Zéro artificialisation nette : le manifeste des géomètres-experts

Philippe Pottiée-Sperry
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Issu du plan Biodiversité du 4 juillet 2018, l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols (ZAN) vise à limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Depuis déjà plusieurs mois, il fait l’objet, sous l’égide de trois ministères (logement, transition écologique, agriculture), d’un groupe de travail composé d’associations d’élus, de parlementaires, d’associations et de représentants d’aménageurs. Mais l’instruction du gouvernement du 29 juillet 2019 sur la mise en oeuvre, à l’horizon 2050, de ce principe du ZAN avait donné le ton de la fermeté. Certaines associations d’élus avaient alors dénoncé une « recentralisation » de la part de l’Etat sur les politiques d’aménagement. L’instruction vise « l’étalement de l’urbanisation, lié au développement de zones pavillonnaires et à l’implantation de zones d’activités et de surfaces commerciales à la périphérie des agglomérations » qui « emporte des contraintes économiques, sociales et environnementales pour les collectivités et l’ensemble de la population ».

Participer au débat

Même s’ils comprennent sa finalité, le sujet inquiète les élus locaux. Pour participer au débat, l’Ordre des géomètres-experts (OGE) a publié, le 23 janvier, un manifeste afin de « prendre part au mouvement très fort de reconquête de la nature en ville et dans le monde rural grâce au ZAN ». Mais en le pondérant dès le départ par l’affirmation qu’« il ne doit pas y avoir un modèle d’analyse mais des modèles adaptés à chaque typologie de territoire ».

Des atteintes majeures à la biodiversité

Les constats tout d’abord. L'OGE reconnaît les atteintes majeures à la biodiversité dans les villes et les campagnes, depuis des décennies. De plus, la progression des inondations et des sécheresses, directement imputables au réchauffement climatique, impose de réfléchir sur la perméabilité des sols et la préservation des zones de captation. Autre constat : la vacance de bâtiments existants (tertiaires ou résidentiels) et l'absence de résorption des friches industrielles qui représenteraient entre 80 et 100 000 hectares en France malgré les efforts faits (règlementaires, institutionnels, financiers, techniques, etc.) concourent à la surconsommation foncière. Enfin, le monde agricole est souvent pris en étau entre les contraintes économiques et les attentes écologiques de plus en plus fortes de la société.

Appel à « un dialogue constructif »

Si l’OGE reconnaît qu’il y a urgence à réagir pour préserver la biodiversité, il appelle à « un dialogue constructif rassemblant citoyens, élus et professionnels de l’aménagement pour construire ensemble le chemin vers des territoires durables ». L’instruction « ZAN » du gouvernement consiste à stopper la destruction des espaces naturels, agricoles et forestiers, causée par un changement d’usage et de structure des sols (le logement, l’industrie, les infrastructures routières...). Les géomètres-experts proposent aux élus locaux de les accompagner pour répondre aux enjeux posés par cet objectif. « Une application inappropriée de l’objectif ZAN pourrait conduire à accentuer les ruptures entre villes et campagne et intensifier la désertification dans certaines régions », alerte l’OGE. Son vice-président, Xavier Prigent, insiste sur « la nécessité de mettre en œuvre une politique concertée pour un aménagement équilibré et contextualisé des territoires dans laquelle le développement humain et le bien-être doivent être les priorités ».

10 propositions

À travers 10 recommandations allant de la promotion des projets urbains apportant une plus-value environnementale jusqu’au lancement d’un plan national de résorption de l'habitat insalubre, l’Ordre des géomètres-experts propose d’accompagner les élus locaux pour partir à la reconquête de la biodiversité. En préalable, il plaide pour bien distinguer l’artificialisation de l’imperméabilisation.Autre proposition : faciliter la construction et le développement des projets à biodiversité positive ou qui intègrent des logiques de production agricole de proximité (agriculture urbaine). Par ailleurs, l’OGE suggère de réintroduire la nature en ville en déployant un coefficient minimal de nature par habitant, à l’échelle des agglomérations. La reconquête de friches serait une réponse économiquement viable et écologiquement responsable, ajoute l’OGE. Plusieurs projets exploitent déjà ce principe de « sanctuaires » ou d’ilots de biodiversité avec un système végétal qui contribuera, à terme, à la dépollution du sol, voire de l’eau.P.P.-S.
Philippe Pottiée-Sperry
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