Le président du CNFPT, également trésorier de l’AMF, s’alarme du contexte financier actuel et en particulier de l’inflation « qui tourne plutôt autour de 10 % pour les communes et les départements, soit bien plus que pour le reste du pays ». Parmi les principaux freins à leur gestion des RH, les collectivités indiquent en premier lieu la raréfaction des ressources financières (69 %), les contraintes normatives (50 %) et les effets de la crise sanitaire (47 %).
Par ailleurs, 55 % constatent une augmentation de leur masse salariale contre 31 % en 2021. Les trois principaux facteurs évoqués sont les promotions et les avancements (39,1 %), les nouvelles mesures statutaires (37,3 %) et les nouveaux recrutements (36,7 %).
S’agissant du RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel), 79,4 % des collectivités l’ont mis en place, soit 10 points de plus qu’en 2020 (70 %). Le régime indemnitaire s’est généralisé surtout dans les régions, les départements et les intercommunalités, alors qu’il est moins répandu dans les communes de moins de 20 000 habitants (72,4 %).
Un rôle d’employeur méconnu par les élus
Une nouvelle fois, le baromètre HoRHizons constate que le rôle d’employeur reste méconnu et sous-estimé de la part des élus par rapport à d’autres priorités. Ainsi, seuls 8,9 % d’entre eux ont suivi une formation sur cette fonction d’employeur, un tiers (33,5 %) compte le faire pendant leur mandat, alors que 36,2 % ne pensent pas utiliser leur droit à la formation.
Par ailleurs, si plus de la moitié des élus interrogés (54,3 % contre 49,5 % en 2020) estiment que le statut de la FPT est adapté à la gestion des RH, près d’un tiers (32,2 % contre 30,3 %) jugent en revanche qu’il constitue une contrainte.
Cinq priorités RH
Questionnés sur les principaux axes de leur stratégie RH, les employeurs territoriaux font ressortir cinq priorités : le développement de la formation et des compétences des agents (88 %) ; l’amélioration de la prévention, de la santé et de la sécurité au travail (84,7 %) ; la gestion de la masse salariale et des coûts RH (79,4 %) ; l’évolution du régime indemnitaire (71,5 %) et l’adaptation du temps de travail (71,2 %).
Surtout des formations obligatoires
Les politiques de formation des collectivités sont essentiellement axées sur les formations obligatoires (73,5 %), l’accompagnement à la prise de poste (56,3 %) et les formations statutaires (55,8 %). Quant au format de ces formations, si les formations mixtes présentiel/distanciel sont considérées comme attractives par 46,5% des collectivités, elles sont autant (46,5 % contre 40,1 % en 2020) à se prononcer en faveur des formations en présentiel sur le lieu de travail ou dans un centre de formation. Sans surprise, le président du CNFPT défend la formation : « je suis convaincu qu’un des atouts de la FPT est l’action constante des collectivités en matière de formation, avec son outil de formation universel au service des deux millions de fonctionnaires territoriaux qu’est le CNFPT ».
Par ailleurs, seulement 11,5% des collectivités (surtout les plus grandes) possèdent un service dédié à l’accompagnement des évolutions professionnelles. La très grande majorité (72,1 %) ne possédent pas de service dédié ont recours aux services proposés par leur CDG.
60% des collectivités ont un dispositif de PSC
Alors que la participation des employeurs territoriaux à la protection sociale complémentaire (PSC) de leurs agents n’est pas encore obligatoire (2025 pour la prévoyance et 2026 pour la santé), 60,9 % des collectivités ont déjà mis en œuvre un dispositif. Logiquement, la tendance concerne surtout les plus grandes collectivités. En revanche, 43,3 % des communes de moins de 3500 habitants n’ont pas mis en œuvre de dispositif de PSC.
83,4 % des collectivités appliquent les 1607 heures
Près de 70 % des collectivités estiment que le dialogue social a été d’une qualité constante, 16,2 % considèrent qu’il s’est amélioré et 13,9 % d’entre eux jugent qu’il s’est détérioré, essentiellement au sein des communes de plus de 20 000 habitants, des communautés urbaines et des départements. Une tension qui peut s’expliquer par les négociations engagées autour de la refonte du temps de travail ou sur les écarts de rémunérations.
Le chantier de la réorganisation du temps de travail semble s’achever avec 83,4 % des collectivités indiquant appliquer la règle des 1607 heures. 39,2 % ne l’ont mise en œuvre que cette année. En pratique, 26 % des répondants l’ont accompagnée de contreparties comme l’octroi de jours de réduction du temps de travail (RTT) ou l’augmentation du régime indemnitaire.
Progression lente du télétravail
Seulement 34,5 % des collectivités ont mis en place un protocole de télétravail, surtout dans les départements, les communautés d’agglo et les communautés de communes. Le dossier avance lentement avec juste 5,3 % en train d’en élaborer un. Les communes de moins de 20 000 habitants et les communautés de communes sont les moins nombreuses à avoir instauré le travail à distance, de par la nature de leurs métiers difficilement télétravaillables.
Décollage de l’apprentissage
L'apprentissage dans la FPT se porte bien avec plus du quart des collectivités qui prévoient de recruter au moins un apprenti cette année, et 5,2% plus de cinq apprentis. Cela se fera en priorité sur les métiers des interventions techniques (48,8%) et ceux de l’administration et de la gestion (33,5%).
Si la plupart des grandes collectivités envisagent ces recrutements dans leur très grande majorité, seules 8,4% des communes de moins de 3500 habitants pensent faire appel à ce type de contrat.
Sur la forte progression de l’apprentissage, François Deluga salue « une très bonne nouvelle » mais s’inquiète des financements sachant que le nombre d’apprentis dans la FPT sera plus important que prévu : 16 000 sur 2022 et 2023 alors qu’ils devraient atteindre en réalité 24 000. « Il faut engager des discussions avec l’Etat pour prévoir les financements nécessaires », indique le président du CNFPT.
(1) HoRHizons 2022 s’appuie sur une enquête réalisée par le cabinet Qualitest entre le 4 avril et le 5 mai 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 1001 collectivités et établissements publics territoriaux dont 6 régions, 36 départements, 749 communes, 50 communautés d’agglomération, 155 communautés de communes, 3 communauté urbaine et 2 métropoles.