Le télétravail apprécié des agents mais source d’inégalités entre eux

Philippe Pottiée-Sperry
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Sondage télétravail agents publics

Seulement 29% des agents pratiquent le télétravail. Ils l’apprécient et l’exercent surtout un ou deux jours par semaine. Autre leçon du sondage du Sens du service public : le creusement des inégalités entre agents. Parmi les compensations testées, la semaine de quatre jours est plébiscitée.

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Dans les administrations, le télétravail a connu un essor inédit lors de la crise sanitaire. Subi et non choisi, il n’a pas toujours été très bien vécu. Depuis, ce nouveau mode de travail s’est rapidement imposé. Les réflexions et les expérimentations se sont multipliées pour l’adapter, l’accompagner et l’encadrer.  
Pour prendre le pouls des agents, et mesurer leur ressenti, le think tank Le Sens du service public a réalisé un sondage avec Opinionway (1), mené auprès d'eux mais aussi des usagers, et présenté le 5 avril. 

Une pratique encore minoritaire  
La pratique du télétravail demeure, sans surprise, encore minoritaire : 39% des agents (47% de catégorie A et 32% de catégorie C) ont la possibilité de le faire alors que les autres ne le peuvent pas car leur poste ne le permet pas. Cependant, la moitié de ceux-ci souhaiteraient pouvoir en bénéficier. 
25% des agents pouvant télétravailler ne le font pas. Le principal frein est avant tout la préférence à venir sur site, loin devant le montant de l’indemnité de télétravail, néanmoins jugée insuffisante. Au final, ce sont donc simplement 29% des agents qui pratiquent le télétravail. 
« 80% sont contre le tout télétravail, préférant la mixité », indique Stéphane Lefebvre, DGA d’Opinionway. Selon l’enquête, 63% des agents pouvant télétravailler le pratiquent un ou deux jours par semaine et seulement 2% cinq jours (2% quatre jours et 8% trois jours). 

Satisfaction élevée
L’enquête fait ressortir une satisfaction élevée dans la pratique du télétravail, plus forte auprès des femmes (deux fois plus nombreuses que les hommes à être « très satisfaites »). Le principal avantage cité est la réduction du temps de transport (73% des réponses). Suivent un environnement plus calme (56%) et un meilleur équilibre vie professionnelle et vie personnelle (50%). Sur ce dernier item, le taux de satisfaction est très élevé (88% dont 41% de très satisfaits). A noter qu’il est là encore plus fort chez les femmes (95%) que chez les hommes (78%). La note globale de satisfaction est importante : 8,1 sur 10. Elle atteint même 10 pour 29% des agents. 
Autre enseignement de l’enquête : le télétravail contribue à réduire l’absentéisme. Près de la moitié des agents déclarent ainsi avoir télétravaillé plutôt que de poser une journée d’arrêt maladie ou un congé pour garder un enfant malade. 

Sentiment d’isolement des 25-34 ans
Au registre moins positif du télétravail, le manque de relation humaine apparaît comme la première difficulté (65% des réponses), suivis par un manque d’équipement (61%) et une cohésion d’équipe insuffisante (60%). Le sentiment d’isolement est ressenti très fortement par les 25-34 ans (84% le citent contre 46% de l’ensemble des agents). Les jeunes sont aussi ceux qui ont rencontré le plus de difficultés pour acheter des équipements informatiques spécifiques pour leur domicile. 

Une source d'inégalités entre agents
Parmi les 60% d’agents ne pouvant pas pratiquer le télétravail (la moitié d’entre eux le souhaiteraient), beaucoup se sentent « oubliés » et « invisibles », leurs contraintes professionnelles les laissant en marge d’un mouvement de modernisation bénéficiant surtout à ceux travaillant dans des bureaux. Le Sens du service public craint que « le fait d’avoir des missions de terrain ou de première ligne soit plus encore dévalorisé et défavorable à l’attractivité des métiers de proximité ». 
Face à ce sentiment d’injustice, Noam Leandri, membre du think tank, plaide pour mettre en place des « compensations comme par exemple la semaine de quatre jours ». Testée dans le sondage, l’idée est plébiscitée par 79% des agents. « Devant rencontrer prochainement le ministre Stanislas Guerini, nous allons lui soumettre cette idée », poursuit-il. Mais une telle semaine de quatre jours resterait sur 35 heures ! « Bien qu’intéressante, elle ne suffira pas », reconnaît Johan Theuret, autre membre du Sens du service public. 

Contrastes entre agents et usagers 
L’impact environnemental du télétravail est perçu comme positif tant par les agents (80%) que par les usagers (75%). Mais seulement un quart des agents estime que l’économie réalisée sur les déplacements compense totalement les dépenses énergétiques en télétravail. 
Par ailleurs, les agents perçoivent une amélioration de leur performance, davantage que les usagers. Le décalage de perception entre eux est souvent important. Concernant l’impact du télétravail dans la qualité des services, 59% des agents le jugent positif contre seulement 46% des usagers. Dans le détail, c’est encore pire : amélioration de la rapidité (72% contre 54%) et de la fiabilité (70% contre 49%). 

La démat dégrade le service public
Quant à l’impact sur la qualité des relations, les jugements sont tous les deux négatifs (42% et 33%). Ces résultats confortent l’idée que la dématérialisation tend à dégrader le service public rendu (perte de contact humain, manque d’adaptation aux cas particuliers…). Un avis partagé par 71% des agents (66% de ceux télétravaillant) et 73% des usagers. De plus, la dématérialisation ajoute de la pression sur les personnels en contact avec le public. 
Enfin, le sondage montre que les maisons France services ne sont connues que par 46% des Français, donc moins de la moitié ! Un effort d’information et de communication s’impose. 

(1) Sondage Opinionway réalisé auprès d’un échantillon de 1003 personnes, représentatif des agents publics, du 2 au 20 mars 2023, et auprès d’un échantillon de 1004 personnes, représentatif de la population française de 18 ans et plus, du 13 au 17 mars 2023. Enquête menée avec le soutien de la MNT, de la Casden et de la Fondation Jean Jaurès.

Philippe Pottiée-Sperry
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